L’incertitude quantique contrôlée pour la première fois en temps réel à l’aide impulsions laser ultrarapides

Vers la communication quantique ultrarapide et sécurisée.

incertitude quantique controle
| Sennary et al.
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

En utilisant des impulsions lumineuses ultrarapides, des chercheurs sont, pour la première fois, parvenus à contrôler en temps réel l’incertitude quantique — un principe selon lequel il est impossible de mesurer simultanément et avec précision deux propriétés d’une particule. S’appuyant sur les caractéristiques physiques uniques de la lumière comprimée, ces travaux pourraient ouvrir la voie à des systèmes de communication quantique ultrarapides et sécurisés.

Du point de vue de la physique quantique, la lumière est caractérisée par deux propriétés intrinsèquement liées : la position et la quantité de mouvement (ou l’intensité) des particules. Ces deux grandeurs ne peuvent jamais être mesurées simultanément avec exactitude, selon un principe connu sous le nom d’« incertitude quantique » ou principe d’incertitude de Heisenberg.

Pour évaluer cette incertitude, les physiciens s’appuient sur le produit de ces deux mesures, qui ne peut descendre en dessous d’un certain seuil. Pour reprendre une analogie, ce produit s’apparente à la quantité d’air minimale nécessaire pour gonfler un ballon sans qu’il soit ni trop tendu ni sous-gonflé : chaque mesure représenterait alors un axe du ballon. « La lumière ordinaire est comme un ballon rond, dont l’incertitude est uniformément répartie entre ses mesures », explique, dans un article de blog, Mohammed Hassan, professeur associé de physique et de sciences optiques à l’Université d’Arizona.

Dans cette image, l’une des mesures deviendrait plus facile à déterminer que l’autre si le ballon adoptait une forme ovale, l’air étant alors réparti de manière plus évidente de chaque côté. Le même principe s’applique à la lumière comprimée ou lumière quantique. « La lumière comprimée — aussi appelée lumière quantique — est étirée en un ovale, où une propriété devient plus silencieuse et plus précise, tandis que l’autre devient plus bruyante », précise Hassan.

Cette lumière comprimée est par exemple utilisée par les détecteurs d’ondes gravitationnelles, tels que le Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (LIGO), afin de réduire le bruit et d’améliorer la précision de détection. Jusqu’à présent, ces applications reposaient sur des impulsions laser d’une durée de quelques millisecondes.

Dans une récente étude publiée dans la revue Light: Science & Applications, Hassan et ses collègues ont exploré la possibilité de générer une lumière comprimée à partir d’impulsions ultrarapides, mesurées en femtosecondes — soit un quadrillionnième de seconde. « Créer de la lumière quantique avec des impulsions laser ultrarapides constituerait une avancée révolutionnaire, la première véritable convergence entre optique quantique et science ultrarapide », souligne le chercheur.

Selon les chercheurs, le principal défi pour créer une lumière comprimée avec des impulsions femtosecondes résidait dans l’harmonisation des phases entre lasers de différentes couleurs, une tâche qui requiert habituellement des réglages complexes et des dispositifs spécialisés.

Pour contourner cet obstacle, l’équipe a mis au point une technique reposant sur un procédé dit de « mélange à quatre ondes ». Cela consiste à faire interagir plusieurs sources lumineuses entre elles. Plus précisément, les chercheurs ont séparé un faisceau laser en trois autres identiques, puis les ont reconcentrés au niveau d’une plaque de silice fondue. Ce processus aurait permis de générer une lumière quantique ultrarapide.

« Nous étendons ici l’utilisation de la lumière comprimée à la science quantique ultrarapide », expliquent les auteurs. « Nous démontrons la génération des impulsions lumineuses quantiques synthétisées ultrarapides les plus courtes, couvrant une plage de fréquences de 0,33 à 0,73 PHz, par un processus non linéaire de mélange dégénéré à quatre ondes », ajoutent-ils.

Vers l’optique quantique ultrarapide

Il est intéressant de noter que les précédentes approches de génération de lumière comprimée visaient à réduire l’incertitude quantique au niveau de la phase d’un photon — c’est-à-dire sa position dans une onde, relativement à sa longueur d’onde. Hassan et son équipe, eux, ont produit une lumière comprimée en réduisant l’incertitude sur l’intensité du photon.

Ils sont parvenus à contrôler l’incertitude quantique en mesurant les variations entre intensité et réduction des fluctuations de phase, en ajustant la position de la silice par rapport au faisceau divisé. Lorsque la silice fondue est placée perpendiculairement aux impulsions lumineuses, les photons arrivent simultanément. Si l’angle d’incidence est légèrement modifié, un photon parvient alors avec un léger décalage, permettant ainsi d’ajuster le niveau de compression de la lumière.

« Il s’agit de la toute première démonstration de lumière comprimée ultrarapide, ainsi que de la première mesure et du premier contrôle en temps réel de l’incertitude quantique », affirme Hassan. « En combinant les lasers ultrarapides à l’optique quantique, nous ouvrons la voie à un nouveau domaine : l’optique quantique ultrarapide », ajoute-t-il.

incertitude quantique
a) Schéma du dispositif de synthèse de champ lumineux (LFS), composé de trois canaux spectraux (impulsions) utilisés pour générer des impulsions de forme d’onde synthétisées.  Spectres de l’impulsion de lumière classique à large bande (b) et spectres des canaux LFS qui la composent (c). d) Spectre de l’impulsion lumineuse comprimée générée. e) Spectres de la lumière comprimée générée par les trois impulsions LFS. Les encarts (c) et ( e ) montrent les franges d’interférence spectrale entre les canaux LFS pour les impulsions classiques et comprimées. © Sennary et al.

Des applications allant de la cybersécurité à la médecine

Pour évaluer leur méthode, les experts l’ont testée dans le domaine de la communication sécurisée. Si les impulsions lumineuses ultrarapides et comprimées étaient jusqu’ici utilisées séparément pour la transmission de données binaires, leur combinaison améliorerait à la fois la vitesse et la sécurité.

Dans les réseaux de communication quantique, toute tentative d’interception est immédiatement détectée. Un intrus pourrait néanmoins, en théorie, obtenir les données grâce à une clé de décodage. Avec la technique mise au point par Hassan et ses collègues, un espion perturberait non seulement l’état quantique, mais devrait aussi connaître la clé *et* l’amplitude exacte de l’impulsion. « Leur interférence affecte la compression de l’amplitude, ce qui signifie qu’il ne peut pas déterminer l’incertitude correcte, rendant toute donnée décodée inexacte », explique le physicien.

Outre la communication sécurisée, la lumière quantique femtoseconde pourrait également être utilisée pour améliorer la détection quantique, les technologies de diagnostic médical, la recherche de nouveaux composés pharmaceutiques, ainsi que la surveillance environnementale.

Source : Light: Science & Applications
Laisser un commentaire
nouvel etat matiere physique quantique couv La physique quantique est une branche fondamentale de la physique qui se concentre sur la compréhension et la description des phénomènes à l'échelle atomique et subatomique. Elle diffère de la physique classique en [...]

Lire la suite