La semaine dernière, le 29 juillet, la Station spatiale internationale s’est retrouvée hors contrôle alors qu’un nouveau module — le Multipurpose Laboratory Module, baptisé Nauka — venait de s’y amarrer. Selon les premiers commentaires, le déclenchement inattendu des propulseurs de ce laboratoire spatial avait modifié l’orientation de la station de près de 45°. La NASA reconnaît aujourd’hui que ce décalage était en réalité bien plus important…
Selon le directeur de vol de la mission, Zebulon Scoville, l’incident d’amarrage du module russe était plus grave que ce que laissaient entendre les premiers communiqués. Un rectificatif, publié hier sur le compte Twitter de la NASA, fait état d’un décalage d’attitude plus de dix fois plus élevé que celui annoncé : « Une analyse plus poussée a montré que le changement total d’attitude, avant de retrouver un contrôle d’attitude normal, était d’environ 540° ».
L’incident aurait été « mal rapporté » dans les premières minutes qui ont suivi, selon Scoville. Il s’avère que suite au déclenchement impromptu des propulseurs du module Nauka, la station a en réalité effectué un tour et demi, soit 540°, puis a ensuite basculé de 180° vers l’avant pour revenir à son orientation initiale. Selon l’agence américaine, la station spatiale est désormais en bon état et fonctionne normalement.
Un mode d’urgence déclaré pour la première fois
Joel Montalbano, directeur du programme de la station spatiale, a souligné lors de la conférence de presse que l’équipage n’a jamais été dans une situation d’urgence immédiate. Une affirmation confirmée par Scoville dans un reportage du New York Times relatant les circonstances de l’incident. Toutefois, la perte de contrôle d’attitude — système indispensable à la bonne orientation de la station et de ses équipements — est un dysfonctionnement qui devait être corrigé rapidement. C’est la première fois, dans toute sa carrière au sein de la NASA, que Scoville a dû déclarer « une urgence de vaisseau spatial ».
Le directeur de vol a expliqué au New York Times qu’il a dû reprendre le contrôle de la mission immédiatement après l’amarrage (pour l’anecdote, il se trouve qu’il était ce jour-là en congé, mais se trouvait tout de même sur place, en tant que simple observateur, pour vérifier le bon déroulement de la procédure qu’il avait contribué à mettre en place). L’incident n’a pas tardé à se déclarer : « Nous avons eu deux messages — juste deux lignes de code — disant que quelque chose n’allait pas », relate-t-il. Ces messages traduisaient une perte de contrôle d’attitude.
Considéré tout d’abord comme une erreur, le problème était bien réel : les propulseurs du module Nauka s’étaient déclenchés de façon impromptue et tentaient d’écarter le module de la station alors qu’il venait de s’y amarrer ! Or, il s’avère que le module en question était configuré de manière à ne pouvoir recevoir de commandes directes que depuis une station terrestre russe, au-dessus de laquelle l’ISS ne se trouverait pas avant 70 minutes…
Un incident qui survient dans un contexte politique tendu
En temps normal, la station spatiale est stabilisée par quatre grands gyroscopes tournant à 6000 tours par minute. Comme l’expliquent les représentants de la NASA, le changement d’attitude occasionné par l’incident est passé inaperçu pour les sept astronautes qui se trouvent actuellement à bord de l’ISS : « la vitesse maximale à laquelle le changement s’est produit était suffisamment lente pour passer inaperçue par les membres d’équipage à bord ». Le taux de rotation maximal était en effet de 0,56° par seconde. En outre, tous les autres systèmes de la station ont fonctionné de façon nominale pendant toute la durée de l’incident.
Les contrôleurs de mission ont donc rapidement informé les astronautes de la situation, afin de leur donner des instructions. Pour remédier au problème, l’équipage et les équipes au sol ont entrepris de contrer la force exercée par les propulseurs de Nauka via les propulseurs d’une autre module, nommé Zvezda, et du cargo russe Progress, actuellement amarré à la station. Parallèlement, les propulseurs de Nauka se sont spontanément arrêtés au bout de 15 minutes (pour une raison inexpliquée).
Yeehaw! That. Was. A. Day.
— Zebulon Scoville (@Explorer_Flight) July 29, 2021
Finalement, ces actions combinées ont permis à la station de retrouver sa position initiale. Scoville a exprimé son soulagement sur Twitter à la fin de cette journée riche en émotions. Dans ses déclarations faites au New York Times, il souligne l’efficacité et surtout le calme, dont ont fait preuve les sept astronautes à bord : « il y a une sorte de calme omniprésent chez les gens qui ne paniquent pas et se contentent de regarder les données, de comprendre ce qui se passe et d’essayer de résoudre le problème ».
L’événement aurait pu mettre à mal la fragile collaboration entre les États-Unis et la Russie autour de l’ISS. En effet, les sujets de tension entre les deux nations ne manquent pas actuellement ; le directeur général de Roscosmos, Dmitri Rogozine, a même évoqué le fait que la Russie pourrait quitter l’ISS d’ici quelques années si les États-Unis ne lèvent pas très vite certaines sanctions visant deux sociétés russes du secteur spatial, auxquelles il est reproché d’avoir des liens avec l’armée russe. Scoville se veut toutefois rassurant : « J’ai une confiance totale dans les Russes. Ils constituent un partenariat fantastique avec la NASA et l’ensemble du programme de la Station spatiale internationale », a-t-il déclaré.