Une équipe de l’Université de technologie d’Eindhoven (Pays-Bas) a mis au point une photodiode à couches minces, avec une sensibilité au proche infrarouge extrêmement élevée, dont l’efficacité quantique — soit le nombre de photons que la diode convertit en électrons — dépasse les 200% ! Cette technologie pourrait être utilisée pour surveiller à distance les rythmes cardiaque et respiratoire d’une personne.
La surveillance discrète et continue de la vitalité d’un patient est importante dans les diagnostics de santé. La fréquence cardiaque est l’un des signes vitaux les plus cruciaux et les plus suivis. De nos jours, la surveillance peut être réalisée de manière non invasive (notamment par électrocardiogramme), y compris via des techniques optiques, telles que la photopléthysmographie (PPG) et le suivi des mouvements thoraciques. Ces dernières reposent sur l’interaction de la lumière avec le corps humain et permettent une évaluation à distance et entièrement sans contact — ce qui s’avère plus hygiénique que les dispositifs cutanés, et préférable lorsqu’un plus grand confort est requis pour le patient.
Ces techniques optiques fonctionnent de la façon suivante : les tissus sous-cutanés sont éclairés avec une source de lumière verte, rouge ou proche infrarouge, puis la lumière transmise ou rétro-réfléchie est mesurée avec un photodétecteur. Les oscillations lumineuses permettent de déduire les variations volumétriques du sang artériel dans le temps. Une source de lumière proche infrarouge est préférable, car elle est invisible et plus sûre pour l’œil humain ; ceci implique toutefois que le photodétecteur soit hautement sensible à cette gamme d’ondes lumineuses. Mais plus la distance vis-à-vis du patient est grande, plus faibles sont les signaux et plus élevé est le bruit de fond. Des chercheurs ont développé un nouveau type de photodiode, qui permet de s’affranchir de ces problèmes.
Une photodiode qui combine deux technologies
Pour qu’une photodiode fonctionne correctement, elle doit remplir deux conditions : tout d’abord, elle doit minimiser le courant généré en l’absence de lumière, ce que l’on appelle « le courant d’obscurité ». Moins il y a de courant d’obscurité, plus la diode est sensible. De plus, elle doit être capable de distinguer la lumière de fond (le « bruit ») de la lumière infrarouge pertinente. Malheureusement, ces deux conditions sont généralement difficiles à concilier.
Les photodiodes à couches minces traitées en solution affichent le meilleur compromis. « Les photodiodes organiques et, plus récemment, les photodiodes en pérovskite ont dominé la scène de cette classe de dispositifs, apportant des sensibilités de photogénération élevées, des temps de réponse rapides et de faibles niveaux de bruit », notent les chercheurs dans Science Advances. En outre, ces dispositifs présentent des bandes interdites accordables, qui peuvent être contrôlées de l’ultraviolet au proche infrarouge via la composition du matériau.
Il y a quatre ans, Riccardo Ollearo, chercheur à l’Institut des systèmes moléculaires complexes de l’Université de technologie d’Eindhoven, a donc entrepris de mettre au point une nouvelle photodiode, de type tandem, combinant les deux types de cellules photovoltaïques, pérovskite et organique — une approche déjà utilisée pour le développement de cellules solaires de pointe.
En collaboration avec une équipe du Holst Center — un institut de recherche spécialisé dans les technologies de capteurs sans fil —, il a développé une diode à faible courant d’obscurité et de rapport signal/bruit (optique) élevé, atteignant un rendement quantique de 70%. Mais le chercheur était persuadé qu’il était possible d’améliorer encore ce résultat en exposant sa diode à de la lumière verte. « Je savais par des recherches antérieures que l’éclairage des cellules solaires avec de la lumière supplémentaire pouvait modifier leur efficacité quantique et, dans certains cas, l’améliorer », a-t-il déclaré dans un communiqué.
La fréquence cardiaque détectable à plus d’un mètre de distance
Le jeune chercheur avait vu juste : exposée à une lumière verte supplémentaire, la photodiode a affiché une efficacité quantique qui peut dépasser 200% à 850 nm ! Les raisons exactes de cette amélioration sont encore floues, mais l’équipe pense que la lumière verte supplémentaire entraîne une accumulation d’électrons dans la couche de pérovskite, qui agit comme un réservoir de charges lorsque les photons infrarouges sont absorbés dans la couche organique. « En d’autres termes, chaque photon infrarouge qui passe et est converti en un électron est accompagné d’un électron bonus, ce qui conduit à une efficacité de 200% ou plus », explique Ollearo.
Le dispositif, qui s’avère cent fois plus fin qu’une feuille de papier, présente par ailleurs de faibles courants d’obscurité (<10-6 mA cm-2), une grande stabilité opérationnelle dans le temps (pendant plus de 8 heures) et présente une plus grande tolérance à la lumière de fond que les capteurs en silicium à filtrage optique actuellement disponibles, rapporte l’équipe.
Les chercheurs ont testé le potentiel de leur photodiode dans un contexte de surveillance médicale, en mesurant le rythme cardiaque et la fréquence respiratoire à des distances allant jusqu’à 130 cm. « Nous voulions voir si l’appareil pouvait capter des signaux subtils, tels que le rythme cardiaque ou respiratoire d’un être humain dans un environnement avec une lumière de fond réaliste. Nous avons opté pour un scénario intérieur, lors d’une journée ensoleillée avec les rideaux partiellement fermés. Et ça a marché ! », relate Ollearo.
Même à 130 cm de distance, l’équipe a pu détecter des changements infimes dans la quantité de lumière infrarouge réfléchie dans la diode, correspondant à des variations de pression artérielle. Ollearo et ses collègues envisagent à présent d’améliorer la rapidité de leur dispositif ; ils souhaitent également le tester dans un cadre clinique, en collaboration avec le projet FORSEE — une caméra de surveillance à base d’intelligence artificielle conçue pour détecter les changements subtils qui peuvent survenir sur le visage ou au niveau de la poitrine d’un patient, indiquant d’éventuelles complications.