Une étude publiée dans la revue Nature montre que pendant près de 500 millions d’années, au début de sa vie, notre planète a donné naissance à de nombreux continents, mais que ceux-ci étaient en réalité voués à la destruction. Cet étrange phénomène aurait contribué à la formation de continents plus solides, constituant la tectonique des plaques que connaît la Terre aujourd’hui.
La lithosphère, la coque externe de la Terre constituée de la croûte et d’une partie du manteau supérieur, est subdivisée en plusieurs plaques tectoniques. Du fait que la lithosphère repose sur l’asthénosphère — une partie ductile du manteau supérieur —, ces plaques ne sont pas statiques ; elles se déplacent lentement au fil du temps (de 0 à 100 millimètres par an), provoquant divers phénomènes géologiques à leurs frontières (éruptions volcaniques, séismes).
Ainsi, les continents actuels sont plus ou moins stables et se déplacent continuellement (mais très lentement, ces mouvements ne sont donc pas perceptibles). Et c’est ainsi depuis des centaines de millions d’années. À l’origine, tous ces continents n’en formaient qu’un seul, un supercontinent nommé la Pangée. C’est le météorologue et astronome allemand Alfred Wegener qui est à l’origine du concept de la Pangée et de la dérive des continents, au début du XXe siècle. Mais ce n’est que bien plus tard, dans les années 1960, que sa théorie est acceptée par la communauté scientifique internationale.
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Des continents faibles et voués à la destruction
Les plaques continentales qui se sont formées il y a des centaines de millions d’années existent encore pour la plupart aujourd’hui. En revanche, les scientifiques disposent de peu de données sur les continents qui existaient au tout début de l’histoire de la Terre. Des chercheurs australiens de la School of Earth Atmosphere and Environment de l’université Monash se sont intéressés à la question et ont procédé à diverses modélisations pour en savoir plus sur les tout premiers continents terrestres.
Pour les scientifiques, mieux comprendre les débuts de la Terre est fondamental : « C’était l’époque de la formation des premiers continents, de l’émergence de la terre, du développement de l’atmosphère primitive et de l’apparition de la vie primordiale, qui sont tous le résultat de la dynamique intérieur de notre planète », souligne l’auteur principal de l’étude, Fabio Capitanio, spécialiste en sciences de la Terre.
Pour avoir un aperçu de la formation et de l’évolution des premiers continents de l’histoire de notre planète, les chercheurs ont modélisé les interactions de la roche et du magma dans et sous la croûte terrestre. « Nos résultats indiquent que les continents sont restés faibles et sujets à la destruction à leurs débuts, il y a environ 4,5 à 4,0 milliards d’années, puis se sont progressivement différenciés et sont devenus plus rigides au cours des milliards d’années suivants, pour former le noyau de nos continents modernes », explique Capitanio.
Leurs modèles ont en effet révélé que les premiers continents se formaient à partir de parties du manteau supérieur (soit la couche se trouvant juste en dessous de la croûte), puis « fondaient » littéralement en atteignant la surface, pour finalement s’y répandre sous forme de coulées de magma, lors d’immenses éruptions volcaniques. Il se trouve qu’à cette époque — l’Hadéen, le premier éon de l’histoire de la Terre, qui s’étend d’il y a 4,6 à 4,0 milliards d’années — la Terre comportait un vaste réservoir de chaleur interne, trois à quatre fois plus intense qu’il ne l’est aujourd’hui. Cette importante libération de chaleur a en quelque sorte empêché les continents de se solidifier ; ils étaient donc nécessairement voués à disparaître aussitôt créés.
À l’époque de l’Hadéen, la croûte terrestre était de plus en plus chaude et mince, et reposait sur un manteau supérieur plus mou. De vastes fractures se formaient ainsi en surface, entre ces continents nouveau-nés, et le magma s’échappant du manteau les recouvrait entièrement pour les faire sombrer à nouveau dans les entrailles de la Terre. Puis, peu à peu, de nouveaux continents se formaient à partir du magma, au-dessus de leurs prédécesseurs enterrés.
Des nutriments essentiels à la vie
C’est lors de l’éon suivant, l’Archéen, qui a débuté il y a 4 milliards d’années, que la pseudocroûte formée pour la première fois a finalement constitué les prémices des continents que l’on connaît aujourd’hui. Par conséquent, la « perte » des continents hadéens a rendu possible l’apparition de plaques plus stables, plus solides. L’absorption des premiers continents formés, qui se sont de ce fait accumulés dans les parties supérieures du manteau, a permis la formation d’une base ferme et déshydratée, sur laquelle les continents suivants ont pur prendre appui et se développer. Ce scénario explique également le phénomène de la tectonique des plaques, qui met en jeu des plaques continentales structurellement stables reposant sur une base solide.
L’étude montre par ailleurs que certaines parties des premiers continents sont restées exposées à la surface, formant des sortes de « racines » particulièrement épaisses et stables de la croûte terrestre. Ces éléments, appelés cratons, existent toujours aujourd’hui. Ils se trouvent généralement à l’intérieur des zones continentales et correspondent à des plaines et des plateaux ; on en recense près d’une dizaine par continents. Le Bouclier scandinave, le craton de Karélie (Finlande), le craton de Sarmatie (Ukraine) et le craton Volga-Oural (Russie) comptent parmi les cratons remarquables du continent européen.
Autre conclusion importante de l’étude : les chercheurs ont constaté que des morceaux des premiers continents apparus à l’Hadéen se sont détachés, sous l’effet de l’érosion, pour se répandre dans l’atmosphère et dans les océans. Ainsi, ils ont vraisemblablement apporté les nutriments nécessaires à l’apparition de la vie sur Terre.