Historiquement, le degré d’agressivité des chiens de compagnie (Canis familiaris) a toujours été en partie associé à leurs races et à leur génétique. De ce fait, certaines races, comme les rottweillers par exemple, sont souvent tristement mal jugées. Aujourd’hui, de nombreuses recherches éthologiques montrent que le comportement des chiens n’est pas principalement influencé par la génétique, mais surtout par l’interaction avec leur environnement. L’une d’elles a récemment confirmé cette hypothèse en mettant en évidence d’autres facteurs d’agressivité importants, tels que la morphologie, le sexe et le poids de l’animal, le type de foyer dans lequel il s’épanouit, ainsi que le sexe et le comportement de leur propriétaire. Dans ce contexte, les chiens de petite taille et à museau court, et surtout ceux appartenant à des femmes, auraient tendance à être plus agressifs que la moyenne.
Chez les chiens domestiques, les comportements agressifs ont plusieurs fonctions : la défense de quelqu’un ou de quelque chose (protection de ressources) ou l’autoprotection. Ces comportements peuvent ainsi être des réponses liées à la peur ou à l’anxiété. Les scientifiques estiment que chez les chiens, l’agression est choisie uniquement en l’absence d’issues face à un danger, ou en raison de la proximité immédiate de l’élément responsable de leur peur ou de leur anxiété.
Il est donc important de noter que chez le chien, autant que chez l’homme, le comportement agressif est contextuel, et peut ainsi être approprié ou non. Dans un contexte où il se fait par exemple attaquer, l’on peut dire que l’agressivité est appropriée. Dans le cas où le comportement agressif est inapproprié, l’animal serait susceptible de souffrir de troubles anxieux ou d’autres pathologies sous-jacentes. Ce serait ainsi une manière d’extérioriser une douleur ou un besoin, dans le cas des chiens.
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Cependant, certaines races semblent être préférées selon le contexte et l’environnement, en étant considérées comme plus ou moins agressives que d’autres. Or, de nombreuses recherches ont révélé que le profil comportemental d’un chien est influencé par de nombreux autres facteurs tels que les caractéristiques du propriétaire, l’âge, le sexe, le métabolisme hormonal, etc.
L’on peut également parfois remarquer que les chiens de petite taille sont souvent plus excitables et agressifs que les grands chiens. La nouvelle étude, de l’Université de Sao Paulo (au Brésil), serait la première à analyser le comportement canin tout en prenant en compte la morphologie en même temps que d’autres facteurs environnementaux. De plus, les chiens de race sont souvent étudiés en même temps que ceux de race indéfinie (croisés). « Les chercheurs n’ont commencé que récemment à étudier l’influence des facteurs liés à la morphologie, au cycle biologique et à l’origine de l’animal (acheté ou adopté), ainsi qu’aux caractéristiques du propriétaire », explique Paulo Flavio Ayrosa, éthologue au département de psychologie expérimentale de l’Université de São Paulo et auteur principal de l’étude.
L’environnement dans lequel il évolue serait également un facteur prépondérant du degré d’agressivité d’un chien. Les chercheurs de la nouvelle étude estiment que l’agressivité était influencée à la fois par des traits physiques et des facteurs sociaux et environnementaux tels que le type de foyer à qui il appartient, l’histoire de vie de l’animal, ainsi que diverses caractéristiques du propriétaire (comportement, sexe, âge). Le comportement du chien serait en quelque sorte le résultat de son interaction avec son environnement et de la relation chien-maître.
Agressivité : elle diminuerait de 3% par kilogramme de masse corporelle
L’étude des chercheurs brésiliens a été effectuée sur 665 chiens de race et croisés. La collecte des données a été faite à partir d’un questionnaire en ligne, concernant les propriétaires, les caractéristiques de leurs animaux, l’environnement dans lequel ils vivaient et tout comportement agressif (la fréquence d’aboiement, l’agressivité envers les étrangers et les congénères, etc.).
Les analyses des chercheurs ont montré que le sexe du propriétaire était un bon prédicteur de comportement des chiens envers les étrangers. Chez les chiens dont les propriétaires étaient des femmes, le degré d’agressivité envers les étrangers était 73% plus élevé que chez ceux dont les propriétaires étaient des hommes. La probabilité de comportement agressif envers le maître était 40% plus faible chez les femelles. Il a aussi été constaté que chez les chiens brachycéphales (à museau court et au crâne arrondi), les comportements agressifs envers les maîtres étaient 79% plus fréquents que chez les chiens mésocéphales (à museau allongé ou triangulaire). Fait intéressant : les chercheurs ont également constaté que la probabilité de comportement agressif diminue de 3% par kilogramme de masse corporelle.
Ces résultats expliquent probablement la raison pour laquelle un chihuahua ou un carlin a tendance à être plus agressif et irritable qu’un Saint-bernard ou un Boerboel (dont le poids peut facilement dépasser les 70 kg pour un mâle). Pourtant, ces grands chiens sont souvent considérés comme dangereux, et sont choisis pour leur carrure imposante pour intimider les agresseurs potentiels (chien de garde). Le côté agressif que peuvent développer ces grands chiens serait ainsi davantage influencé par leur environnement et leur éducation que par leur race. Étant de plus intimidants par leur carrure, ce sont ainsi les deux causes principales au cliché bien ancré « attention chien dangereux » dès qu’il s’agit d’un molosse ou d’un grand chien connu pour sa vivacité (malinois, berger allemand, etc.). Ces chiens (et leurs propriétaires) souffrent donc énormément de ces préjugés.
« Les résultats mettent en évidence quelque chose que nous étudions depuis un certain temps : le comportement émerge de l’interaction entre l’animal et son contexte », explique Briseida de Resende, également éthologue à l’Université de São Paulo et co-auteure de la nouvelle étude, publiée dans la revue Science Direct.
Par ailleurs, les chiens promenés quotidiennement par leurs maîtres présenteraient moins de comportements agressifs. Toutefois, il est important de noter que les chercheurs n’ont pas trouvé de liens de cause à effet, par rapport à cette dernière donnée. D’après les experts, il se pourrait notamment que les maîtres promènent moins leur chien car l’animal a tendance à être agressif. D’un autre côté, le chien pourrait également être plus agressif, car son maître ne le promène pas assez (l’absence d’interaction avec l’environnement, que ce soit des personnes ou des congénères, devient ainsi problématique et il est alors difficile d’en sortir). Plus de recherches sont nécessaires avant de pouvoir décrypter complètement les comportements de nos chiens.