James Webb capture une image directe de l’une des exoplanètes les plus froides connues à ce jour

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Aperçu artistique de la géante gazeuse froide Eps Ind Ab en orbite autour d'une naine rouge. | T. Müller (MPIA/HdA)
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En utilisant le télescope spatial James Webb (JWST), des chercheurs ont découvert la planète de type super-jupiter Eps Ind Ab, l’une des exoplanètes les plus froides connues à ce jour. Il s’agit de la première fois que le télescope photographie directement une exoplanète qui n’a pas encore été imagée avec les dispositifs au sol. La nouvelle technique d’observation utilisée ouvre la voie à l’étude d’une nouvelle classe d’exoplanètes, ce qui pourrait permettre d’améliorer notre compréhension de la formation et de l’évolution des planètes gazeuses.

Faisant environ six fois la masse de Jupiter (d’où l’appellation « super-jupiter »), Eps Ind Ab orbite autour d’un système stellaire triple (Eps Ind A) situé à environ 12 années-lumière de la Terre. Ce système est composé d’une naine rouge et de deux petites naines brunes. Ces dernières sont des étoiles mal formées, n’ayant pas pu accumuler suffisamment de masse pour amorcer les réactions thermonucléaires nécessaires à leur activation.

À noter que la planète a déjà été correctement identifiée dans le cadre d’études antérieures. Cependant, sa masse ainsi que sa distance par rapport son système stellaire hôte ont été sous-évaluées. Les nouvelles données du JWST indiquent que la planète se déplace sur une orbite très elliptique et que sa distance par rapport à Eps Ind A varie entre 20 et 40 unités astronomiques (une unité astronomique correspond à la distance moyenne Terre-Soleil, soit environ 150 millions de kilomètres). Cela signifie que la planète effectue une orbite complète en 200 années terrestres. En raison de cet éloignement, les chercheurs estiment que sa température de surface est proche de 0 °C, ce qui en fait la planète la plus froide étudiée jusqu’à présent avec le JWST.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

D’un autre côté, les données du JWST montrent d’autres différences non négligeables par rapport à celles des précédentes observations. « À notre grande surprise, le point lumineux qui apparaissait sur nos images MIRI ne correspondait pas à la position que nous attendions pour la planète », explique dans un communiqué de l’Institut Max Planck d’astronomie de Heidelberg (en Allemagne), Elisabeth Matthews, chercheuse principale de la nouvelle étude.

Des planètes particulièrement difficiles à détecter

Seules quelques exoplanètes géantes gazeuses froides ont été identifiées à ce jour. En effet, ces planètes sont particulièrement difficiles à détecter avec les méthodes classiques, qui s’appuient généralement sur des mesures indirectes. L’une d’entre elles se base par exemple sur la mesure de la vitesse radiale, les subtiles variations qu’une planète provoque dans le mouvement de son étoile mère. Cependant, ce type de variation est extrêmement difficile à détecter pour les planètes se déplaçant sur une orbite très large. Lorsque cette technique a été utilisée pour Eps Ind Ab précédemment, cela a conduit à une évaluation erronée indiquant qu’elle effectuait une orbite complète en seulement 43 ans.

Une autre technique consiste à détecter les signaux de transit de la planète devant son étoile hôte. Le transit provoque des variations de la luminosité apparente de l’étoile, dont l’analyse du spectre lumineux permet ensuite de déduire les caractéristiques de la planète. Cependant, là encore, les mesures ont manqué de précision pour Eps Ind Ab, étant donné l’étendue de son orbite et le temps qu’il lui faut pour passer devant Eps Ind A.

Une technique d’imagerie directe

Afin de surmonter ces difficultés, Matthews et ses collègues ont utilisé une technique d’imagerie directe, présentée dans une nouvelle étude publiée dans la revue Nature. Cette technique est généralement difficile à appliquer avec les télescopes traditionnels, car les étoiles hôtes des exoplanètes sont si brillantes qu’elles masquent la lumière de tout autre objet à proximité. En d’autres termes, les imageurs traditionnels sont « aveuglés » par la lumière des étoiles.

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L’image résume les observations réalisées avec le JWST/MIRI qui ont conduit à la redécouverte d’Eps Ind Ab. Les encarts montrent des versions recadrées des images MIRI obtenues aux longueurs d’onde de l’infrarouge moyen 10,65 (à gauche) et 15,55 micromètres (à droite), qui représentent la zone autour de l’étoile Eps Ind A, dont la position est indiquée par des symboles d’étoile. © T. Müller (MPIA/HdA), E. Matthews (MPIA)

En revanche, la caméra MIRI (Mid-Infrared Instrument) du JWST est équipée d’un coronographe, un système pouvant filtrer la lumière de l’étoile, comme une éclipse artificielle. De plus, la caméra observe le cosmos dans l’infrarouge moyen ou thermique, un rayonnement intensément émis par les objets froids comme Eps Ind Ab. Un autre avantage est la proximité d’Eps Ind A par rapport à la Terre. Plus cette distance est faible, plus sa séparation avec l’exoplanète apparaît grande sur une image, ce qui permet d’atténuer davantage l’interférence avec la lumière de l’étoile hôte.

Les chercheurs ont constaté que les données concordaient avec les précédentes estimations de la masse de la planète. Cependant, sa position ne correspondait pas à ce qui a été suggéré antérieurement. « Nous avons découvert un signal dans nos données qui ne correspondait pas à l’exoplanète attendue. Le point lumineux sur l’image n’était pas à l’endroit prévu, mais la planète semblait toujours être une planète géante », indique Matthews.

Afin de confirmer qu’il s’agit bien de l’exoplanète en question et non d’un signal provenant d’une autre source en arrière-plan de l’image, les chercheurs ont comparé leurs données avec celles de la caméra infrarouge VISIR du Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO). Selon le coauteur de l’étude, Leindert Boogaard de l’Institut Max Planck d’astronomie, « il est toujours difficile d’en être certain, mais d’après les données, il semblait assez peu probable que le signal provienne d’une source de fond extragalactique ».

Par ailleurs, après une analyse plus approfondie du spectre de la planète, les chercheurs ont constaté que les données indiquaient d’importantes quantités d’éléments lourds, notamment des molécules carbonées telles que le méthane, le dioxyde de carbone et le monoxyde de carbone. Ces molécules sont couramment présentes dans les géantes gazeuses.

Toutefois, davantage de recherches sont nécessaires afin de pouvoir confirmer ces résultats. La prochaine étape de l’étude visera ainsi à collecter davantage de données spectrométriques pour analyser en détail la température et la composition chimique de la planète. Les experts prévoient également d’utiliser leur technique d’observation pour la détection d’autres géantes gazeuses froides. Cela pourrait permettre de les comparer aux géantes gazeuses du système solaire.

Source : Nature

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