Les chercheurs du projet de réacteur thermonucléaire à fusion ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), situé dans le sud de la France, ont réceptionné la première partie d’un aimant massif qui constituera l’élément central du réacteur. Il serait « si puissant qu’il pourrait soulever un porte-avions », affirme son fabricant américain.
Haut de près de 20 mètres et d’un diamètre de plus de 4 mètres lorsqu’il est entièrement assemblé, l’aimant est un élément crucial dans la tentative des 35 nations travaillant sur le projet de maîtriser la fusion nucléaire. L’un des éléments les plus récents et les plus impressionnants du projet.
La semaine dernière, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et une entreprise privée ont annoncé de leur côté qu’ils avaient eux aussi franchi une étape importante en testant avec succès l’aimant supraconducteur à haute température le plus puissant au monde, ce qui pourrait permettre à l’équipe de dépasser ITER dans la course à la construction du premier réacteur capable de prouver la viabilité de la fusion nucléaire, bien que leur système soit bien plus petit et plus économe.
Les chercheurs d’ITER, situé à Saint-Paul-Lez-Durance, ont présenté la première partie de l’aimant jeudi, juste après l’avoir reçu de son fabricant américain. L’aimant entier serait « assez puissant pour soulever un porte-avions », selon ce dernier.
Un champ magnétique environ 280 000 fois plus puissant que celui de la Terre
Plutôt que de diviser les atomes (fission nucléaire), la fusion imite un processus qui se produit naturellement dans les étoiles pour fusionner deux atomes d’hydrogène et produire un atome d’hélium, libérant une grande quantité d’énergie. Pour obtenir la fusion, des quantités inimaginables de chaleur et de pression sont nécessaires. Pour y parvenir, transformer l’hydrogène en un gaz chargé électriquement (ou plasma) est une solution. Ce plasma est ensuite contrôlé dans une chambre à vide en forme de beignet, appelé tokamak.
L’aimant dont il est question ici, connu sous le nom technique de « solénoïde central », est spécifiquement conçu pour obtenir et maintenir ces quantités extrêmes de chaleur et de pression. Il peut générer un champ magnétique environ 280 000 fois plus puissant que le champ magnétique terrestre.
Scientists have debuted a massive magnet nearly 300,000 times stronger than Earth's magnetic field. It'll be used to help build a nuclear fusion reactor.
Photo credit: AP Photo/Daniel Cole pic.twitter.com/r3inJGh2bL
— Tony Ho Tran (@TonyHoWasHere) September 12, 2021
Le solénoïde central constitue la colonne vertébrale du système magnétique d’ITER. Il induit la majeure partie de la variation du flux magnétique nécessaire à l’amorçage du plasma, à la génération du courant de plasma et au maintien de ce dernier pendant la combustion.
« Chaque fois qu’un composant majeur et unique est achevé, comme le premier module du solénoïde central, nous sommes plus confiants dans notre capacité à mener à bien l’ingénierie complexe de la machine complète », a déclaré Laban Coblentz, porte-parole d’ITER. Les scientifiques affirment qu’ITER est désormais achevé à 75%, et qu’ils visent à effectuer les premiers tests du réacteur en 2026.
Objectif premier : prouver que la fusion nucléaire est viable
La fusion nucléaire a été une sorte d’eldorado pour de nombreux scientifiques au fil des ans. Bien qu’elle promette une énergie propre qui réduira les émissions de gaz à effet de serre, elle est incroyablement difficile à réaliser et les scientifiques n’ont pas encore réussi à produire un réacteur qui produise plus d’énergie qu’il n’en consomme.
Cependant, le réacteur à fusion ITER est prévu pour être l’un des plus grands réacteurs existants, et beaucoup pensent qu’il s’agit de l’un des efforts les plus prometteurs pour prouver la viabilité de la fusion nucléaire. « L’objectif d’ITER est de prouver que la fusion peut être une source d’énergie viable et économiquement pratique, mais nous envisageons déjà la suite », a-t-il ajouté. « Ce sera la clé pour que la fusion fonctionne commercialement, et nous avons maintenant une idée claire de ce qui doit être fait pour y parvenir ».
Miser sur l’énergie nucléaire, d’abord la fission puis la fusion, reste la meilleure option pour le monde de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre à zéro d’ici 2050, a déclaré Frederick Bordry, qui a supervisé la conception et la construction du grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN. « Quand on parle du coût d’ITER, ce n’est rien par rapport à l’impact du changement climatique », a-t-il ajouté. « Nous devons donc faire en sorte d’obtenir les fonds pour réaliser cela ».