Une étude conduite en 2018 à l’Université d’Oxford révèle qu’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre est imputable à la production alimentaire. Cependant, une nouvelle recherche souligne qu’une réduction même modeste de la production de viande bovine dans les pays les plus riches pourrait permettre d’éviter l’émission de 125 gigatonnes de CO2 dans l’atmosphère — un chiffre correspondant au total des émissions mondiales dues aux combustibles fossiles des trois dernières années.
Depuis longtemps, les défenseurs de l’environnement plaident pour la diminution de la production de viande bovine, compte tenu de son impact sur l’écosystème. De nombreuses études antérieures corroborent cette position. En 2018, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) avait estimé que les bovins à eux seuls étaient responsables des deux tiers des gaz à effet de serre émis. Ils avaient calculé qu’une consommation moyenne de viande de ruminants limitée à 10 grammes par jour, couplée à une consommation de poisson et d’œufs réduite à 80 grammes par jour, pourrait abaisser de 36 % les émissions agricoles de gaz à effet de serre.
Les résultats de l’étude, dirigée par Matthew N. Hayek, chercheur principal de l’étude et professeur à l’Université de New York, révèlent qu’une réduction minime, soutenue par les nations les plus aisées, peut produire des économies en émissions de CO2 se chiffrant en milliards de tonnes. « Nous pouvons obtenir d’importants bénéfices climatiques avec des changements modestes dans la production mondiale de viande bovine », a souligné Hayek dans un communiqué.
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Un compromis équitable et envisageable
Pour réaliser cette analyse, dont les résultats ont été publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, l’équipe a utilisé la télédétection pour suivre la productivité des pâturages, permettant ainsi d’estimer les bénéfices climatiques d’une réduction de la production de viande bovine dans plusieurs pays. Dans la première phase de leur étude, Hayek et son équipe ont constaté que tous les pâturages ne sont pas égaux.
Ils ont observé que dans les pays à revenu élevé, tels que les États-Unis, la Chine et l’Europe, les pâturages se trouvent souvent dans des zones où l’herbe ne pousse que saisonnièrement. Cependant, ces pâturages ont un fort potentiel de régénération. Selon les chercheurs, en libérant certaines zones, des forêts pourraient y repousser, favorisant ainsi la séquestration du carbone. À l’inverse, en Afrique subsaharienne et en Amérique du Sud, les pâturages croissent toute l’année.
Dans la seconde phase de leur analyse, les chercheurs ont estimé que si les pays riches abandonnaient seulement 13 % de leur production de viande bovine et libéraient leur pâturage à fort potentiel de régénération (pour laisser les forêts repousser naturellement), cela permettrait de séquestrer 125 gigatonnes de CO₂ supplémentaires.
En contrepartie, pour compenser les pertes, l’équipe suggère aux pays dotés de régions fertiles d’améliorer la gestion du bétail, notamment en ce qui concerne l’alimentation et l’élevage à l’herbe. « Il est important de noter que cette approche permettrait au bétail de continuer à paître dans les prairies naturelles et les pâturages secs, des endroits où les cultures ou les forêts ne peuvent pas facilement croître », explique Hayek.
Le potentiel de réduction des émissions de carbone serait également plus élevé si l’on étendait ce champ d’action aux ovins et autres animaux de pâturage. L’équipe avance qu’en abandonnant tous les pâturages dans les zones à fort potentiel de régénération, c’est-à-dire les zones susceptibles d’être reboisées, 445 milliards de tonnes de dioxyde de carbone pourraient être séquestrées d’ici 2100. Ce chiffre représente actuellement une décennie d’émissions fossiles.
« Nos résultats montrent que des améliorations stratégiques de l’efficacité des troupeaux de bovins dans certaines régions, associées à une diminution de la production dans d’autres, pourraient déboucher sur un scénario gagnant-gagnant pour le climat tout en maintenant la production alimentaire », conclut Hayek.