Le jeûne intermittent, le plus courant étant celui appelé « 16:8 », est approuvé presque partout dans le monde pour ses bienfaits. Présenté comme une solution efficace pour la perte de poids et la prévention de diverses maladies, il est notamment adopté par des célébrités hollywoodiennes comme Jennifer Aniston et Heidi Klum. Cependant, une étude récente met en garde contre les conséquences potentiellement néfastes sur la santé cardiovasculaire de ce régime pourtant si populaire. Les résultats ont de quoi faire réfléchir à deux fois celles et ceux souhaitant l’adopter. Mais qu’en est-il vraiment ?
Le régime 16:8 consiste, comme son nom l’indique, à manger uniquement pendant une fenêtre de huit heures et à se priver de nourriture pendant les seize heures restantes de la journée. Cette pratique, selon les diététiciens, optimise la perte de poids et améliore le fonctionnement du système immunitaire. Le jeûne intermittent a même déjà été associé à une amélioration de la tension artérielle, de la glycémie et du taux de cholestérol. En revanche, ses effets sur le long terme restent flous. C’est la raison pour laquelle plusieurs études ont été réalisées concernant sa pratique au fil des ans.
L’une d’elles, réalisée par des chercheurs de l’Université Jiao Tong de Shanghai (Chine), remet en question ses bienfaits en pointant du doigt de potentiels effets néfastes sur le système cardiovasculaire. « À une époque où le jeûne intermittent est largement présenté comme une solution pour la perte de poids, la santé métabolique et la prévention des maladies, notre étude est importante pour les adultes américains qui mangent moins de trois repas par jour », a affirmé en 2022 le professeur Yangbo Sun, de l’Université du Tennessee. « Nos recherches ont révélé que les personnes ne mangeant qu’un seul repas par jour sont plus susceptibles de mourir que celles qui ont plus de repas. Celles qui sautent le petit-déjeuner sont plus susceptibles de développer des maladies cardiovasculaires mortelles, tandis que celles qui sautent le déjeuner ou le dîner augmentent leur risque de décès toutes causes confondues », a-t-il poursuivi.
De son côté, le Dr Victor Wenze Zhong, de l’Université Jiao Tong de Shanghai et ses collègues, ont étudié environ 20 000 adultes ayant participé à l’enquête nationale américaine sur la santé et la nutrition (National Health and Nutrition Examination Survey), afin d’analyser de plus près les effets du jeûne intermittent. Durant cette étude, hommes et femmes ont été répartis équitablement. L’âge moyen était de 40 ans.
« Il est important d’adopter une approche prudente et personnalisée en matière de recommandations alimentaires, afin de s’assurer qu’elles sont alignées sur l’état de santé de l’individu et les dernières preuves scientifiques », a déclaré Wenge Zhong au cours d’une interview concernant l’étude.
Un réel danger pour le cœur
Chaque année, de 2003 à 2018, les personnes ayant participé à l’enquête ont fourni des informations concernant leur régime alimentaire. Wenge Zhong et son équipe se sont ensuite basés sur les données récoltées et les ont comparées avec celles issues des registres de décès des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) des États-Unis pour la période 2003-2019.
Sur une période de suivi moyenne de huit ans, les chercheurs ont constaté que les personnes atteintes d’une maladie cardiovasculaire et mangeant sur une fenêtre de huit à dix heures par jour ont 66 % plus de risque de décéder d’une maladie cardiaque. L’étude a également révélé que celles et ceux qui suivaient un régime alimentaire limité dans le temps étaient 91 % plus susceptibles de mourir d’une maladie cardiovasculaire. Ces résultats ont été présentés lors de la conférence Lifestyle Scientific Sessions 2024 de l’American Heart Association.
« Nous avons été surpris de constater que les personnes qui suivaient un horaire alimentaire limité à 8 heures étaient plus susceptibles de mourir d’une maladie cardiovasculaire », déclare Wenge Zhong. « Même si ce type de régime est populaire en raison de ses avantages potentiels à court terme, nos recherches montrent clairement que, par rapport à une durée de temps d’autorisation de repas typique de 12 à 16 heures par jour, une durée plus courte n’est pas associée à une vie plus longue », a-t-il poursuivi.
Une remise en question rapide de l’étude par la communauté scientifique
L’étude de Wenge Zhong et son équipe a tout de même fait l’objet d’une contestation. En effet, pour parvenir à ces conclusions, ils se sont basés sur les témoignages des patients et s’appuyaient uniquement sur des informations diététiques autodéclarées. Des facteurs importants comme le poids et le taux de cholestérol des sujets n’ont pas été pris en compte, que ce soit au début ou à la fin de l’étude, constate le Dr Christopher D. Gardner de l’Université de Stanford.
De son côté, Jo Ann Carson, ancienne présidente du comité de nutrition de l’AHA, suggère également que certaines personnes étaient susceptibles d’avoir eu des horaires de repas restreints en raison d’un accès limité à la nourriture. Cela suggère notamment que les résultats peuvent avoir été faussés par des modes de vie malsains de certains participants, conduisant finalement à des maladies cardiaques. D’ailleurs, Carson ajoute : « Nous ne savons rien non plus du caractère sain des aliments qu’ils ont consommés ».
Quoi qu’il en soit, même des professionnels de l’alimentation saine, dont la nutritionniste Rania Batayneh, sont inquiets vis-à-vis de la pratique du jeûne intermittent. Selon elle, cette tendance peut entraîner des sensations de faim incessantes et un manque d’énergie potentiellement néfaste. Le mieux, selon Batayneh, serait de commencer un jeûne intermittent de 12-13 h à partir du soir (par exemple en ne mangeant pas plus tard que 18h-19h). Ainsi, le métabolisme reçoit les nutriments dont il a besoin au cours de la journée et se met au repos dans une période plus adaptée.