Les avancées récentes en matière d’astrophotographie ont permis de franchir des limites auparavant impensables, autant en distance de capture qu’en résolution d’image. À l’occasion de la 241e réunion de la société américaine d’astronomie (AAS) à Seattle (États-Unis), des chercheurs ont présenté d’incroyables images de la Lune capturées depuis la Terre. Étonnamment détaillées, montrant pour certaines jusqu’au site d’alunissage de la mission Apollo 15 et le cratère Tycho, il s’agirait des images de notre satellite naturel ayant la plus haute résolution jamais obtenue depuis la Terre. Une prouesse réalisée grâce à un système radar à peine plus puissant qu’un four à micro-ondes !
La surface de la Lune est jonchée de cratères et de vallées relativement isolées. Contrairement aux chaînes montagneuses sur Terre, celles de la Lune sont davantage composées de dunes, notamment en raison de l’absence d’atmosphère et d’eaux de surface (pas d’érosion ni de sédimentation). Sur la Lune, le modelage de la surface s’effectue principalement par le biais du grand contraste de températures entre le jour et la nuit, ainsi que par le biais de bombardements de météorites (aucune atmosphère n’entravant leur passage).
Le cratère Tycho est une trace laissée par une météorite ayant impacté la surface lunaire il y a des millions d’années (environ 200 millions). Particulièrement célèbre, ce cratère figure parmi les éléments les plus remarquables de la surface de la Lune, car on peut facilement le distinguer lors d’une pleine lune et à l’aide de bonnes jumelles, ou avec un simple appareil photo à haute résolution.
Sur certaines des meilleures photos de la Lune prises depuis la Terre, l’on peut aisément distinguer sa structure circulaire foncée, ainsi que les rayons brillants émanant du pourtour du cratère. Les nouvelles images, présentées lors de la conférence de presse de Seattle, ont été prises depuis la Terre à l’aide du radiotélescope Green bank (GTB) en Virginie-Occidentale. Avec ses 100 mètres de diamètre, il s’agit actuellement du plus grand radiotélescope rotatif au monde.
Un résultat spectaculaire
D’après Patrick Taylor, chef de la division radar de l’Observatoire de Green Bank et de l’Observatoire national américain de radioastronomie (NRAO), le GTB a projeté des ondes vers la Lune afin qu’elles soient renvoyées vers un ensemble de quatre radiotélescopes de 25 mètres de diamètre, situés à Hawaï (le Very Long Baseline). Pour pouvoir capturer les images, un prototype de système de radars a été installé sur le GTB, avec une puissance maximale de 700 watts. C’est « comparable à un appareil électroménager de type micro-ondes ou à un ensemble d’ampoules », indique Taylor.
Époustouflantes de détails, les images montrent les reliefs autour du site d’alunissage de la mission Apollo 15, et ce avec une résolution de seulement 1,5 m. Les détails capturés au niveau du cratère Tycho ont une résolution de 5 mètres. Par ailleurs, les chercheurs ont utilisé le radar pour pouvoir capturer des images et des données d’un astéroïde long de 1 km, situé à 5 fois la distance Terre-Lune. Le nouvel instrument a permis de déterminer sa taille exacte, sa vitesse de révolution et de rotation, sa composition, et la façon dont la lumière est réfléchie à sa surface. Une prouesse réalisée avec un instrument « moins puissant que votre micro-ondes », soulignait Taylor lors de la conférence de presse.
D’après les chercheurs ayant conçu le radar, la taille et l’orbite de cet astéroïde font qu’il pourrait un jour représenter un potentiel danger pour la Terre. Toutefois, sa position actuelle indique que nous sommes pour le moment hors de danger.
En prochaine étape, les chercheurs comptent concevoir une version améliorée du radar, avec 700 fois plus de puissance (environ 500 kilowatts). Une telle puissance pourrait notamment permettre d’effectuer des études géologiques de la Lune, ainsi que de petits corps célestes orbitant autour du satellite naturel. Mieux encore, le futur instrument permettrait de détecter et d’analyser les astéroïdes susceptibles de menacer notre planète.
À terme, le GTB pourrait assurer le relais au radiotélescope d’Arecibo (situé à Porto Rico). Il s’agissait en effet du plus grand radiotélescope au monde servant à détecter des astéroïdes, mais il s’est malheureusement effondré sur lui-même en 2020, suscitant une grande émotion au sein de la communauté des astronomes.