Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais la Lune possédait autrefois un champ magnétique, qui a vraisemblablement mis notre planète à l’abri des tempêtes solaires. Sans elle, le rayonnement solaire aurait littéralement brûlé la surface de la Terre. C’est la conclusion d’une nouvelle étude qui vient de paraître dans Science Advances.
Dans leur article, James Green, scientifique en chef de la NASA et son équipe, présentent une modélisation de l’action combinée des magnétosphères terrestre et lunaire, qui a conduit à la formation d’un véritable bouclier protecteur contre le vent solaire. Leurs travaux montrent qu’il y a quatre milliards d’années, le champ magnétique généré par la Lune a permis à notre atmosphère de se développer tranquillement, alors que l’activité solaire était particulièrement intense.
Un champ magnétique aussi intense que sur la Terre
Notre planète possède un bouclier contre les radiations nocives du Soleil, appelé magnétosphère. Cette couche protectrice, située à environ 1000 km d’altitude, existe grâce au champ magnétique de la Terre. Celui-ci est engendré par les mouvements de convection du noyau externe de notre planète, constitué de métal liquide (essentiellement du fer et du nickel).
La Lune ne dispose pas d’un tel bouclier naturel, du moins, pas actuellement. Et pendant des décennies, les scientifiques ont supposé que la Lune ne pouvait pas avoir la capacité de générer et de maintenir une dynamo magnétique substantielle à partir de son seul petit noyau. Mais aujourd’hui, un groupe de chercheurs apporte la preuve qu’il y a quelques milliards d’années, notre satellite naturel possédait un champ magnétique aussi puissant que le nôtre.
Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques ont réexaminé d’anciens échantillons lunaires, datant de 1969. À cette époque, les astronautes de la mission Apollo 12 — la deuxième à se poser sur la Lune — ont découvert que le champ magnétique lunaire était environ 1000 fois plus faible que celui de la Terre.
La mémoire magnétique des époques passées est préservée dans les roches de surface, dont beaucoup ont été rapportées par les astronautes d’Apollo 12. Or, une nouvelle analyse des échantillons prélevés, à l’aide de technologies modernes, a révélé que ce champ magnétique était en réalité beaucoup plus puissant lorsque la Lune était à l’aube de sa vie. Pour déterminer la force du champ magnétique de l’époque, les chercheurs ont étudié les roches de surface formées à partir de matière fondue, issue de l’impact originel. Au fur et à mesure que cette roche se refroidissait, de minuscules grains qui la composaient s’alignaient avec le champ magnétique, formant un véritable instantané de la force et de la direction du champ à ce moment-là.
James Green se réjouit d’avoir eu l’opportunité d’examiner ces prélèvements : « D’un point de vue scientifique, je n’arrête pas de dire que les échantillons sont un cadeau qui ne cesse de nous être offert car, à mesure que nous les comprenons davantage, nous pouvons revenir en arrière, les réexaminer et obtenir de plus en plus d’informations ».
Dans le cadre de leurs recherches, Green et son équipe ont modélisé les champs dipolaires magnétiques (ou MDF, pour magnetic dipole fields) générés par la Terre et la Lune primitives. Ils ont découvert que pendant les premières centaines de millions d’années de l’histoire de notre satellite, son champ magnétique était à son intensité maximale : de 20 à 100 μT il y a environ 4,25 à 3,5 milliards d’années. Il était également beaucoup plus proche de la Terre, à seulement 18 rayons terrestres (contre environ 60 aujourd’hui). Ce champ est ensuite tombé à environ 5 μT il y a 3,2 Ga.
Quand l’union fait la force
Les simulations de Green suggèrent que le champ magnétique de la Lune agissait comme une vraie bulle protectrice, absorbant les vents solaires violents. L’atmosphère terrestre bénéficiait ainsi d’une ligne de défense supplémentaire et ce, pendant un très long moment. « Les forces de marée de la Terre interagissant avec la Lune ont probablement contribué à maintenir le courant et la magnétosphère active pendant plusieurs centaines de millions d’années », explique Green.
Que les magnétosphères couplées soient antialignées ou alignées, les résultats sont similaires : l’action combinée des deux champs protège notre planète. Puis, la Lune s’est éloignée de la Terre et son noyau s’est refroidi, anéantissant son champ magnétique. Elle continue d’ailleurs de s’éloigner lentement de nous, d’environ 2,5 cm chaque année.
Cette découverte est une nouvelle preuve que les corps de notre système solaire évoluent. En outre, elle remet totalement en question la façon dont le champ magnétique de la Terre primitive aurait pu à lui seul la protéger suffisamment contre les épisodes intenses et destructeurs de vent et de rayonnement solaires. Au début de sa vie, le Soleil était bien plus actif, éjectant jusqu’à 100 fois plus de particules solaires qu’aujourd’hui. C’est grâce au soutien de la Lune que notre atmosphère a résisté et que la vie s’est développée sur notre planète.
Les échantillons qui seront recueillis lors de futurs voyages lunaires, comme prévu par le programme Artemis de la NASA, permettront sans doute de fournir des preuves supplémentaires de cet effet protecteur passé. L’échantillonnage de la Lune au niveau des pôles pourrait révéler si ce modèle est correct.
Les auteurs soulignent par ailleurs que ces résultats sont importants pour l’étude des exoplanètes exposées à des conditions extrêmes de vent stellaire et de rayonnement de particules. Il est reconnu en effet que les vents stellaires des étoiles de type M (comme les naines rouges) peuvent être extrêmement violents au point de souffler les atmosphères des exoplanètes rocheuses résidant dans les zones habitables des étoiles hôtes. Ainsi, pour comprendre l’évolution à long terme des atmosphères exoplanétaires et surtout, leur aptitude à créer un environnement propice à la vie, il est essentiel de comprendre non seulement la force des émissions stellaires, mais aussi d’analyser les magnétosphères de ces planètes et de leurs lunes.