Jupiter serait impliqué dans la formation de la Lune

Dans le cadre d’un événement d’instabilité majeure des géantes gazeuses.

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| NASA
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Peu après le début de la formation du système solaire, les quatre géantes gazeuses ont migré vers leurs orbites actuelles lors d’un événement majeur appelé « instabilité dynamique des planètes géantes ». Alors que la chronologie de cet événement faisait jusqu’ici débat, une nouvelle étude suggère qu’il se serait produit entre 60 et 100 millions d’années après la naissance du système solaire. Ce timing coïncide avec l’impact géant qui a conduit à la formation de la Lune, suggérant ainsi une implication potentielle des géantes gazeuses (majoritairement Jupiter).

Au début du système solaire, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune — les quatre géantes gazeuses — avaient des orbites plus circulaires et plus compactes qu’aujourd’hui et étaient ainsi plus rapprochés les uns des autres. Peu de temps après, un événement d’instabilité majeur a perturbé ces orbites et celles des planétésimaux (petits corps présents dans le disque protoplanétaire pouvant potentiellement s’agglomérer pour former des planètes) alentour, conduisant Saturne, Uranus et Neptune à migrer vers l’extérieur du système solaire, tandis que Jupiter a migré vers l’intérieur.

Proposée en 2005 par un groupe de chercheurs français et baptisée « modèle de Nice », cette théorie suggère entre autres qu’un événement dit « instabilité dynamique des planètes géantes » a conduit à leur migration vers leurs emplacements actuels. Cependant, bien que la théorie soit largement acceptée par la communauté scientifique, sa chronologie exacte fait l’objet de débats.

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Or, sa datation est essentielle pour en comprendre les implications sur les autres planètes du système solaire ainsi que son rôle potentiel dans l’évolution d’une planète pouvant abriter la vie, notamment la nôtre. « Chaque timing a une implication différente et cela a été un grand sujet de débat au sein de la communauté scientifique », explique dans un communiqué de l’Université de Leicester, Chrysa Avdellidou.

Dans leur nouvelle recherche publiée dans la revue Science, Avdellidou et son équipe suggèrent de mettre fin au débat en combinant en une seule étude des milliers d’heures d’observation, de simulations dynamiques et d’analyses de météorites. « La nouveauté de l’étude est que nous ne faisons pas seulement de pures simulations dynamiques, ou seulement des expériences et des observations télescopiques », explique l’experte.

Une instabilité majeure entre 60 et 100 millions d’années après le début du système solaire

Initialement, les astronomes pensaient que l’instabilité dynamique des planètes géantes s’est produite entre 500 et 800 millions d’années après la formation du système solaire. Cela coïncide avec un événement connu sous le nom de « bombardement lourd tardif » et au cours duquel les planètes telluriques (Mercure, Vénus, la Terre et Mars) auraient été bombardées par des comètes et des astéroïdes délogés de leurs orbites par la migration des géantes gazeuses.

Cependant, de récentes analyses basées sur les astéroïdes troyens de Jupiter ont suggéré que cet événement d’instabilité s’est plutôt produit au plus tard 100 millions d’années après la naissance du système solaire. Les troyens sont des astéroïdes partageant la même orbite qu’une planète ou l’un de ses satellites à des positions gravitationnellement stables appelés points de Lagrange L4 et L5.

De leur côté, Avdellidou et ses collègues se sont concentrés sur les chondrites à enstatite, ou EL (un type de météorite), dont la proportion en fer et les rapports isotopiques sont similaires aux matériaux qui ont formé la Terre. Cela suggère que les chondrites terrestres et EL se sont probablement formés à partir de la même partie du disque protoplanétaire.

Cependant, l’analyse des chondrites EL a montré que l’objet qui leur a donné naissance est étrangement éloigné de la Terre. En effet, leur composition est étroitement similaire aux astéroïdes Athor, que l’on retrouve dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. Les astéroïdes Athor et les chondrites EL sont nés d’un fragment d’un objet massif qui a été fracturé lors d’une collision il y a environ 3 milliards d’années.

Ces données suggèrent qu’un événement a dû dévier la trajectoire de l’objet ayant donné naissance à la famille Athor pour qu’il se retrouve entre Mars et Jupiter. « On savait que le corps parent des météorites EL était très volumineux, et qu’un seul fragment de celui-ci avait été transporté dans la ceinture principale », explique dans communiqué de l’Observatoire Lagrange, Marco Delbo, coauteur principal de l’étude et directeur de recherche au CNRS. Les chercheurs supposent qu’il s’agit de l’instabilité des planètes géantes qui a conduit à la migration de Jupiter vers l’intérieur du système solaire et qui, à son tour, a dévié la trajectoire du fragment Athor.

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Chaque panneau montre l’évolution du Système solaire interne à différents moments : le panneau I montre la formation du planétésimal à partir duquel les météorites enstatite de type EL se sont formées. Le panneau II montre qu’entre 60 et 100 millions d’années après le début de notre système solaire, le planétésimal EL est fragmenté dans la région des planètes telluriques par un impact. Un fragment du planétésimal EL (l’ancêtre de la famille d’Athor) va être dispersé par les planètes telluriques sur une orbite qui croise la ceinture d’astéroïdes, mais avec une forte excentricité. Le panneau III montre que quelques dizaines de millions d’années après l’instabilité des planètes géantes, un impact entre l’embryon planétaire Theia et la proto-Terre conduit à la formation de la Lune. © Chrysa Avdellidou et al.

Les simulations de l’équipe ont montré que le déplacement orbital de Jupiter a dévié la trajectoire de l’astéroïde parent de la famille Athor il y a environ 60 millions d’années après le début du système solaire. « En modélisant l’évolution de la température, nous avons réalisé que le corps parent EL ne pouvait pas s’être fragmenté avant 60 millions d’années après le début de notre système solaire », indique Delbo. En combinant ces résultats à ceux obtenus précédemment par le biais des astéroïdes troyens de Jupiter, les chercheurs ont conclu que l’instabilité s’est produite entre 60 et 100 millions d’années après le début de la formation du système solaire.

De manière étonnante, cette datation coïncide avec la collision entre la Terre et Théia, qui a donné naissance à la Lune. Des études ont d’ailleurs suggéré que cette collision a probablement été provoquée par l’instabilité des planètes géantes. Toutefois, cette hypothèse reste largement spéculative et davantage de recherches sont nécessaires afin de pouvoir la corroborer.

Source : Science

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