L’Europe disposait jusqu’à présent de deux grands réseaux pour l’observation au sol : OPTICON pour les ondes lumineuses et RadioNet pour les ondes radio. Ces deux entités sont maintenant réunies et forment le plus grand réseau collaboratif européen d’astronomie au sol : l’ORP (OPTICON-RadioNet PILOT). Ce dernier facilitera l’accès des scientifiques à un large éventail d’instruments d’observation.
Lancé grâce à un financement de 15 millions d’euros alloué par la Commission européenne, dans le cadre du projet Horizon 2020, ce programme vise surtout à harmoniser les méthodes et outils d’observation utilisés par les astronomes de tous les pays. Des spécialistes de 15 pays européens, d’Australie, d’Afrique du Sud et de 37 institutions ont déjà rejoint le consortium. Il devrait également faciliter la formation des jeunes générations d’astronomes.
L’ORP rassemble une vingtaine de télescopes ou réseaux de télescopes. L’un des objectifs du projet est de développer l’astronomie multimessager, un domaine de recherche actuellement en plein essor ; le multimessager consiste en l’analyse simultanée de nombreuses longueurs d’ondes électromagnétiques, des ondes gravitationnelles, des rayonnements cosmiques et des particules comme les neutrinos.
Harmoniser les méthodes et les outils d’observation
Les réseaux OPTICON (Optical infrared coordination network for astronomy) et RadioNet ont servi avec succès leurs communautés respectives au cours des vingt dernières années. Mais à mesure que notre connaissance de l’Univers progresse, les spécialistes ont davantage besoin de techniques complémentaires pour analyser et comprendre certains phénomènes astronomiques. En bénéficiant conjointement des méthodes et outils propres au domaine optique et au domaine radio, les astronomes seront plus à même d’effectuer le suivi des événements astronomiques variables et transitoires.
Selon l’équipe dirigeante du projet, « il est très excitant d’avoir cette opportunité de développer davantage l’intégration européenne en astronomie et de développer de nouvelles opportunités scientifiques pour la recherche en astronomie en Europe et dans le monde ». Le consortium ORP sera coordonné par le CNRS, qui gère et contribue à plusieurs télescopes optiques et radio, l’Université de Cambridge (Royaume-Uni) et l’Institut Max Planck de radio astronomie (Allemagne). Le réseau implique également l’Institut d’astronomie de la KU Leuven, en Belgique, en charge de développer une nouvelle instrumentation pour le Very Large Telescope Interferometer (VLTI), au Chili.
En plus de trois établissements et trois laboratoires de recherche français, deux télescopes de l’Hexagone participent au consortium : le T193 de l’Observatoire de Haute-Provence, et le télescope Bernard Lyot du Pic du Midi, tous deux du domaine du visible. Cinq infrastructures internationales partenaires sont également de la partie : le télescope Canada-France-Hawaï, l’Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM) — avec son télescope de 30 mètres en Espagne et l’observatoire NOEMA (NOrthern Extended Millimeter Array) situé dans les Alpes françaises — le radiotélescope LOFAR (dont les 50 000 antennes sont réparties dans cinq pays européens), l’observatoire Square Kilometre Array (SKA) et le consortium JIVE (Joint Institute for VLBI ERIC).
Un nouveau mode d’observation dédié aux exoplanètes
Pour rappel, le VLT de l’ESO se compose de quatre télescopes principaux et de quatre télescopes auxiliaires ; il permet de réaliser des observations dans les longueurs d’onde allant du visible à l’infrarouge. Chaque télescope principal est équipé de plusieurs instruments, ce qui en fait un observatoire à la pointe de la recherche astronomique. Le mode interféromètre du VLT, le VLTI, est en réalité l’un des modes de fonctionnement de l’installation — mais l’essentiel des observations s’effectue en utilisant les quatre télescopes principaux indépendamment.
L’interférométrie optique consiste à regrouper les prises de vue de plusieurs télescopes en une seule, ce qui permet en quelque sorte de créer un plus grand télescope. Ainsi, le VLTI est capable de rassembler les faisceaux provenant des différents télescopes principaux ou auxiliaires ; la résultante est ensuite analysée par plusieurs instruments observant dans différents domaines de longueur d’onde.
Avec le nouveau financement ORP, l’Institut d’astronomie de la KU Leuven développera un nouveau mode d’observation VLTI dédié à la recherche d’exoplanètes ; il soutiendra par ailleurs les activités du réseau de centres d’expertise VLTI. « Nous sommes ravis de faire partie du nouveau réseau ORP et de contribuer au développement de la recherche et de la communauté astronomiques en Europe », a déclaré Denis Defrère, professeur associé à l’Institut d’astronomie. Le lancement de l’ORP est un tournant majeur dans la collaboration scientifique et ouvrira sans aucun doute la voie à encore plus de découvertes exceptionnelles.
L’Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales (ONERA) participe lui aussi à ce réseau collaboratif. Il apportera notamment sa maîtrise de l’optique adaptative — une technique qui permet de corriger en temps réel les déformations évolutives et non prédictives d’un front d’onde grâce à un miroir déformable. L’ONERA était déjà à l’origine des systèmes NAOS et SPHERE qui équipent le VLT depuis plusieurs années maintenant ; il est également impliqué dans le développement de l’E-ELT (European Extremely Large Telescope), un futur télescope géant européen, d’un diamètre de 39 mètres, qui devrait être opérationnel en 2025.