Les immunothérapies contre le glioblastome peinent à être efficaces en raison du microenvironnement hautement immunosuppresseur de ce type de tumeur. Dans un nouvel effort, des chercheurs ont modifié un virus oncolytique pour qu’il infecte uniquement les cellules cancéreuses. Ce dernier est parvenu à induire une réponse immunitaire antitumorale et à améliorer la survie chez un sous-groupe de patients atteints de glioblastome récurrent. Cette nouvelle stratégie offre peut-être un espoir de mieux traiter ce cancer particulièrement agressif.
Les gliomes de haut grade (HGG) sont des tumeurs affectant le système nerveux central et présentant des caractéristiques morphologiques et génétiques hautement malignes. Parmi ces tumeurs figure le glioblastome (GBM), affectant environ 200 000 personnes par an dans le monde. Étant la forme la plus agressive de HGG, le GBM enregistre le plus faible taux de survie (inférieur à 10 mois après le diagnostic) et a tendance à rapidement récidiver après résection chirurgicale et chimiothérapie (GBM récurrent).
Bien que les mécanismes biomoléculaires traduisant l’évolution des HGG soient bien établis, cela n’a pour l’instant pas abouti à des stratégies thérapeutiques suffisamment efficaces pour les contrer. Parmi les stratégies explorées figure l’immunothérapie (une combinaison de thérapie génique et de thérapie cellulaire), mais dont l’efficacité est entravée par le microenvironnement extrêmement immunosuppresseur régnant au sein de ces tumeurs. Cette caractéristique leur vaut d’ailleurs la qualification de tumeurs « appauvries en lymphocytes ». Afin de surmonter cet obstacle, les recherches se concentrent désormais sur les moyens d’activer l’immunité au sein de leur environnement.
Dans ce sens, des chercheurs du Brigham and Women’s Hospital (BWH) ont conçu un nouveau virus oncolytique pouvant infiltrer les HGG et les GBM. Leur étude, publiée dans la revue Nature, a montré « qu’avec ce virus, nous pouvons transformer ce désert immunitaire en un environnement pro-inflammatoire », explique dans un communiqué E. Antonio Chiocca, du département de neurochirurgie du BWH. Cette nouvelle immunothérapie semble prometteuse en démontrant une augmentation de la survie lors d’essais cliniques préliminaires.
Un taux de survie global de 14,2 mois en moyenne
Comme leur nom l’indique, les virus oncolytiques visent à induire une oncolyse (destruction des cellules cancéreuses) en modifiant l’environnement tumoral. Pour ce faire, ils stimulent les voies pro-inflammatoires, activant à la fois les cellules immunitaires locales et celles nouvellement recrutées par le biais de l’exposition aux antigènes viraux et tumoraux. Cette stratégie est en cours d’essai pour le mélanome et pour le rGBM, ainsi que d’autres formes de HGG. Cependant, « le profilage immunologique des rGBM traités avec des virus oncolytiques en nombre suffisant pour être en corrélation avec un résultat thérapeutique fait défaut », expliquent les chercheurs du BWH dans leur article.
Dans le cadre de la nouvelle étude, un essai clinique préliminaire a été effectué afin d’évaluer l’innocuité d’un virus oncolytique baptisé CAN-3110. Il s’agit d’un virus herpès simplex de type 1 modifié (oHSV), précédemment utilisé pour traiter le mélanome métastatique. Mais contrairement aux autres oHSV, CAN-3110 inclut le gène ICP34, habituellement supprimé en raison de son implication dans la prolifération et dans la pathogénicité de l’herpès simplex (HSV-1). De plus, il induit une neurotoxicité chez les souris. Cependant, les chercheurs du BWH estiment qu’il est essentiel au déclenchement d’une réponse immunitaire suffisamment robuste pour s’attaquer aux cellules cancéreuses. Afin de tirer parti de cet aspect, le nouveau oHSV a été conçu de sorte à exprimer une copie du gène sous contrôle transcriptionnel, limitant ainsi sa réplication et préservant les cellules cérébrales saines.
Dans le cadre de l’essai, 41 patients souffrant de HGG ont été recrutés, dont 32 étaient atteints de rGBM. Les résultats ont révélé que les plus graves effets indésirables se manifestaient sous la forme de convulsions et ont affecté deux participants. Après le traitement par CAN-3110, une augmentation de la diversité des lymphocytes T a été observée chez l’ensemble des volontaires. Cela signifierait que le virus induit une réponse immunitaire à large spectre potentiellement susceptible de reconnaître les antigènes tumoraux. Ces changements étaient également associés à une survie améliorée. « Presque aucune immunothérapie contre le GBM n’a été capable d’augmenter l’infiltration immunitaire de ces tumeurs, mais le virus étudié ici a provoqué une réponse immunitaire très réactive avec l’infiltration de lymphocytes T tueurs de tumeurs », explique Chiocca.
Par ailleurs, la présence d’anticorps préexistants contre le HSV-1 a amélioré la survie globale médiane chez les patients rGBM, la faisant passer à 14,2 mois au lieu de 7.8 mois. Ces anticorps ont notamment été associés à plusieurs marqueurs de changements liés à l’activation immunitaire dans le microenvironnement tumoral. Cela suggère que leur présence préalable entraîne une réponse immunitaire rapide amenant des niveaux élevés de cellules infiltrées et d’inflammation.
Ces résultats ont été obtenus avec une seule dose de traitement. En prochaine étape, les chercheurs comptent augmenter le dosage avec 6 injections réparties sur 4 mois. À l’instar des rappels de vaccin, cela pourrait augmenter l’efficacité de la thérapie. D’autre part, les détails concernant l’efficacité et les différences entre les patients possédant des anticorps HSV-1 et ceux qui n’en possédaient pas seront également explorés plus avant.