Dans le désert aride de la région de Nazca, au sud du Pérou, se dissimulent les énigmatiques géoglyphes de Nazca, parmi les œuvres les plus fascinantes de l’archéologie. Créés par la civilisation Nazca il y a environ 2 000 ans, ils ont été inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1994. Depuis les années 1940, les recherches menées sur le terrain ont permis d’identifier 430 géoglyphes figuratifs sur le plateau de Pampa de Nazca. Récemment, en utilisant l’intelligence artificielle, une équipe d’archéologues japonais a découvert en seulement six mois 303 nouveaux géoglyphes.
Les géoglyphes de Nazca, aussi appelés lignes de Nazca, sont d’immenses dessins formés de lignes simples illustrant des figures humaines, végétales et animales. Ils auraient été produits entre 500 ans avant notre ère et 500 ans après notre ère. Depuis leur découverte, les archéologues classent ces œuvres d’art antiques en deux catégories distinctes.
D’une part, les géoglyphes géants de type « ligne », tracés en déplaçant les couches supérieures de galets teintés de rouge du plateau aride de Pampa de Nazca, révélant ainsi des sections plus claires. D’autre part, les glyphes de type « relief », de taille plus modeste (en moyenne 9 mètres), dessinés à l’aide de pierres dont la surface est colorée en noir et blanc, rendant leur discernement plus délicat en raison du faible contraste avec le terrain désertique.
La majorité des 430 géoglyphes (380 de type relief et 50 de type ligne) découverts depuis 1940 ont été identifiés au cours des deux dernières décennies, grâce aux progrès de l’imagerie satellite. Cependant, le rythme des nouvelles découvertes a ralenti pour plusieurs raisons. Les chercheurs estiment que les intempéries survenues au fil des siècles ont significativement réduit la visibilité des formes. De plus, l’immensité de la Pampa, s’étendant sur 400 kilomètres carrés, nécessite un temps considérable pour être explorée avec des méthodes archéologiques conventionnelles. « La Pampa est si vaste qu’il faut beaucoup de temps pour mener des recherches avec des méthodes archéologiques traditionnelles », explique Masato Sakai, archéologue et anthropologue à l’Université de Yamagata au Japon, dans un communiqué.
Pour surmonter ces défis et découvrir de nouveaux glyphes, Sakai et son équipe, en collaboration avec le centre de recherche Thomas J. Watson d’IBM, ont développé un système basé sur l’intelligence artificielle capable d’identifier les géoglyphes de type relief à partir d’images de drones couvrant l’ensemble de la région de Nazca. Ce modèle d’IA a été spécifiquement entraîné pour repérer les contours pâles des géoglyphes, identifiant ainsi des formes dans les images satellites que les chercheurs avaient manquées.
Ainsi, dans une nouvelle étude publiée dans la revue PNAS, l’équipe rapporte que le programme a produit une liste de 1 309 géoglyphes au total. Les chercheurs ont ensuite confirmé 303 nouveaux glyphes grâce à des relevés de terrain, doublant presque le nombre de géoglyphes connus à ce jour.
Des figures humanoïdes et d’animaux abstraits
Parmi les lignes de Nazca supplémentaires confirmées par l’équipe, 178 ont été suggérées par l’intelligence artificielle. Selon les chercheurs, ces géoglyphes incluent des figures humanoïdes, des « têtes décapitées », des animaux domestiques, des oiseaux, une « scène cérémonielle » ainsi que des figures illustrant des interactions entre humains et animaux. Ils ont également découvert deux représentations insolites d’orques de 22 mètres de long environ, chacune tenant un couteau.
La majorité des géoglyphes nouvellement identifiés (environ 80 %) sont de type relief. Les 20 % restants sont de type ligne et représentent principalement des animaux sauvages tels que des oiseaux, des singes et des baleines. L’équipe souligne que les géoglyphes en relief sont situés à proximité d’anciennes pistes traversant la région, suggérant qu’ils ont été conçus pour être observés par les voyageurs.
« Dans le cas des géoglyphes en relief, vous pouvez les voir en marchant le long des sentiers. Je pense donc que les sentiers ont été créés pour permettre aux gens de voir les géoglyphes en relief en les parcourant », avance Sakai. « En revanche, les géoglyphes de type ligne se concentrent autour des points de départ et d’arrivée du réseau de géoglyphes de type ligne. Ce réseau est connecté aux centres cérémoniels de Cahuachi et aux lieux sacrés, je pense donc que les gens marchaient le long de ce réseau », ajoute-t-il.
Ce n’est pas la première fois que Sakai fait ce genre de découverte en utilisant des technologies de pointe. Depuis 2004, il recourt à la télédétection pour explorer l’ensemble de la Pampa de Nazca, découvrant au fil des ans 318 des 430 géoglyphes connus jusqu’à cette nouvelle mise au jour — à lui seul, il a donc identifié à ce jour plus de 600 géoglyphes. À l’aide de l’IA, il estime désormais pouvoir trouver au moins 250 nouvelles lignes dans les années à venir. « Je veux déchiffrer les informations contenues dans les géoglyphes », conclut Sakai.