En utilisant plus d’une décennie de données d’observation du télescope spatial Hubble, des astronomes ont assemblé la plus grande image composite de la galaxie d’Andromède. Capturant la lumière individuelle de plus de 200 millions d’étoiles, l’image a été créée à partir de plus de 600 clichés et s’étend sur environ 2,5 milliards de pixels. La vue panoramique sur la galaxie pourrait fournir de nouveaux indices sur son histoire évolutive, ainsi que celle de la Voie lactée.
Avant la découverte au début du XXe siècle de la véritable nature de la galaxie d’Andromède (ou Messier 31) par Edwin Hubble, les astronomes pensaient que toutes les étoiles visibles dans le ciel appartenaient à une seule et unique galaxie et que la Voie lactée englobait l’Univers entier. La découverte de Hubble a transformé la cosmologie en révélant une échelle bien plus vaste de l’Univers. Au cours des décennies qui ont suivi, les instruments de pointe, comme le télescope spatial éponyme, ont recensé plus de 100 milliards de galaxies à travers le cosmos.
Située à environ 2,5 millions d’années-lumière de la Terre, Andromède est notre voisine la plus proche parmi les grandes galaxies. Cette proximité a permis de nombreuses observations qui ont contribué de manière considérable à notre compréhension de la structure et de l’évolution des galaxies, y compris la nôtre. Faisant 220 000 années-lumière de diamètre, elle est en outre l’une des rares galaxies visibles à l’œil nu, se manifestant sous la forme d’une petite tache pâle en forme de cigare lors des nuits d’automne très claires.
« Sans Andromède comme substitut des galaxies spirales de l’Univers, les astronomes en sauraient bien moins sur la structure et l’évolution de notre propre galaxie (la Voie lactée) », expliquent dans un communiqué les responsables de l’Agence spatiale européenne (ESA). « C’est parce que nous sommes intégrés à l’intérieur de la Voie lactée », ont-ils ajouté.
À l’occasion du 100e anniversaire de la découverte d’Andromède, Hubble a fourni l’image la plus grande et la plus détaillée à ce jour de la galaxie. Publiée par l’ESA le 16 janvier dernier, l’image apporte de nouveaux indices sur son histoire évolutive, qui semble différente de celle de la Voie lactée. « Bien que la Voie lactée et Andromède se soient probablement formées à la même époque, il y a plusieurs milliards d’années, les observations montrent qu’elles ont des histoires évolutives très différentes, bien qu’elles se soient développées dans le même voisinage cosmologique », indiquent les experts.
600 champs de vision différents pour une seule image complète
Capturer des images d’Andromède a nécessité un travail colossal, car elle occupe une zone apparente bien plus grande dans le ciel que les galaxies que Hubble observe habituellement. Ces galaxies se trouvent généralement à une distance de plusieurs milliards d’années-lumière. Afin de pouvoir l’imager entièrement, il a fallu deux programmes d’observations répartis sur plus de 10 ans, nécessitant au total plus de 1 000 orbites du télescope.
La première série d’images a été obtenue à l’aide du programme Panchromatic Hubble Andromeda Treasury (PHAT) d’il y a une dizaine d’années, se concentrant sur la partie nord de la galaxie. Elles ont été capturées dans les longueurs d’onde ultraviolettes et infrarouges proches et dans la lumière visible, à l’aide de la caméra à grand champ du télescope.
La seconde partie des observations a été effectuée dans le cadre du programme Panchromatic Hubble Andromeda Southern Treasury (PHAST), se concentrant sur la partie sud d’Andromède. Présentant une structure différente de la partie nord, cette région serait un indicateur clé de l’histoire évolutive de la galaxie.
Les deux programmes combinés ont permis de couvrir l’intégralité de la galaxie et de capturer la lumière de plus de 200 millions d’étoiles. Andromède est si grande qu’environ 600 champs de vision distincts ont été nécessaires pour former une image complète. L’image composite s’étend sur au moins 2,5 milliards de pixels et montre presque une vue de profil – inclinée de 77° par rapport l’axe de la Terre. Pour télécharger la version très haute résolution, c’est par ici.
Sur l’image, les étoiles ressemblent à des grains de sable. Cependant, « ce n’est que la pointe de l’iceberg. La population totale d’Andromède est estimée à 1 000 milliards d’étoiles, et de nombreuses étoiles moins massives se situent en dessous de la limite de sensibilité de Hubble », précisent les chercheurs. En effet, les capacités d’imagerie de Hubble ne permettent de capturer que les étoiles plus brillantes que le Soleil.
Collision avec une petite galaxie satellite
Des programmes d’observation complémentaires ont fourni des informations concernant l’âge, la proportion en éléments lourds et la masse de la population stellaire d’Andromède. Ensemble, les données ont permis d’éprouver les différentes hypothèses concernant l’évolution de la galaxie. « Les mesures détaillées de Hubble contraignent les modèles de l’histoire de la fusion d’Andromède et de l’évolution du disque », expliquent les experts.
Les données suggèrent un modèle d’évolution très différent de celui de la Voie lactée, bien que les deux galaxies se soient formées à peu près à la même époque. Selon les chercheurs, Andromède semble être composée d’étoiles plus jeunes et présenter des flux inhabituels de formation d’étoiles. Cela suggère qu’elle a eu des interactions stellaires plus récentes que la Voie lactée.
L’une des causes probables est une collision avec la petite galaxie Messier 32. Orbitant autour d’Andromède, cette dernière était autrefois une spirale et ressemble aujourd’hui à un noyau galactique dépouillé de ses bras. Des simulations suggèrent que la collision avec Andromède l’a privée d’une grande partie de ses étoiles et de sa matière, ce qui pourrait aussi expliquer la population stellaire plus jeune d’Andromède. Les futures observations avec le télescope spatial James Webb devraient permettre d’affiner ces analyses.
Vidéo de présentation du projet :