L’exoplanète 2M0437b est située à plus de 400 années-lumière de notre système solaire. Elle vient s’ajouter à la liste des plus de 4500 exoplanètes confirmées à ce jour. Mais les astronomes ont surtout réussi à obtenir une image de cette planète à l’aube de sa vie, ce qui est particulièrement rare. Cette découverte pourrait apporter de nouveaux indices sur le processus de formation des planètes et, par la même occasion, jeter un nouvel éclairage sur l’origine du système solaire et de la Terre.
Par rapport aux étoiles autour desquelles elles orbitent, les exoplanètes sont généralement très petites et sombres, ce qui signifie qu’elles sont la plupart du temps trop peu lumineuses pour être détectées avec les technologies d’observation actuelles. Obtenir de telles images d’une exoplanète récemment formée est donc un événement particulièrement rare. 2M0437b est l’une des plus jeunes exoplanètes jamais découvertes et fera donc l’objet d’une publication dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Si les astronomes se réjouissent de cette découverte, c’est parce qu’elle peut potentiellement apporter de nouveaux éléments qui aideront à mieux cerner le processus de formation des planètes. « En analysant la lumière de cette planète, nous pouvons dire quelque chose sur sa composition, et peut-être où et comment elle s’est formée dans un disque de gaz et de poussière disparu depuis longtemps autour de son étoile hôte », explique Eric Gaidos, astronome à l’Université d’Hawaï et co-auteur de l’étude.
Des objets pas si faciles à repérer
On soupçonnait l’existence des exoplanètes dès le 16e siècle, mais ce n’est que dans les années 1990 que les tout premiers spécimens sont officiellement détectés, grâce au radiotélescope d’Arecibo (aujourd’hui hors service, suite à l’effondrement de sa structure en décembre 2020). La détection directe d’exoplanètes, qui consiste à analyser la lumière de leur étoile qu’elles réfléchissent, est extrêmement rare. La toute première exoplanète à avoir été capturée à l’aube de sa vie est PDS 70b, en juillet 2018.
La plupart du temps, les astronomes optent pour des méthodes indirectes, en se focalisant sur l’étoile hôte. Dans la méthode dite « des transits », le principe est de détecter une variation de luminosité de l’étoile lorsque la planète passe au-devant (lorsqu’elle se situe alors entre l’étoile et le point d’observation) ; la baisse de luminosité détectée est proportionnelle à la taille de la planète et elle permet également de déduire la masse de la planète.
L’autre méthode de détection indirecte est la méthode des vitesses radiales ; c’est la plus couramment utilisée et elle a permis de découvrir de nombreuses exoplanètes. De par l’attraction gravitationnelle des planètes qui orbitent autour de l’étoile, celle-ci décrit elle aussi de légers mouvements oscillants, qui provoquent un décalage de la longueur d’onde de sa lumière. L’analyse spectroscopique des ondes lumineuses peut ainsi traduire la présence d’exoplanètes, et même permettre de calculer leur masse.
Ces deux types de signaux sont plus faciles à détecter lorsque la planète est très massive et très proche de l’étoile — la majorité des exoplanètes confirmées sont par conséquent massives et sur des orbites proches. Les exoplanètes se trouvant vraiment très proches de leur étoile sont cependant difficiles à imager directement, car elles ont tendance à être largement éclipsées par la lumière de leur étoile.
Trois ans d’observation pour confirmer la découverte
L’exoplanète 2M0437b est assez massive, plusieurs fois plus massive que Jupiter selon les chercheurs. Par chance, elle est également assez éloignée de son étoile hôte, 2M0437 — à environ 100 unités astronomiques (pour comparaison, Pluton se trouve à environ 40 unités astronomiques du Soleil). Généralement, les exoplanètes aussi éloignées de leur étoile sont bien trop froides pour émettre un rayonnement infrarouge détectable, mais 2M0437b est encore jeune (elle n’a « que » quelques millions d’années) ce qui signifie qu’elle est encore relativement chaude.
Les processus de formation planétaire font grimper sa température à près de 1200°C. L’exoplanète 2M0437b émet donc assez faiblement dans l’infrarouge, mais suffisamment pour être repérée par le télescope Subaru situé à Hawaï, même à 417 années-lumière de distance ! Elle a été repérée pour la première fois en 2018 par Teruyuki Hirano ; des observations de suivi ont ensuite été menées pendant trois ans, à l’observatoire W. M. Keck, qui comptent deux puissants télescopes (Keck I et Keck II) observant dans le visible et le proche infrarouge.
Gaidos et ses collaborateurs ont suivi scrupuleusement les déplacements de l’étoile 2M0437 pour vérifier si 2M0437b suivait le mouvement. Grâce à la caméra proche infrarouge de deuxième génération (NIRC2) de l’observatoire, combinée au système d’optique adaptative du télescope Keck II, l’équipe a pu confirmer que la planète 2M0437b était bien un compagnon de l’étoile, et non un objet plus lointain. « À terme, nous pourrions même être en mesure de mesurer son mouvement orbital autour de l’étoile », ajoute Adam Kraus, professeur au département d’astronomie de l’Université du Texas à Austin et co-auteur de l’article. Les observations ont nécessité trois ans, car l’étoile se déplace lentement dans le ciel.
Ce nouveau duo n’a pour le moment été observé que depuis la Terre — ce qui nécessite de corriger l’effet de distorsion causé par l’atmosphère terrestre. Ainsi, l’équipe pense qu’il pourrait être intéressant d’observer ce système à l’aide de Hubble et des futurs télescopes spatiaux, tels que le James-Webb.
Ces observations depuis l’espace pourraient fournir bien d’autres données sur l’étoile hôte, permettant d’estimer précisément son âge et sa masse, par exemple. Elles pourraient également révéler les signatures chimiques de l’atmosphère de 2M0437b, permettant aux astronomes de mieux comprendre la façon dont cette planète s’est formée. « Nous attendons tous avec impatience d’autres découvertes de ce type et des études plus détaillées de ces planètes avec les technologies et les télescopes du futur », conclut Michael Liu, astronome à l’Université d’Hawaï et co-auteur de l’étude.