Les lampes UV utilisées pour sécher le vernis à ongles endommagent l’ADN

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| David Baillot/UC San Diego Jacobs School of Engineering
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Les séchoirs à vernis à ongles, couramment utilisés en instituts de beauté et également commercialisés auprès du grand public, pourraient être plus dangereux qu’il n’y paraît. Une étude menée par des chercheurs de l’UC San Diego révèle que l’usage fréquent de ces dispositifs peut entraîner des dommages cellulaires et des mutations cancérigènes.

Dans la gamme des ultraviolets (UV), les UVA ont la plus grande longueur d’onde (315-400 nm). Ils constituent environ 90% du rayonnement UV qui atteint la surface de la Terre et pénètrent profondément dans le derme. Ils sont responsables du bronzage de la peau lorsque l’on s’expose au soleil. Mais on sait qu’ils génèrent aussi des radicaux libres, qui peuvent accélérer le vieillissement cutané et endommager les cellules de la peau, jusqu’à favoriser l’apparition de cancers. Le Centre international de recherche sur le cancer a classé les UVA à large bande comme cancérogènes du groupe 1 et des études ont déjà mis en évidence le caractère cancérigène des cabines de bronzage, qui utilisent un spectre d’UV compris entre 280 et 400 nm.

En revanche, aucune évaluation expérimentale n’a été menée pour évaluer l’effet du rayonnement UV émis par les séchoirs à vernis à ongles — généralement compris entre 340 et 395 nm — sur les cellules de mammifères. « Si vous regardez la façon dont ces dispositifs sont présentés, ils sont commercialisés comme sûrs, sans qu’il y ait lieu de s’inquiéter. Mais à notre connaissance, personne n’a réellement étudié ces dispositifs et la façon dont ils affectent les cellules humaines aux niveaux moléculaire et cellulaire jusqu’à présent », souligne Ludmil Alexandrov, professeur de bio-ingénierie et de médecine cellulaire et moléculaire à l’UC San Diego et auteur correspondant de l’étude.

20 à 30% des cellules tuées par une exposition de 20 minutes

Les séchoirs à ongles à UV sont utilisés pour durcir et sécher certains vernis, appelés gels, qui sont des oligomères nécessitant une exposition aux rayons UV pour durcir en polymères. Dans la plupart des cas, les ongles et les mains sont irradiés jusqu’à 10 minutes et les utilisatrices régulières changent leurs manucures au gel toutes les deux semaines, précisent les chercheurs. Au vu de la durée et de la fréquence d’utilisation, il était essentiel de déterminer si ces dispositifs à UV présentent ou non un risque.

Cette étude a notamment été motivée par le fait qu’un certain nombre de rapports publiés dans des revues médicales évoquaient des cas de cancers cutanés très rares au niveau des doigts, chez des personnes adeptes des manucures au gel — telles que les esthéticiennes et les candidates de concours de beauté. Il était donc probable que ces cancers aient été causés par l’usage d’appareils à UV.

Dans le cadre de son étude, l’équipe a donc réalisé une irradiation in vitro de trois lignées cellulaires différentes — des kératinocytes de peau humaine adulte, des fibroblastes de prépuce humain et des fibroblastes embryonnaires de souris — pour évaluer les dommages à l’ADN et les effets mutagènes du rayonnement UV émis par un séchoir à ongles. Chaque lignée cellulaire primaire a été irradiée une, deux ou trois fois, la durée de chaque exposition variant entre 0 et 20 minutes.

cytotoxicité cellulaire UV
Une seule irradiation de 20 minutes a suffi à entraîner la mort de 20 à 30% des cellules. © M. Zhivagui et al.

La viabilité cellulaire a été mesurée 48 heures après l’irradiation finale. Les chercheurs ont constaté que les rayons UV de ces appareils induisaient bel et bien une cytotoxicité : une seule irradiation de 20 minutes entraînait la mort de 20 à 30% des cellules, tandis que trois expositions consécutives de 20 minutes provoquaient la mort de 65 à 70% des cellules exposées.

Des mutations identiques à celles observées dans le cas de cancers cutanés

L’évaluation des dommages à l’ADN subis par les cellules survivantes a été effectuée sur les fibroblastes embryonnaires de souris (notés MEF) et les fibroblastes de prépuce humain (notés HFF), après une exposition aiguë (soit deux irradiations de 20 minutes en l’espace de 2 heures) et après une exposition chronique (soit trois irradiations de 20 minutes, sur 3 jours consécutifs).

évaluation dommages ADN cellules
Que l’exposition soit aiguë ou chronique, les cellules présentaient une élévation significative du nombre de foyers γH2Ax par rapport aux échantillons témoins — γH2Ax étant un marqueur connu des dommages et de la réparation de l’ADN. © M. Zhivagui et al.

Dans les deux cas, les chercheurs ont remarqué que l’exposition aux UV entraînait une augmentation des molécules d’espèces réactives de l’oxygène, connues pour provoquer des mutations. En outre, les mutations observées présentaient un schéma identique à celui observé chez des patients atteints de cancers de la peau.

« Tout d’abord, nous avons vu que l’ADN est endommagé. Nous avons également vu qu’une partie de ces dommages ne se répare pas avec le temps, et qu’elle entraîne des mutations après chaque utilisation d’un séchoir à vernis à ongles UV », résume Alexandrov. L’exposition aux UV peut également provoquer un dysfonctionnement mitochondrial, qui peut à son tour entraîner des mutations supplémentaires.

« Cette étude démontre que le rayonnement émis par les séchoirs à vernis à ongles UV peut à la fois endommager l’ADN et graver de façon permanente des mutations sur les génomes des fibroblastes embryonnaires primaires de souris, des fibroblastes du prépuce humain et des kératinocytes épidermiques humains », résume l’équipe. Maria Zhivagui, chercheuse postdoctorale au laboratoire d’Alexandrov et première auteure de l’étude, était elle-même une adepte des manucures au gel. Elle a déclaré avoir renoncé à cette pratique après avoir constaté les résultats de l’expérience.

Les effets nocifs de l’utilisation répétée de ces appareils sur les cellules humaines sont désormais indéniables. Une étude épidémiologique à long terme est toutefois nécessaire pour affirmer de manière concluante que leur utilisation entraîne un risque accru de cancers de la peau, soulignent les chercheurs.

Source : M. Zhivagui et al., Nature Communications

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