Les deux constructeurs viennent de dévoiler un nouveau type de puce basse consommation, susceptible de prolonger l’autonomie des batteries de smartphones jusqu’à une semaine. Pour cela, ils ont mis au point un nouveau procédé de conception de semi-conducteurs reposant sur une architecture verticale, pouvant réduire la consommation énergétique de 85% par rapport à l’architecture traditionnellement utilisée aujourd’hui.
Avec les progrès toujours croissants de la technologie, la demande d’augmentation des performances et de l’efficacité énergétique des composants électroniques ne cesse de croître elle aussi. Dans ce contexte, IBM dévoilait il y a quelques mois un nouveau procédé de fabrication de semi-conducteurs, à feuillets de 2 nanomètres, pouvant théoriquement atteindre des performances supérieures de 45%, ou une consommation d’énergie inférieure de 75%, par rapport aux puces 7 nm les plus avancées — les dimensions 2 nm et 7 nm faisant référence aux dimensions des gravures appliquées.
« L’innovation IBM reflétée dans cette nouvelle puce de 2 nm est essentielle pour l’ensemble de l’industrie des semi-conducteurs et de l’informatique », déclarait à l’époque Darío Gil, premier vice-président et directeur d’IBM Research. Et pour cause : cette nouvelle technologie offre la possibilité d’adapter jusqu’à 50 milliards de transistors sur une puce de la taille d’un ongle, précise le constructeur. Ces puces 2 nm pouvaient potentiellement quadrupler la durée de vie des batteries de téléphone, espaçant chaque recharge de quatre jours environ, et accélérer considérablement les performances des ordinateurs portables.
Une approche qui permet d’étendre la loi de Moore
Mais IBM, en collaboration avec Samsung Electronics, est allé encore plus loin dans l’innovation : ensemble, ils ont conçu une nouvelle architecture de transistors à effet de champ, nommée Vertical Transport Field Effect Transistors (VTFET), qui pourrait véritablement révolutionner l’informatique pour les années à venir.
Les transistors sont des dispositifs semi-conducteurs, utilisés dans la plupart des circuits électroniques ; plus ils sont nombreux sur une puce, plus les performances de calcul sont élevées. Selon la loi de Moore, le nombre de transistors incorporés dans une puce de microprocesseur double approximativement tous les deux ans. Certes, les transistors sont de plus en plus petits grâce à une gravure toujours plus fine, mais celle-ci ne pourra pas descendre en-dessous d’un certain seuil. Avec une gravure à 2 nm, on se rapproche ainsi dangereusement des limites maximales imposées par l’espace disponible.
C’est là que la nouvelle technologie proposée par IBM et Samsung prend tout son sens. Contrairement aux transistors dits « à effet de champ à ailettes » (notés FinFET pour fin field-effect transistor) — qui sont le standard actuel et qui reposent à plat sur la surface de la puce — les VTFET sont disposés verticalement, ce qui permet d’en positionner davantage sur une surface équivalente. Avec les FinFET, le flux électrique est transporté d’un côté à l’autre du transistor, tandis qu’il circule de bas en haut dans les VTFET.
Non seulement cette approche permet d’ajouter plus de transistors — repoussant ainsi la limite fixée par la loi de Moore —, mais elle augmente les surfaces de contact entre chacun d’eux, ce qui permet d’améliorer le flux du courant tout en réduisant les pertes énergétiques. Selon IBM, les VTFET pourraient doubler les performances des technologies actuellement disponibles ou réduire de 85% leur consommation énergétique.
Des performances accrues, une autonomie durable
Les applications potentielles sont nombreuses. Grâce au VTFET, les batteries de smartphone pourraient tenir plus d’une semaine sans être rechargées. De même, les processus particulièrement énergivores, en particulier le minage de cryptomonnaies et le chiffrement des données, pourraient nécessiter beaucoup moins d’énergie — une bonne nouvelle lorsque l’on sait que le minage du Bitcoin en Chine pourrait représenter une consommation énergétique annuelle de près de 300 Twh et générer plus de 130 millions de tonnes métriques de CO2 (soit davantage que la production totale annualisée d’émissions de gaz à effet de serre de la République tchèque et du Qatar).
Le secteur de l’Internet des objets pourrait lui aussi bénéficier de ces caractéristiques exceptionnelles : IBM évoque notamment les balises océaniques, les vaisseaux spatiaux ou encore les véhicules autonomes, dont l’autonomie et les performances seraient nécessairement accrues. « L’annonce technologique d’aujourd’hui vise à remettre en question les conventions et à repenser la façon dont nous continuons à faire progresser la société et à proposer de nouvelles innovations qui améliorent la vie, les affaires et réduisent notre impact environnemental », a déclaré le Dr. Mukesh Khare, vice-président chez IBM Research.
À noter que cette annonce survient alors que le monde fait actuellement face à une pénurie de semi-conducteurs sans précédent. Il se trouve que les semi-conducteurs sont absolument partout aujourd’hui : dans les smartphones, les ordinateurs, les consoles de jeux, l’électroménager, les voitures, les panneaux solaires, bref, la plupart des appareils reposant sur de l’électronique. Ils sont fabriqués à partir de matières premières telles que le silicium et le germanium, et leur production est un processus long et complexe, qui manque de « flexibilité » lorsque la demande varie.
Ainsi, l’augmentation soudaine de la demande directement liée à la crise sanitaire, associée à une production en berne (due aux fermetures et aux confinements multiples), a initié une pénurie qui devrait durer plusieurs mois, voire jusqu’à fin 2022 selon les experts. Dans ce contexte, Apple s’est même vu contraint de réduire ses objectifs de production de l’iPhone 13 ! À savoir qu’environ 75% de la capacité mondiale de fabrication de semi-conducteurs est concentrée en Chine et en Asie de l’Est, tandis que 100% de la capacité mondiale de fabrication des semi-conducteurs les plus avancés (<10 nm) se trouve à Taïwan (92%) et en Corée du Sud (8%). L’Union européenne ambitionne néanmoins de produire 20% des semi-conducteurs dans le monde d’ici à 2030.