L’île d’Hawaï est actuellement le siège d’une importante activité volcanique à l’origine d’expulsions rocheuses, de multiples incendies et d’émissions de gaz toxiques. Une dizaine de fissures volcaniques se sont ouvertes aux abords du volcan Kilauea et la situation aggravée depuis peu devient, selon les autorités, véritablement inquiétante.
Il y a quelques jours, Leilani Estates, située dans le district de Puna sur l’île d’Hawaï, était encore un paysage tropical paisible et enchanteur. Mais la situation a rapidement changé depuis le jeudi 3 mai lorsque le volcan Kilauea est entré en éruption. Une première fissure rougeoyante est apparue à l’est de la zone, propulsant des roches en fusion entre 25 et 30 m dans les airs. L’Agence de Défense Civile du Comté d’Hawaï (ADCCH) a qualifié ce phénomène de « fontaine volcanique active ». Les résidents ont ainsi reçu l’ordre d’évacuer le périmètre afin de se mettre à l’abri des incendies et des niveaux extrêmement hauts de dioxyde de souffre.
Peu de temps après, plusieurs autres fissures se sont ouvertes. Des vapeurs brûlantes et toxiques se sont élevées de celles-ci avant que le magma sous pression n’en jaillisse. Depuis dimanche, au moins une dizaine de ces fissures volcaniques ont été répertoriées. Les fissures se forment le long d’une ligne nord-est—sud-ouest dans la zone du rift, et certaines des fissures les plus anciennes demeurent inactives selon la volcanologue Wendy Stovall (US Geological Survey). « Au cours de la progression de l’éruption, une trajectoire privilégiée va se former pour la circulation du magma. Les fissures à distance de cette ligne vont se refroidir et se refermer car la lave se solidifiera » explique Stovall.
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Lorsqu’une fissure s’ouvre, la fontaine de lave initiale peut s’élever jusqu’à 70 m, et avec la pression celle-ci peut atteindre 300 m de hauteur. Samedi 5 mai, plusieurs fontaines de 70 m ont été observées par le Geological Survey. Plusieurs autres fissures devraient apparaître le long du rift selon les experts. Des vidéos filmées par des drones ont montré que de la lave jaillissait en continu le long des fissures, avançant progressivement vers les maisons de Leilani Estates et laissant dans leur sillage des rangées d’arbres incendiés.
Les coulées de lave ont détruit plusieurs rues et maisons, totalisant 1700 habitants, avant que ces derniers aient pu évacuer la semaine dernière. Les autorités ont incité tous les habitants à quitter urgemment Leilani Estates, où les ordres d’évacuation se multiplient. « Habiter à Hawaï et avoir l’habitude de la lave conduit en quelque sorte à se sentir à l’aise autour d’elle. Les coulées de lave sont hypnotisantes à regarder. Je comprends que certaines personnes puissent vouloir les regarder, mais je ne le conseille pas. C’est une situation très dangereuse » explique Stovall. Des propos qui se retrouvent dans le communiqué de l’ADCCH : « S’il vous plaît, vous aiderez les habitants de Leilani en restant en dehors de la zone. Ce n’est pas le moment de faire du tourisme ».
Les autorités ont annoncé que certains habitants seraient brièvement autorisés à retourner chez eux pour récupérer leurs animaux, des médicaments ou d’autres objets importants, mais qu’ils devraient repartir immédiatement après à cause de l’instabilité de la qualité de l’air et de celle des routes, menaçant de s’effondrer à tout moment. « C’est une situation qui évolue très vite, et malheureusement ce n’est pas terminé » explique le maire Harry Kim.
Trois jours après que le volcan Kilauea soit entré en éruption, provoquant des coulées de lave et éjectant vapeurs toxiques et cendres dans le ciel, certains résidents jusqu’alors épargnés sont maintenant sous la menace des fissures qui s’ouvrent en sous-sol, à proximité de leurs habitations. Plusieurs séismes, dont le plus puissant a avoir frappé Hawaï en plus de 40 ans, ont secoué les habitants dont la plupart étaient déjà en pleine évacuation. Selon les autorités, les vapeurs toxiques représentent la menace de santé publique la plus importante de l’éruption.
