Hier, à 9h29 HAE, le module de laboratoire polyvalent (ou MLM pour Multipurpose Laboratory Module), baptisé Nauka, s’est amarré à la Station spatiale internationale. Mais lorsque les cosmonautes russes ont effectué des contrôles de routine suite à l’amarrage, ils ont remarqué qu’une action imprévue des propulseurs du module Nauka avait modifié l’orientation de la station de près de 45° !
Le module russe Nauka de 23 tonnes mesure près de 13 mètres de long. C’est le plus gros élément ajouté à l’ISS depuis 2011. Quelques heures après son amarrage, ses propulseurs ont commencé à exercer une poussée qui a modifié de manière significative l’attitude de l’ISS — soit son orientation par rapport à la Terre. L’équipage de la station et les équipes au sol ont heureusement rapidement repris le contrôle et le mouvement de la station spatiale est désormais stable.
La NASA précise dans un communiqué qu’à aucun moment l’équipage n’a été en danger. Un point de vue que ne partage pas tout à fait l’astronome Jonathan McDowell : « Je ne suis pas convaincu qu’ils comprennent suffisamment bien la question pour pouvoir dire cela maintenant », a-t-il écrit dans un tweet. La perte de contrôle ne semble pas avoir affecté d’autres systèmes.
Un décalage d’attitude rapidement corrigé
Les propulseurs du module de service russe Zvezda et un vaisseau spatial cargo amarré à la station ont pu aider à stabiliser l’ISS. « Nous ne savons pas pourquoi les propulseurs Nauka ont commencé à tirer. Ce n’est pas clair à ce stade », confiait hier Rob Navias, porte-parole de la NASA. Le module russe, équipé d’un système de contrôle complet de navigation et de guidage, doit essentiellement servir d’espace de travail et de repos pour l’équipage. Une fois opérationnel, il étendra les capacités scientifiques et de recherche de la Russie et constituera également la base d’un nouveau bras robotique conçu par l’Agence spatiale européenne.
Ce laboratoire spatial remplace le module Pirs, qui s’est détaché lundi de l’ISS avant de se désintégrer en rentrant dans l’atmosphère au-dessus de l’océan Pacifique. Son lancement, prévu pour la première fois en novembre 2007, a toutefois été maintes fois reporté. En 2013, l’Agence spatiale russe informait la NASA que Nauka avait échoué aux tests de conformité menés par RKK Energuia et nécessitait quelques améliorations, suite à divers problèmes techniques. Après plusieurs reports et l’intégration d’un nouveau système de propulsion, Nauka ne sera finalement lancé que huit ans plus tard.
Selon la NASA, le décalage d’attitude n’a affecté aucun autre système ni aucune structure de la station. « Nous avons pu revenir à une configuration stable et sûre », a affirmé Kathy Lueders, administratrice associée de la NASA pour l’exploration et les opérations humaines, lors d’une conférence de presse. L’agence a déclaré sur son compte Twitter que « les membres de l’équipage sont sains et saufs et vont annuler leurs programmes du jour pour se concentrer sur les efforts de récupération suite à la perte d’attitude inattendue ».
Le lancement du vaisseau de Boeing reporté
Selon un tweet du rédacteur en chef de NASASpaceFlight, Chris Bergin, il semble que l’ordinateur de vol de Nauka considérait que le module essayait toujours de s’amarrer. Le service de presse de l’agence Roscosmos évoque effectivement la correction d’un problème logiciel lié à la transition entre le mode vol et le mode amarrage.
À noter qu’après un lancement et une mise en orbite réussis, Nauka a rencontré quelques soucis techniques mineurs pendant son voyage de huit jours. « On a été préoccupé les trois premiers jours, il y a eu une perte de télémétrie », a précisé le chef de l’agence spatiale russe, Dmitri Rogozine. L’amarrage devait d’ailleurs se dérouler en mode automatique, mais le cosmonaute Oleg Novitski, à bord de l’ISS, a pris les commandes du module sur les tout derniers mètres.
Selon la NASA, tout est à présent redevenu sous contrôle et la station se trouve à nouveau à la position prévue. Mais lors de sa conférence de presse, l’agence a tout de même évoqué le fait que le Crew Dragon, actuellement amarré à la station, se tenait prêt à évacuer l’équipage en cas de problème…
Cet incident va malheureusement différer le lancement du vaisseau Boeing CST-100 Starliner, un vol d’essai sans équipage qui devait être lancé ce vendredi après-midi, depuis la base de Cap Canaveral. Le vol est a priori reporté à mardi 3 août. D’ici là, les ingénieurs au sol et l’équipage de l’ISS doivent continuer les vérifications du module Nauka et s’assurer que la station est bien prête à accueillir ce nouveau véhicule.