Le 30 juillet 2020, la mission Mars 2020 décollait de la base de Cap Canaveral pour un périple de plus de six mois vers la planète rouge. Le 18 février arrive le moment fatidique : le largage du rover Perseverance, qui embarque à son bord l’hélicoptère Ingenuity. Lors de sa descente, la sonde spatiale est ralentie au moyen d’un immense parachute, puis l’astromobile est déposée en douceur au moyen d’une « grue volante » (le skycrane). Ingenuity vient tout juste de survoler la zone où se trouvent les restes des équipements qui ont permis de mener à bien toute l’opération.
Pendant la descente, le parachute et une partie de la coque arrière du rover ont été largués à environ 2000 m d’altitude ; ils ont percuté le sol martien à environ 126 km/h. Une fois le rover correctement déposé, le skycrane s’est éloigné de la zone d’atterrissage, puis a continué à voler jusqu’à épuisement de son carburant. Au début du mois, Perseverance avait déjà capturé une image montrant au loin les restes du parachute qui avait permis de freiner la sonde spatiale lors de la descente.
Un récent survol de la zone par l’hélicoptère Ingenuity permet aujourd’hui d’avoir une vue plus proche et plus détaillée de ces restes d’équipements. Si les responsables de la mission s’intéressent tant à ces débris, c’est parce qu’ils peuvent fournir un aperçu des performances des différents composants lors de l’entrée dans l’atmosphère, lors de la descente et lors de l’atterrissage du rover. Les données récoltées serviront à préparer au mieux les futures missions.
Plus de six kilomètres et 49 minutes de vol
Alors qu’Ingenuity avait initialement pour mission d’accomplir cinq vols dans l’air martien, les performances du petit engin volant ont poussé la NASA à prolonger sa mission bien au-delà de ce qui était prévu. L’hélicoptère a ainsi effectué plusieurs missions de reconnaissance pour le rover, durant lesquelles il vole toujours plus loin (jusqu’à plus de 600 mètres), toujours plus longtemps. C’est lors de son 26e vol, le 19 avril — soit un an pile après son tout premier vol — qu’il s’est approché des restes de l’équipement qui lui a permis d’atterrir.
Pour se rendre sur la zone, Ingenuity a parcouru un peu plus de 190 mètres, volant à huit mètres d’altitude ; le vol a duré 159 secondes. Le giravion s’est ensuite déplacé tout autour des débris afin de prendre la scène sous plusieurs angles ; il a finalement parcouru 360 mètres ce jour-là, totalisant 6,2 kilomètres et 49 minutes de vol depuis sa mise en service. L’engin a dû accomplir beaucoup de manœuvres pour prendre ces photos, mais au vu des prouesses réalisées lors des vols précédents, l’équipe était plutôt confiante.
Les images sont impressionnantes : on y aperçoit clairement le parachute, ainsi que la coque arrière en forme de cône qui protégeait le rover lors de sa descente enflammée vers la surface martienne. Au total, le petit hélicoptère a pu capturer 10 images en couleur de la zone. « Chaque fois que nous sommes en vol, Ingenuity couvre de nouveaux terrains et offre une perspective qu’aucune mission planétaire précédente ne pouvait atteindre », souligne Teddy Tzanetos, chef d’équipe d’Ingenuity au Jet Propulsion Laboratory de la NASA.
Grâce aux images, l’équipe de la mission a pu constater que le revêtement protecteur de la coque arrière est apparemment resté intact lors de l’entrée dans l’atmosphère de Mars. Bon nombre des 80 suspentes à haute résistance qui reliaient la coque arrière au parachute sont visibles et semblent également intactes. Non loin de la coque, on distingue environ un tiers du parachute, couvert de poussière — d’un diamètre de 21,5 mètres, il s’agit du plus grand parachute jamais déployé sur Mars. La voilure ne présente a priori aucun signe de dommage dû au flux d’air supersonique. La NASA précise que d’autres analyses seront néanmoins nécessaires avant d’établir un verdict final.
Des données techniques précieuses
Grâce aux multiples caméras qui équipent le rover, l’atterrissage de Perseverance sur Mars est « le mieux documenté de toute l’histoire », a déclaré Ian Clark, ancien ingénieur des systèmes de Perseverance. Mais les images d’Ingenuity constituent en quelque sorte la cerise sur le gâteau. Ces vues aériennes rapprochées, d’un niveau de détail élevé, permettent en effet de collecter de précieuses données, en particulier sur la résistance des équipements utilisés. Rappelons que lors de l’entrée dans l’atmosphère martienne, qui s’effectue à près de 20 000 km/h, les engins sont soumis à rude épreuve : ils doivent résister à des vitesses et des températures extrêmes. Les informations relayées par le giravion permettront de mettre au point des engins encore plus résistants.
La NASA pense notamment à sa future mission, Mars Sample Return, qui comme son nom l’indique, a pour objectif de rapporter sur Terre des échantillons du sol martien — prélevés et collectés au préalable par Perseverance. Cette mission, développée en collaboration avec l’Agence spatiale européenne, impliquera deux engins spatiaux : une astromobile chargée de récupérer les échantillons, puis une fusée qui doit les apporter dans un vaisseau resté en orbite. Le lancement est prévu pour 2026.
En attendant, Perseverance poursuit sa mission : il vient d’arriver aux portes du delta du cratère Jezero, une zone large de plusieurs kilomètres où une ancienne rivière se déversait autrefois dans le lac qui remplissait le cratère. Le rover doit y prélever une nouvelle série d’échantillons, qui révéleront peut-être les indices d’une ancienne vie microbienne. Ingenuity servira, entre autres, à explorer la zone afin de définir les meilleurs itinéraires pour son compagnon.