Suite à l’éruption, Hawaï a donc été secouée par divers séismes. Ce fut notamment le cas vendredi où deux séismes, un de magnitude 5.6 et un autre de magnitude 6.9 ont été enregistrés. Ce dernier, qui a été ressenti jusqu’à l’île d’Oahu, a frappé au même endroit que le séisme catastrophique de 1975 (magnitude 7.4). « Je pense que l’île entière l’a senti » affirme Cori Chong, un habitant de Hamakua, situé à une heure de l’épicentre. Les séismes ont également conduit à la fermeture du parc national des Volcans d’Hawaï après qu’ils aient endommagé certains des sentiers, des cratères et des routes du parc. Le premier séisme a provoqué l’effondrement d’une falaise dans l’océan, et des fissures ont commencé à apparaître dans le sol, près d’un point d’observation à proximité du musée Jaggar.
Selon l’ADCCH, le risque de tsunami était faible après les séismes, mais les autorités ont tout de même conseillé aux résidents de se tenir à distance des plages. « La situation est toujours inquiétante et imprévisible, cela à de quoi nous rendre nerveux » confie Talmadge Magno, directeur de l’agence. L’administrateur du comté d’Hawaï, Wil Okabe, a déclaré l’état d’urgence, tandis que le gouverneur David Ige a mobilisé la Garde Nationale d’Hawaï pour accélérer les évacuations.
Vendredi après-midi, seulement une centaine de personnes avaient évacué leur habitation dans Leilani Estates, trouvant refuge dans des églises, des abris de la Croix Rouge ou chez des amis de l’autre côté de l’île, selon la républicaine Tulsi Gabbard. Celle-ci rappelle que les émanations toxiques sont plus dangereuses que les coulées de lave et que, si les conditions empiraient, même les premiers secours ne pourraient sauver les habitants piégés dans les quartiers concernés.
« Le dioxyde de souffre peut être si toxique et dense dans certaines zones qu’il en devient mortel, particulièrement pour ceux souffrant de difficultés respiratoires » précise Gabbard. « Le vent peut pousser le gaz dans plusieurs directions, il s’agit donc d’une réelle menace au regard des niveaux élevés de concentration. En outre, les gens ne disposent pas forcément des masques de protection nécessaires si jamais ils se trouvaient dans la direction du gaz ».
Le Kilauea est le plus jeune et le plus actif des volcans de l’île d’Hawaï. Il est entré en éruption après un séisme de magnitude 5. Le volcan est constitué de basalte, produisant une lave fluide et des éruptions effusives plutôt qu’explosives. Plutôt que former un sommet escarpé et imposant comme le Krakatau en Indonésie, le basalte du Kilauea forme un vaste volcan conique avec en son centre un large cratère volcanique rempli de lave en fusion ; en raison de cette forme étendue et peu élevée, un tel volcan est appelé « volcan bouclier ».
« Les volcans boucliers sont extrêmement volumineux, les plus grands volcans sur Terre. Mais en raison de leurs pentes très étendues, leurs éruptions ne sont pas si catastrophiques » explique Tari Mattox, géophysicien à l’Observatoire des Volcans Hawaïens. « Les touristes sont surpris quand ils me demandent « Où est le volcan ? » et que je leur réponds qu’ils sont dessus ».
Les roches qui se déplacent à travers le manteau sous l’île d’Hawaï entrent en fusion à environ 80 km de profondeur. Ce magma est moins dense que les roches alentours, de sorte qu’il continue son ascension jusqu’à suinter dans un réservoir magmatique de 5 km de large, situé 3 km sous la surface. Au fur et à mesure que la pression s’accumule dans la chambre magmatique, le magma s’insinue à travers des failles rocheuses jusqu’à ce qu’il atteigne la surface en créant une fissure. Selon les géologues, cette activité volcanique ressemble à celle qui avait conduit à l’éruption de 1955. Cette dernière avait duré 3 mois et laissé derrière elle environ 16’000 km² de terres incendiées et couvertes de lave.