Selon les modèles actuels, il y a environ 140’000 ans, s’éteignait Homo erectus. Cette datation a pu être effectuée grâce à divers sites fossiles retrouvés en Asie. Cependant, la disparition de nos ancêtres pourrait être plus récente que prévu. Des anthropologues ont en effet mis au jour un site sur l’île de Java contenant plusieurs restes de H. erectus, ainsi que 25’000 autres fossiles. La datation de ces restes humains, les dernières archives fossiles connues de H. erectus, place sa disparition il y a 117’000-108’000 ans.
Au début des années 1930, des anthropologues néerlandais ont découvert un lit d’os géant caché au-dessus des rives de la rivière Solo, sur l’île indonésienne de Java. Plus de 25’000 spécimens fossiles ont été enterrés dans la boue de la rivière, dans une zone appelée Ngandong, dont 12 calottes de crâne et deux os de jambe d’un ancêtre humain particulièrement intrigant : Homo erectus.
Cette espèce humaine primitive a persisté pendant près de 2 millions d’années et s’est propagée loin dans certaines parties de l’Afrique et de l’Asie. Mais jusqu’ici, les scientifiques n’avaient pas été en mesure d’identifier la date approximative de décès du dernier d’entre eux. Les efforts pour déterminer l’âge exact des fossiles de Java se sont révélés très peu précis : leur date était estimée entre 550’000 et 27’000 ans.
Une datation plus précise de l’extinction d’H. erectus
Mais une étude publiée dans la revue Nature a remis en question le sort du dernier H. erectus. En datant les sédiments de la rivière environnante, plutôt que les fossiles eux-mêmes, les anthropologues ont pu identifier une tranche d’âge beaucoup plus étroite pour ces crânes. Les résultats ont montré que les individus ont péri lors d’une mort massive il y a entre 117’000 et 108’000 ans.
Cela signifie que les os représentent la dernière apparition connue de H. erectus dans les archives archéologiques. La nouvelle chronologie permet également de résoudre d’autres énigmes, car elle offre aux anthropologues la possibilité d’identifier d’autres espèces humaines anciennes avec lesquelles H. erectus évoluait. « Nos recherches montrent qu’Homo erectus n’a pas survécu assez tard pour interagir avec les humains modernes sur Java » déclare Russell Ciochon.
Des fossiles rassemblés via une inondation
Selon les auteurs de l’étude, les calottes crâniennes et les os des jambes découverts à Ngandong représentent la plus grande découverte d’H. erectus sur un seul site. Les crânes ont été morcelés car les squelettes ont été endommagés lorsqu’ils ont été emportés par la rivière, suite à une inondation. À côté des fossiles, les chercheurs ont trouvé des os d’au moins 64 mammifères qui ont également été transportés en aval.
« Les fossiles n’auraient pas été concentrés dans cette petite zone sans les inondations » indique Ciochon. Le fait que les os aient tous été balayés en aval en même temps suggère que les 12 individus H. erectus dont ils sont issus sont morts simultanément, dans ce qui pourrait être une mort massive.
Le réchauffement climatique à l’origine de la disparition d’H. erectus à Java ?
Ciochon explique que son équipe n’est pas sûre de la mort de ces individus, mais une théorie sur la raison pour laquelle H. erectus s’est éteint sur Java dans son ensemble peut sembler familière : le changement climatique.
Il y a environ 120’000 à 110’000 ans, le monde est passé d’une période glaciaire à une période interglaciaire, et les températures ont evidemment augmenté. Java, qui est maintenant principalement une forêt tropicale, était autrefois couverte de bois.
Mais au moment de l’extinction de H. erectus, l’environnement de l’île a commencé à devenir plus humide en raison de l’augmentation des températures, ce qui a permis à la forêt tropicale de se développer. Il est possible que nos ancêtres humains là-bas n’aient pas pu gérer le changement.
« La disparition d’Homo erectus à Java coïncide avec cette expansion de la forêt tropicale, et l’environnement changeant a probablement contribué à la disparition. Aucun fossile d’H. erectus n’a été trouvé après que l’environnement a changé, donc il n’a probablement pas été en mesure de s’adapter à ce nouvel environnement de forêt tropicale » explique Ciochon.
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La forêt tropicale envahissante aurait causé des problèmes à la faune habituée aux espaces ouverts que H. erectus aimait chasser, ce qui pourrait avoir conduit à l’insécurité alimentaire. « Ils n’auraient peut-être pas été en mesure de trouver des sources de nourriture qu’ils mangeaient normalement, ou ils auraient pu être plus vulnérables aux prédateurs de la forêt tropicale » ajoute Ciochon.
Le site de Ngandong comprenait également des os d’animaux mieux adaptés aux environnements boisés, comme les éléphants, les cerfs et les bovins. Ces créatures ont vécu et sont mortes en même temps que H. erectus.
Des interactions entre plusieurs ancêtres humains
En datant correctement ces fossiles, les anthropologues peuvent désormais explorer avec qui H. erectus aurait pu interagir avant de s’éteindre. La liste est longue : H. erectus aurait pu se croiser avec des Denisoviens — un autre groupe d’ancêtres humains trouvés principalement en Sibérie et en Asie de l’Est — ainsi qu’avec deux autres premières espèces humaines qui vivaient sur les îles du Pacifique, appelées H.floresiensis et H. luzonensis.
Les Denisoviens vivaient il y a entre 200’000 et 50’000 ans. Les preuves génétiques indiquent qu’ils se sont croisés avec des humains modernes et une espèce plus âgée, transmettant environ 1% de leur ADN. « Cette espèce plus ancienne est probablement Homo erectus » indique Ciochon. Cette nouvelle découverte suggère également la possibilité que les deux autres espèces ancêtres d’Asie de l’Est descendent de H. erectus.
Il y a plus de 50’000 ans, H. luzonensis vivait et prospérait sur ce qui est maintenant l’île philippine de Luzon. Sur l’île indonésienne voisine de Flores, H. floresiensis, surnommé « le Hobbit » en raison de sa petite taille, vivait il y a entre 100’000 et 60’000 ans. Les nouvelles recherches de Ciochon et Westaway cimentent le statut de H. erectus comme l’un des premiers humains à longue durée de vie. L’espèce a duré environ 1.8 million d’années.
Le premier spécimen d’H. Erectus a été découvert en Indonésie en 1891, et des fossiles ont été trouvés en Afrique et en Chine. Ces ancêtres se sont rendus à Java et dans les îles du Pacifique voisines en traversant des ponts terrestres lorsque le niveau de la mer était bas. Ciochon a ajouté qu’il est possible que d’autres populations d’H. Erectus aient survécu aux homologues trouvés sur le site de Java.