Material Nexus, une entreprise britannique spécialisée dans les matériaux avancés, a développé un nouvel aimant permanent entièrement exempt de terres rares. En utilisant sa plateforme d’IA, la start-up affirme avoir effectué le processus d’identification et de développement 200 fois plus rapidement qu’avec les procédés manuels. Baptisé MagNex, le matériau ouvre la voie à une chaîne d’approvisionnement plus durable pour les technologies de transition verte.
L’utilisation des aimants permanents pour alimenter les moteurs électriques gagne toujours plus d’intérêt. Ces aimants permettent notamment d’améliorer considérablement les performances des moteurs. Ils sont par exemple utilisés pour les véhicules électriques, les éoliennes, la climatisation, les drones et la plupart des conceptions robotiques. 80 % des véhicules électriques actuels sont d’ailleurs alimentés par des moteurs à aimant permanent.
Cependant, la fabrication de ces aimants nécessite de grandes quantités de terres rares, telles que le néodyme et le dysprosium. L’extraction minière de ces éléments nécessite des processus de traitement chimique agressifs et énergivores, car ils sont disséminés dans les gisements en très faibles quantités. Les plus importants ne contiennent qu’environ 5 % de terres rares, tandis que la moyenne ne s’élève qu’à 1 %. Leur exploitation engendre ainsi de lourds impacts environnementaux. Or, la quantité de terres rares utilisée est déterminante pour la performance des moteurs.
Rien que pour les véhicules électriques, Material Nexus estime que la demande d’aimants aux terres rares sera multipliée par dix d’ici 2030. D’un autre côté, la Chine détient le monopole des exploitations, extrayant 70 % des terres rares au niveau mondial et en traitant 90 %. Cela entraîne des problèmes géopolitiques et laisse les autres fournisseurs vulnérables aux ruptures d’approvisionnement et aux fluctuations des prix. Actuellement, l’offre est loin de suivre la demande, ce qui a entraîné une augmentation des prix d’environ 100 % au cours des quatre dernières années.
Afin de surmonter ces problèmes, des aimants permanents exempts de terres rares ont été proposés. Cependant, les aimants à la fois exempts de terres rares et suffisamment performants pour être appliqués à des moteurs électriques sont extrêmement difficiles à développer. Quel que soit le domaine d’application, la découverte de nouveaux matériaux est un processus lent généralement basé sur des essais et des erreurs — ce qui nécessite inévitablement beaucoup de ressources. C’est pour cette raison que les avancées en matière de matériaux rencontrent un certain retard par rapport aux autres innovations industrielles.
Pour surmonter cette difficulté, Material Nexus propose d’utiliser l’IA pour accélérer le processus de développement des aimants permanents. Avec l’appui de l’Institut Henry Royce et l’Université de Sheffield, ils ont développé en un temps record MagNex, un nouvel aimant permanent sans terres rares. Le nouveau matériau est non seulement optimisé en matière de performance, mais également en ce qui concerne la chaîne d’approvisionnement des matières premières nécessaires à sa fabrication.
Selon Jonathan Bean, PDG de l’entreprise, « la conception de matériaux basée sur l’IA aura un impact non seulement sur le magnétisme, mais également sur l’ensemble du domaine de la science des matériaux. Nous avons désormais identifié une méthode évolutive pour concevoir de nouveaux matériaux pour tous les types de besoins industriels ».
Une réduction de 70 % des émissions de carbone
Afin d’identifier le nouveau matériau, l’équipe de Material Nexus a passé en revue plus de 100 millions de candidats aimants permanents sans terres rares, à l’aide de sa plateforme d’IA. Pour sélectionner les meilleurs matériaux, le modèle a pris en compte des variables essentielles telles que le coût, la sécurité de la chaîne d’approvisionnement, les performances et l’impact environnemental.
Les chercheurs ont identifié, synthétisé et testé MagNex en seulement 3 mois, soit 200 fois plus rapidement que le processus manuel. À titre de comparaison, il a fallu des décennies pour découvrir l’aimant permanent (avec des terres rares) standard utilisé actuellement pour l’industrie et encore plus pour le développer et l’appliquer aux technologies que nous utilisons aujourd’hui. De plus, le nouveau matériau peut être produit avec seulement 20 % du coût de production des aimants permanents avec terres rares, tandis que ses émissions de carbone par kilogramme de matériau sont réduites de 70 %.
Selon Bruce Adderley, directeur de Make & Use – Net-Zero de l’Innovate UK (l’agence nationale britannique dédiée à l’innovation technologique), « cela pourrait avoir un impact futur significatif sur nos ambitions de zéro émission nette, grâce aux énergies renouvelables et aux transports à faibles émissions de carbone, en supprimant le besoin d’éléments de terres rares dans les aimants permanents haute performance ».
Par ailleurs, cette approche pourrait être orientée vers d’autres applications utiles à la transition verte, telles que les semi-conducteurs, les supraconducteurs et les catalyseurs. Selon Bean, leur plateforme d’IA a déjà suscité un intérêt significatif dans ce sens.