Les scientifiques viennent d’annoncer notre meilleur plan pour mettre fin à la résistance aux antibiotiques des superbactéries : une molécule inversant la résistance aux antibiotiques, et ce dans plusieurs souches de bactéries à la fois. Une avancée prometteuse dans la lutte contre les superbactéries.
Des scientifiques ont mis au point une molécule qui inverse la résistance aux antibiotiques, dans plusieurs souches de bactéries à la fois. Alors que de véritables « bactéries cauchemardesques » prospèrent dans les hôpitaux et qu’une femme américaine est récemment décédée à cause d’une souche (de la pneumonie) résistante aux antibiotiques (la bactérie était résistante à tous les antibiotiques disponibles aux États-Unis), cette annonce tombe à pic.
Concernant les superbactéries, même les responsables de la santé publique s’inquiètent. En 2014, un rapport prévoyait déjà que les superbactéries tueraient environ 300 millions de personnes d’ici 2050, et les Nations Unies ont déclaré que ce problème représentait une « menace fondamentale ».
Le problème est que les infections bactériennes que nous avons pu traiter facilement par le passé, comme par exemple la pneumonie, E. coli et la gonorrhée, évoluent rapidement et développent une capacité à survivre à nos antibiotiques. À moins que de nouvelles options ne soient proposées prochainement, nous serons rapidement à cours de moyens de nous protéger contre ces infections. « Nous avons perdu la capacité d’utiliser un grand nombre de nos principaux antibiotiques. Tout leur résiste à présent. Cela nous force à essayer de développer de nouveaux médicaments, afin de garder une longueur d’avance sur les bactéries, mais plus nous essayons et moins nous parvenons à trouver quelque chose d’innovant », explique le chercheur principal Bruce Geller, de l’Université de l’Oregon, aux États-Unis. « Ainsi, cela nous a poussés à effectuer des modifications aux antibiotiques existants, mais dès qu’un changement chimique est fait, les bactéries mutent et elles sont maintenant résistantes aux nouveaux antibiotiques chimiquement modifiés », ajoute-t-il.
L’un des moyens par lesquels les bactéries propagent cette résistance aux antibiotiques est un gène qui produit une enzyme connue sous le nom de New Delhi métallo-bêta-lactamase (NDM-1). L’enzyme NDM-1 inquiète énormément, car elle rend les bactéries résistantes à une classe de pénicillines appelées carbapénèmes, des antibiotiques utilisés en dernier recours, lorsque tous les autre ne font pas effet. Et à cause de NDM-1, ce dernier recours échoue rapidement : « Le plus grand problème concernant NDM-1 est qu’elle détruit les carbapénèmes, donc les médecins ont été contraints d’utiliser un antibiotique (la colistine) qui n’avait pas été utilisé depuis des décennies, car celui-ci est toxique pour les reins. C’est littéralement le dernier antibiotique qui peut être utilisé sur un organisme exprimant l’enzyme NDM-1, et nous avons maintenant des bactéries qui sont complètement résistantes à tous les antibiotiques connus », a déclaré Geller.
Pour tenter de combattre ce phénomène, Geller et ses collègues ont créé une molécule qui attaque NDM-1 et qui inverse la résistance aux antibiotiques dans de nombreuses souches de bactéries. Cela pourrait nous donner la possibilité de réutiliser certains antibiotiques actuellement inefficaces.
La molécule est un type de PPMO, (représentant l’oligomère morpholino-phosphorodiamidate conjugué à un peptide), et qui inhibe la NDM-1. Auparavant, des chercheurs avaient déjà essayé d’utiliser des PPMO d’origine naturelle contre les superbactéries, mais ces derniers ne travaillaient que sur une souche particulière de bactéries. Cette nouvelle molécule est différente : « Nous visons un mécanisme de résistance qui est partagé par tout un tas d’agents pathogènes. C’est le même gène dans les différents types de bactéries. Il suffit donc d’avoir un PPMO efficace pour l’ensemble de ces gènes, à la différence des autres PPMO habituels, qui sont spécifiques à chaque souche », explique Geller.
L’équipe a testé le nouveau PPMO sur trois genres de bactéries disposées dans une boîte de Petri (qui ont toutes exprimé NDM-1 et qui étaient bien résistantes aux carbapénèmes). Ils ont ensuite utilisé la nouvelle molécule parallèlement à un type de carbapénème appelé méropénème, ainsi, la nouvelle molécule a montré avoir rapidement restauré l’efficacité des antibiotiques. Cela suggère qu’à l’avenir, le PPMO pourrait être utilisé avec des antibiotiques existants pour faire en sorte que les bactéries y soient à nouveau vulnérables. « Un PPMO peut restaurer la vulnérabilité (des bactéries) aux antibiotiques qui ont déjà été approuvés, il faut que nous puissions obtenir un PPMO approuvé, puis nous pourrons faire marche arrière et réutiliser ces antibiotiques devenus inutiles », explique Geller.
Démontrer l’efficacité de cette stratégie ne sera pas évident et il sera encore nécessaire d’effectuer de nombreuses recherches. Mais l’équipe déclare que des essais cliniques pourraient être menés dans les trois prochaines années, ce qui est encourageant. Dans tous les cas, il s’agit là d’une première bonne nouvelle concernant la lutte acharnée contre ces superbactéries.
Une affaire à suivre.
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