À plusieurs reprises, les astronomes du monde entier ont pu détecter un phénomène mystérieux connu sous le nom de « sursauts radio rapides » (FRB, pour Fast Radio Burst). Ce sont des signaux radio rapides et répétés, et ils font depuis partie des événements cosmiques les moins compris. Aujourd’hui, suite à une récente détection étonnante de huit signaux dans l’espace lointain, les chercheurs n’ont jamais été aussi proches d’une explication concrète et précise du phénomène.
En 2017, un seul de ces mystérieux signaux radio rapides, appelé FRB 121102, était réputé apparaître à plusieurs reprises au même endroit. En janvier 2019, des scientifiques ont signalé un second lieu de détection d’un FRB répétitif, FRB 180814.
Cette nouvelle étude décrit huit nouveaux lieux de FRB répétés, détectés par l’Expérience canadienne de cartographie de l’intensité de l’hydrogène (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment, CHIME). Elle a été acceptée pour publication dans The Astrophysical Journal et est déjà disponible sur le serveur arXiv.
Cela porte donc à 10 le nombre connu de sources de FRB répétitives. Cela signifie que nous commençons à obtenir une base de données statistiques sur ces sources répétitives de FRB, ce qui pourrait aider les astronomes à déterminer la nature réelle de ces signaux.
De par l’incompréhension qui règne autour du phénomène, les sursauts radio rapides sont intrigants. Ils sont détectés comme des pics dans les données radio, ne durant que quelques millisecondes. Mais, durant ce court laps de temps, ils peuvent libérer (à la source) plus d’énergie que 500 millions de soleils.
La plupart des FRB ne sont détectés qu’une seule fois, et leur zone d’apparition ne peut pas être prévue. Il est donc très difficile de remonter à leur source d’origine. Ce n’est cependant pas une tâche impossible, comme cela a été démontré pour la première fois plus tôt cette année.
C’est pourquoi les FRB répétés sont si importants. Et comme ils ne sont pas aussi rares que nous le pensions, il serait peut-être possible de remonter davantage vers leurs galaxies sources et de déterminer de quel type d’environnement ils proviennent. Les chercheurs peuvent également commencer à rechercher des similitudes et des différences entre les sources de FRB récurrentes.
« Il existe clairement une différence entre les sources, certaines étant plus prolifiques que d’autres », a déclaré le physicien Ziggy Pleunis de l’Université McGill. « Nous savions déjà, grâce au FRB 121102, que les rafales pouvaient être très groupées : parfois, la source ne se montrait pas pendant des heures et des heures, puis soudainement, il y avait plusieurs rafales en peu de temps. Nous avons observé la même chose pour FRB 180916.J0158+65, pour lequel nous rapportons dix rafales dans ce document ».
Six des FRB mentionnés dans l’étude ne se sont répétés qu’une fois, et la plus longue pause entre les signaux a été supérieure à 20 heures. La huitième rafale de sursauts (FRB 181119) s’est répétée deux fois après la détection initiale, trois fois au total.
Nous ne savons pas encore ce que cela signifie exactement, mais cela pourrait indiquer, comme le suggère une étude publiée le mois dernier par Vikram Ravi, astrophysicien du Harvard-Smithsonian, que toutes les sources de FRB seraient en réalité répétitives. Certaines seraient simplement beaucoup plus actives que d’autres.
« Comme certains volcans sont plus actifs que d’autres, vous pourriez penser qu’un volcan est en sommeil car il n’est pas entré en éruption depuis longtemps. Ici, la réflexion est similaire », a noté Pleunis.
Mais il y a aussi des similitudes entre les FRBs. Les rafales individuelles des sources répétitives semblent durer un peu plus longtemps que celles des FRB uniques.
Une autre particularité qui diffère est la dérive de fréquence. Les deux premières sources répétitives détectées (FRB 121102 et FRB 180814), ont montré une dérive en fréquence décroissante, chaque rafale diminuant progressivement. Dans ce nouveau cas d’étude, la plupart des huit nouvelles sources répétitives ont également démontré cette dérive de fréquence à la baisse. Cela pourrait être un indice sur ce qui produit les signaux.
« C’est tellement incroyable que la nature produise quelque chose comme cela », a déclaré Pleunis. « Aussi, je pense qu’il y a quelques informations très importantes dans cette structure, que nous devons juste comprendre comment encoder ».
Le radiotélescope CHIME est optimisé pour la surveillance d’une très grande partie du ciel, dans une plage de fréquences plus basse que celle des radiotélescopes comme ASKAP ou le Parkes Observatory en Australie, qui ont également détecté des FRB.
Jusqu’à présent, l’approche de CHIME se révèle remarquablement efficace en matière de détection. En plus de ces sources répétitives, et celles annoncées en janvier, CHIME a également détecté un certain nombre de sursauts radio ponctuels. Il n’est cependant pas optimisé pour retracer les sources de ces détections.
Une collaboration internationale pour faire avancer notre compréhension
Récemment, une autre équipe de chercheurs, incluant Ravi, a annoncé qu’elle avait effectué une avancée en localisant les huit nouvelles sources au sein de galaxies connues. Pour ce faire, il a suffit aux astronomes d’analyser minutieusement la direction des signaux.
Les résultats permettent même de dire à peu près à quelle distance les rafales de sursauts peuvent avoir été générées, en fonction de la dispersion du signal. En effet, plus cette dernière est élevée, plus la distance est grande.
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L’un des signaux, FRB 180916, présente la dispersion la plus faible jamais mesurée, indiquant qu’il pourrait être proche. « Cette faible mesure de dispersion était très excitante, car il y a de fortes chances pour que ce soit à proximité. Et cela signifie que le signal sera plus facile à étudier, une fois que nous saurons exactement où il se situe dans le ciel » explique l’astronome Keith Bannister, de l’agence scientifique australienne CSIRO, qui n’était pas impliqué dans l’étude.
La polarisation des signaux est également importante pour les comprendre. Si le signal est très polarisé, cela signifie qu’il provient d’un environnement magnétique extrême, tel qu’on peut le trouver autour d’un trou noir ou d’une étoile à neutrons. Et c’est ce à quoi ressemblait le signal de FRB 121102.
La polarité de l’un des nouveaux signaux détectés, FRB 180916, a pu être mesurée par l’équipe de recherche. La polarité étant très basse, cela indique que les FRB répétés ne proviennent pas tous du même environnement extrême. Un fait intriguant.
Nous ne savons pas encore ce que cela signifie. Nous ne savons pas s’il existe différentes classes d’objets ou d’événements produisant ces signaux. Nous ne savons pas non plus si les sources sont bel et bien toutes répétitives ni pourquoi elles le seraient. Mais ces résultats nous rapprochent enfin d’une tentative conséquente visant enfin à obtenir des réponses claires.
« Je pense (et j’espère) que le document incitera d’autres astronomes à pointer leurs télescopes vers ces sources récemment découvertes », a déclaré Pleunis. « Maintenant, les développeurs de modèles mathématiques disposent de nombreuses informations supplémentaires. Je pense que cela les aidera à comprendre ce qui produit ces FRB répétitifs ». Pour finir, ces résultats devraient permettre aux autres équipes travaillant sur les FRB d’affiner leurs stratégies de recherche.