Durant ces dernières années, les cellules que l’on appelle CAR T, ont prouvé leur capacité à combattre le cancer. Trois traitements utilisant des cellules T modifiées contre les lymphomes ou les leucémies ont été approuvés par la US Food and Drug Administration (FDA). À présent, des centaines d’essais les lâchent sur d’autres formes de tumeurs malignes, y compris des tumeurs solides.
Ces cellules pourraient bientôt avoir de la compagnie : les chercheurs les ont équipées avec d’autres cellules du système immunitaires — des cellules tueuses naturelles (ou lymphocytes NK) et des macrophages (du même type de récepteur anticancéreux), et ces cellules tueuses naturelles font donc à présent leurs débuts dans les essais cliniques.
En effet, les cellules CAR T (Chimeric Antigen Receptor en anglais et en français, au complet : « cellules T porteuses d’un récepteur chimérique ») sont des lymphocytes T modifiés génétiquement pour reconnaître des cellules cancéreuses et les éradiquer. Le but est donc d’utiliser des cellules immunologiques d’un patient et de les modifier pour qu’elles expriment un récepteur chimérique spécifique qui cible les cellules cancéreuses.
C’est de ces cellules que les chercheurs se sont inspirés pour leurs nouvelles recherches. Les cellules tueuses naturelles CAR (CAR NK), pourraient être plus sûres, plus rapides à produire, moins chères, et pourraient fonctionner dans des situations où les cellules T faibliraient. Les cellules CAR porteuses de macrophages présentent également des avantages potentiels.
Bien que ces cellules tueuses naturelles ne vont très certainement pas remplacer les cellules CAR T, il s’agit de véritables combattants alternatifs contre le cancer : « Ces cellules pourraient être un complément à l’arsenal des thérapies cellulaires », explique l’hématologue et oncologue Katy Rezvani du MD Anderson Cancer Center, de l’Université du Texas (USA). Rezvani dirige le premier essai des cellules CAR NK (aux États-Unis) et qui a débuté en 2017. Elle et son équipe prévoient également un autre essai qui doit débuter avant la fin de l’année.
Fabriquer des cellules CAR T consiste à éliminer les propres lymphocytes T des patients et à les modifier génétiquement pour attaquer les cellules cancéreuses portant une molécule spécifique stimulant le système immunitaire, ou antigène. Tous les traitements CAR T approuvés jusqu’à présent ciblent la protéine CD19 sur les cellules B cancéreuses, un type de cellules immunitaires.
Jusqu’à présent, ces cellules ont présenté des résultats impressionnants et exemplaires au cours des essais cliniques : dans une étude, elles ont déclenché des rémissions chez 83% des enfants souffrant de leucémie aiguë lymphoblastique non traitable.
Malheureusement, la plus grande lacune des cellules CAR T, est qu’elles ne sont pas très efficaces contre les tumeurs solides, explique l’hématologue et oncologue Saar Gill, de l’Université de Pennsylvanie. En effet, les tumeurs empêchent les cellules T de faire correctement leur travail, inhibent les cellules immunitaires et peuvent freiner la production d’antigènes ciblés par les cellules CAR T.
À l’heure actuelle, les chercheurs tentent plusieurs approches pour améliorer les performances des cellules CAR T contre les tumeurs solides. Mais les cellules NK restent une alternative tentante, selon certains scientifiques. « Les cellules tueuses naturelles sont notre première ligne de défense contre les cellules cancéreuses », a déclaré Rezvani. Ces cellules analysent d’autres cellules dans le corps et détruisent celles qui sont infectées ou anormales, y compris les cellules tumorales. Les chercheurs tentent d’exploiter l’activité de lutte contre le cancer de ces cellules NK depuis plus de 20 ans, note l’immunologiste Jeffrey Miller de l’Université du Minnesota à Minneapolis (USA).
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Un peu plus tôt cette année, le biologiste spécialisé en cellules souches Dan Kaufman, de l’Université de Californie (San Diego, USA) et ses collègues, ont rapporté que, chez la souris, les cellules CAR NK sont tout aussi efficaces contre les tumeurs des ovaires que les cellules CAR T. Des essais sur des souris ont également suggéré que les cellules tueuses naturelles pourraient ne pas causer certains des effets secondaires des cellules CAR T, tels que la libération excessive de cytokines et des dommages neurologiques.
Les cellules tueuses naturelles pourraient également être moins vulnérables à certaines contre-attaques des tumeurs. De plus, les cellules tueuses naturelles peuvent être en mesure de détecter une tumeur même si celle-ci modifie ses antigènes. « Il est peut-être envisageable d’administrer aux patients plusieurs doses de cellules CAR NK pour neutraliser les tumeurs, alors que le coût des cellules CAR T limite les patients à une seule dose », souligne Kaufman.
Les premiers essais sur les cellules tueuses naturelles ont débuté en Chine en 2016 sur des patients atteints de plusieurs types de cancers : les premiers résultats suggèrent que ces cellules sont sans danger. Une étude européenne, qui teste les cellules tueuses naturelles chez des patients atteints du glioblastome (un cancer du cerveau), a débuté cette année.
Dans le cadre d’un prochain essai prévu, les patients atteints d’un lymphome à cellules B (un type de cancer du sang), recevront une greffe de cellules souches et une chimiothérapie avant les cellules tueuses naturelles CAR NK qui, espèrent les chercheurs, vont éponger toutes les cellules cancéreuses restantes. « Je pense que l’avenir des cellules tueuses naturelles est prometteur », a déclaré l’hématologue Mitchell Cairo du New York Medical College à Hawthorne.
Il faut savoir que les cellules T provenant d’une personne autre que le patient en soi, peuvent déclencher une complication immunitaire potentiellement mortelle appelée maladie du greffon contre l’hôte, dans laquelle les cellules greffées attaquent les propres tissus du receveur. Heureusement, les cellules tueuses naturelles d’un donneur ne semblent pas provoquer cette réponse, ce qui ouvre toute une gamme d’options.
À l’heure actuelle, des essais chinois et européens ont généré suffisamment de cellules NK en se tournant vers une lignée cellulaire dérivée d’une personne atteinte d’un type de lymphome. Selon Torsten Tonn, immunologue de l’Université technique de Dresde (Allemagne) et l’un des chercheurs participant à l’essai clinique sur le glioblastome, ces cellules sont un élément essentiel des essais cliniques.
Kaufman et ses collègues explorent également une autre source possible de cellules tueuses naturelles : les cellules souches pluripotentes induites (CSPi), qui sont générées en laboratoire à partir de cellules somatiques. Elles ont le potentiel de se différencier en n’importe quelle cellule du corps humain, et ont donc des applications très variées. Toutes ces approches pourraient déboucher sur des cellules CAR NK prêtes à l’emploi, qui éviteront d’avoir à extraire ou à modifier les propres cellules d’un patient atteint de cancer.
Selon Miller, le système immunitaire du patient finira tout de même par rejeter toutes les cellules tueuses naturelles étrangères. Mais avant que cela ne se produise, Rezvani et d’autres chercheurs pensent que les cellules NK du donneur disposeront d’un laps de temps suffisamment élevé durant lequel ces dernières pourront lutter contre les cellules cancéreuses.