Au-delà du problème du traitement des déchets nucléaires, l’utilisation de cette énergie présente une autre faille : elle coûte cher. C’est à ce dernier point qu’ont choisi de s’attaquer des scientifiques du Département de l’Énergie des États-Unis. Leur principal outil : l’intelligence artificielle.
« Si le nucléaire doit jouer un rôle dans l’économie de l’énergie propre aux États-Unis, les coûts doivent baisser », posent clairement dans un article les scientifiques d’Argonne National Laboratory, qui se sont penchés sur la question. Mais le défi n’est pas si aisé à relever. En effet, l’entretien d’une centrale nucléaire requiert énormément de contrôle et de maintenance si l’on veut assurer une sécurité et une efficacité optimales.
Le laboratoire d’Argonne a reçu un million d’euros, étalés sur trois ans de recherche, pour plancher sur l’abaissement de ces frais. Pour le moment, les recherches en sont à mi-chemin, mais une conclusion s’est visiblement imposée aux chercheurs : les coûts les plus importants et les plus simples à réduire sont… humains.
« Nous pensons que le fonctionnement autonome peut contribuer à améliorer leur rentabilité et également bénéficier au déploiement de concepts de réacteurs avancés », déclarent-ils. Comme le rappellent les chercheurs, les centrales nucléaires sont bardées de capteurs et d’instruments de mesure, qui sont nécessaires à assurer son bon fonctionnement. Mais ces capteurs eux-mêmes doivent être régulièrement contrôlés afin de s’assurer de leur état. Cette tâche d’inspection et de contrôle des performances est actuellement assurée par du personnel.
C’est notamment ce dernier point que les scientifiques préconisent de changer. « Au lieu de cela, des algorithmes pourraient vérifier les données en apprenant comment fonctionne un capteur normal et en recherchant les anomalies », recommandent-ils ainsi. Cet « apprentissage » par un algorithme est ce qu’ils appellent l’intelligence artificielle. Cette dernière pourrait donc interpréter les données fournies par les capteurs et les analyser pour en tirer des recommandations.
Optimiser les réparations
En étant au plus près des besoins de l’équipement, les coûts pourraient en être optimisés. « Les ordinateurs pourraient détecter les problèmes et les signaler aux opérateurs de la centrale le plus tôt possible, aidant ainsi à optimiser les contrôles et à éviter des réparations plus coûteuses plus tard », précise l’équipe.
D’autre part, un tel contrôle de précision pourrait éviter de réparer par précaution des équipements qui n’en ont pas besoin. Roberto Ponciroli compare cela à la réparation d’une voiture : « Disons que le tableau de bord de votre voiture vous avertit d’un pneu à faible pression d’air. Vous savez que vous n’avez pas besoin de vous garer tout de suite, mais vous pouvez décider de ralentir un peu pour éviter une crevaison jusqu’à ce que vous puissiez regonfler le pneu », explique-t-il de manière imagée.
Pour le moment, les chercheurs ont construit un « jumeau numérique » d’un réacteur nucléaire, afin de pouvoir effectuer tous leurs tests sans risques. Jusqu’ici, le contrôle et le diagnostic ont été effectués correctement. Ils travaillent actuellement sur la partie « prise de décision ». Leur système est plutôt conçu pour de nouveaux réacteurs, mais ils estiment pouvoir l’adapter également aux anciens.
Selon les premières estimations, implémenter de tels systèmes pourrait apporter environ 500 millions d’euros d’économies par an dans le secteur du nucléaire aux États-Unis (et en France probablement au moins des dizaines de millions). Quant au devenir des contrôleurs humains qui gèrent actuellement ces tâches, le laboratoire apporte une réponse sibylline : « Nous essayons d’élever les humains à un degré plus élevé de conscience de la situation afin qu’ils soient des observateurs prenant des décisions ».