Au cours d’une seule séance de soins capillaires, une personne inhalerait entre 1 et 17 milligrammes de produits chimiques potentiellement nocifs pour la santé, selon une nouvelle étude. Ces substances incluent principalement les méthylsiloxanes volatils cycliques (cVMS), présents dans de nombreux produits capillaires. Bien qu’il n’y ait encore que peu d’informations disponibles sur les potentiels impacts de ces substances chez l’Homme, des expériences sur des modèles animaux suggèrent des effets neurologiques et respiratoires non négligeables.
En raison de leurs propriétés physicochimiques (faible tension superficielle, inertie, haute stabilité thermique et texture lisse), les siloxanes (une classe de composés du silicium) sont largement utilisés dans les produits cosmétiques capillaires. Parmi les composés dérivés, les plus présents figurent les cVMS, utilisés pour répartir uniformément les fluides de poids moléculaire élevé sur les cheveux, tels que les huiles et les concentrés végétaux.
Les cVMS les plus utilisés dans les produits capillaires sont l’octaméthylcyclotétrasiloxane (D4), le décaméthylcyclopentasiloxane (D5) et le dodécaméthylcyclohexasiloxane (D6). De précédentes études ont montré que ces substances peuvent se bioaccumuler et devenir toxiques.
Lors d’expériences sur des modèles murins lors d’une étude antérieure, le D4 a provoqué des lésions mortelles au niveau du foie et des poumons. L’exposition au D5 quant à elle a entraîné des effets néfastes sur l’ensemble des voies respiratoires, le foie et le système nerveux. Bien que l’utilisation de ce composé dans les produits cosmétiques avec rinçage ait été restreinte dans l’Union européenne, il figure encore parmi les ingrédients d’autres produits tels que les parfums. En outre, il apparaît encore souvent en première ou deuxième position dans les listes d’ingrédients de nombreux produits de soins capillaires, car il rend les cheveux plus faciles à brosser sans les casser.
D’un autre côté, si les effets de ces produits ont été largement étudiés chez les animaux, leurs impacts chez l’Homme sont peu explorés. « Il n’y a pas eu beaucoup de recherches approfondies à ce sujet, donc nous n’avons vraiment aucune idée de la menace que représentent ces produits chimiques lorsqu’ils sont inhalés sur une longue période », explique Nusrat Jung, de l’Université de Purdue. De plus, « il y a eu des tests sur les produits ‘lavables’ comme les shampoings, mais presque aucun pour les produits ‘sans rinçage’ comme les gels capillaires, les huiles, les crèmes, les cires et les sprays », ajoute-t-elle.
La nouvelle étude, menée par Jung et ses collègues, vise à explorer plus avant le degré d’exposition humaine à ces produits chimiques dans le cadre d’une utilisation capillaire. Les résultats, publiés sur la plateforme ACS Publications, pourraient aider à améliorer les réglementations en vigueur, à la fois dans le cadre de la préservation de la santé humaine et de l’environnement.
Des émissions exacerbées par le chauffage
Les expériences de la nouvelle étude ont été menées au sein d’un laboratoire spécialement conçu, dénommé Tiny House Purdue Zero Energy Design Guidance for Engineers (zEDGE). Il s’agit d’un immeuble ventilé mécaniquement et disposant d’un spectromètre de masse à temps de vol (permettant d’accélérer les ions avec un champ électrique de valeur définie). Ce dernier permet de mesurer les concentrations par seconde de cVMS et d’autres produits chimiques volatils dans l’air en temps réel.
Les émissions de cVMS durant une routine de soins capillaires ont été mesurées sur une période de plusieurs mois. Les expériences se divisaient en trois parties : des expériences de soins capillaires réalistes qui reproduisent les routines de soins capillaires réelles dans l’environnement domestique, des expériences d’émission à l’aide de plaques chauffantes (qui explorent la relation entre la température des appareils de soins capillaires et les émissions de composés organiques volatils) et des expériences d’émission de surface qui étudient l’impact de la surface des cheveux sur les émissions de composés organiques volatils lors de soins capillaires. Dans le but d’être les plus réalistes possibles, les participants à l’étude étaient également invités à utiliser leurs propres produits et appareils de soins.
Les chercheurs ont constaté qu’en moyenne, une personne pouvait inhaler une masse accumulée de 1 à 17 milligrammes de cVMS au cours d’une seule séance de soins capillaires. « Nous avons trouvé les résultats extrêmement alarmants », indique Jung. « Nous ne nous attendions pas à voir des émissions aussi importantes de mélanges chimiques volatils provenant de produits de soins capillaires disponibles dans le commerce lors des routines de soins capillaires typiques que de nombreuses personnes effectuent chaque jour », explique-t-elle.
Il a aussi été constaté que l’utilisation d’outils chauffés (comme les fers à lisser) exacerbait l’émission de cVMS dans l’air. Avec des températures d’environ 210 °C, ces émissions augmentent notamment de 50 à 310%. Et pour aggraver les choses, les systèmes de ventilation impliquent que ces composés volatils peuvent se diffuser dans l’environnement. Cela est particulièrement préoccupant dans les milieux urbains, où des centaines voire des milliers de foyers pourraient rejeter quotidiennement des produits chimiques toxiques au cours de routines de soins.
Les chercheurs ont calculé que si la fréquence moyenne d’utilisation des produits de soins capillaires est de deux à cinq fois par semaine, et en supposant que 10% des produits sans rinçage sont à base de siloxane, l’exposition totale à l’intérieur et les émissions extérieures de D5 pourraient atteindre 0,4 à 6 tonnes par an.
Afin d’atténuer les expositions, les chercheurs suggèrent de s’appuyer sur de bons systèmes de ventilation, qui pourraient réduire leur persistance dans l’air de plus de 90%. Cependant, cela augmente les impacts environnementaux. Jung et son équipe ont montré que si la ventilation était éteinte, l’émission cumulée de D5 de l’intérieur vers l’extérieur atteint 710 milligrammes en trois heures. En revanche, si la ventilation est allumée, la quantité de D5 atteignant l’extérieur passe à 900 milligrammes en seulement une heure. En vue de ces résultats, « les effets sur les populations et la planète doivent être étudiés plus en profondeur et des mesures réglementaires doivent être prises », conclut Jung.