Un syndrome mystérieux détériore la vision des astronautes de la Station spatiale internationale, provoquant une myopie intraitable qui persiste même après leur retour sur Terre.
C’est un problème important puisqu’en effet, deux tiers des astronautes en sont touchés après un séjour en orbite. Mais à présent, les scientifiques affirment qu’ils ont enfin des réponses. Malheureusement celles-ci ne sont pas bonnes, notamment pour les perspectives de se rendre sur Mars un jour. « Le souci est que nous subirions des pertes d’accuité visuelle. C’est catastrophique pour un astronaute », explique Dorit Donoviel, de l’US National Space Biomedical Research Institute.
Plus tôt en 2016, la NASA a expliqué que quelque chose dans l’espace venait dégrader la vision de ses astronautes, causant sur le long terme une perte de qualité de leur vision. L’astronaute Scott Kelly, dont la vision exceptionnelle faisait partie des raisons pour lesquelles il avait été choisi pour être le premier astronaute américain à passer plus d’une année entière dans l’espace, explique qu’il a été contraint de porter des lunettes de lecture depuis sa rentrée. John Phillips, qui a passé un certain temps à la Station spatiale internationale (ISS) en 2005, en garde lui de graves séquelles : la NASA a confirmé que sa vision est passée de 20/20 à 20/100 en seulement six mois.
La NASA soupçonnait que le problème était dû à ce qui est appelé « syndrome de déficience visuelle de pression intracrânienne » (visual impairment intercranial pressure, ou VIIP, en anglais), qui est causé par le manque de gravité dans l’espace. En effet, leur hypothèse était basée sur le fait qu’en raison de la micropesanteur sur l’ISS, ayant comme effet d’augmenter la pression intracranienne des astronautes, il y ait de ce fait accumulation d’environ 2 litres de fluide vasculaire dans leur cerveau. La NASA pensait que cette pression était responsable de l’aplatissement des globes oculaires ainsi que de l’inflammation des nerfs optiques chez les astronautes.
À présent, c’est une équipe de l’Université de Miami qui a mené la première étude pour tester cette hypothèse et a constaté qu’un autre élément causait ces problèmes de vision chez les astronautes. Les chercheurs ont comparé des scans cérébraux de 9 astronautes avant et après leurs missions dans l’espace. La plus grande différence entre les scans avant et après, est que les astronautes ayant effectué de plus longues missions possédaient beaucoup plus de liquide cérébro-spinal (LCS) dans leur cerveau que ceux avaient eu des missions de plus courte durée. Les chercheurs pensent donc que ce n’est pas le liquide vasculaire qui est la cause de ces pertes de vision.
Le LCS est important pour amortir le cerveau et la moelle épinière, tout en distribuant des nutriments dans le corps et en aidant à éliminer les déchets. Il peut facilement s’adapter aux changements de pression rapides que ressent notre corps lors de certaines transitions (notamment se coucher, se lever, s’assoir), mais dans la micropesanteur constante de l’espace, ce dernier s’affaiblit. « Sur Terre, le LCS s’adapte totalement à ces changements de pression, mais dans l’espace, le système est confus par l’absence de changements de pression liés à la posture », explique l’un des membres de l’équipe, Noam Alperin.
C’est en se basant sur les IRM cérébrales que l’équipe a pu constater que les astronautes effectuant des missions de longue durée avaient donc beaucoup plus de LCS, ce dernier s’accumulant autour des nerfs optiques dans la partie du crâne où se situent les yeux et là où le liquide se produit. « Cette recherche fournit, pour la première fois, des preuves quantitatives obtenues à partir d’astronautes possédant des missions de courte et longue durée, pointant le LCS comme cause principale des problèmes observés chez les astronautes atteints du syndrome de déficience visuelle », explique Alperin.
Ces résultats ont été présentés à la réunion annuelle de la Radiological Society of North America (RSNA) à Chicago, cette semaine. Les résultats de la recherche doivent encore subir de plus amples examens. Nous devons donc attendre qu’ils soient reproduits par une ou plusieurs équipes indépendantes avant que la recherche ne soit officiellement validée.
Au final, quel que soit le résultat validé, le fait que des astronautes perdent leur vue sur le long terme, est un gros problème. En effet, peu d’astronautes ont passé plus d’une année dans l’espace (en une fois) et il est déjà prévu que les astronautes qui se rendront sur Mars soient confrontés à un voyage d’au moins 18 mois dans l’espace pour y parvenir. Donc si nous souhaitons nous rendre sur Mars, voire même penser à coloniser la planète rouge un jour, il faudra trouver une solution sur le long terme afin d’éviter la cécité. À l’heure actuelle, il n’y a malheureusement aucun traitement pour prévenir l’accumulation des fluides dans l’espace, ainsi que pour les lésions occasionnées par d’éventuels longs vols spatiaux.