Qu’est-ce qui nous sépare des animaux ? Quelles sont les différences entre les êtres humains et les « bêtes » de la nature ? Pour répondre à cette question, de nombreuses personnes citent les caractéristiques exceptionnelles de l’intelligence humaine, incluant notamment nos capacités de compréhension des situations, des motivations et des intentions des autres individus.
Connue sous le nom de « théorie de l’esprit », cette « capacité » serait celle qui nous permet de comprendre et d’anticiper les pensées des autres, même si elles sont différentes ou opposées aux nôtres. En sciences cognitives et par définition, la théorie de l’esprit désigne la capacité permettant à un individu d’attribuer des états mentaux (intention, désir, croyance) à soi-même ou à d’autres individus. À savoir que cette capacité est centrale dans la cognition sociale humaine et joue un rôle essentiel dans les interactions sociales (qu’il s’agisse de la communication, de la collaboration, de l’enseignement ou de la compétition).
Beaucoup ont avancé l’idée que les humains étaient les seuls à posséder cette capacité complexe : cependant, une nouvelle étude sur nos cousins les plus proches ébranle cette hypothèse. En effet, une équipe internationale de chercheurs de l’Université de Kyoto au Japon, de l’institut Max Planck d’anthropologie évolutive en Allemagne et de l’Université de St Andrews en Écosse, a démontré que d’autres hominidés (des chimpanzés, des bonobos et des orang-outans) semblent posséder cette capacité de théorie de l’esprit.
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Bien qu’il ne s’agisse pas de la première étude à mettre cela en lumière, cette dernière recherche s’appuie sur les travaux précédents de l’équipe pour fournir certains des arguments les plus convaincants à ce jour. En effet, l’équipe de recherche a abouti à cette conclusion grâce à une série d’expériences effectuées sur 47 grands singes captifs, soit sur : 29 chimpanzés, 14 bonobos et 4 orangs-outans, dans des sanctuaires au Japon et en Allemagne.
Lors du tout premier test, le singe a observé un film montrant un acteur humain à qui on faisait croire qu’il y avait un objet caché dans une boîte : en effet, dans la vidéo, une fois que l’homme a vu l’objet en train d’être mis dans la boîte, l’objet a été déplacé à son insu (l’homme ne sait donc pas que l’objet n’est plus dans la boîte). Mais le singe, lui, sait que l’objet ne s’y trouve plus. Les scientifiques ont utilisé la technologie de suivi du regard pour enregistrer le regard des singes, et il est apparu que le singe anticipait la fausse croyance de l’homme selon laquelle l’objet était toujours dans la boîte (même s’ils étaient conscients que ce n’était pas le cas).
Dans le but de déterminer plus en détail si cela constitue une véritable théorie de l’esprit, les chercheurs ont mis en place un autre scénario, un peu plus déroutant. Les singes ont été répartis au hasard en deux groupes et ont été familiarisés avec l’un des deux types d’écrans : une barrière constituée d’un matériau opaque et une barrière « artificielle » (soit une barrière qui semble opaque de loin mais devient transparente de près).
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Les singes ont ensuite regardé un nouveau film avec le même principe que le premier, mais avec les deux nouveaux écrans en jeu. Comme prévu, les singes habitués à la barrière opaque prévoyaient que l’homme rechercherait l’objet sous la boîte où il a été vu pour la dernière fois. Cependant, les autres singes ont été en mesure de prévoir que l’humain n’irait dans aucun des deux sites, l’objet ayant été entièrement retiré, et les deux parties en étaient conscientes.
Cette capacité aigüe de prédire les actions de quelqu’un d’autre, même en tenant compte de leurs perspectives, connaissances et intentions différentes, montre un niveau remarquable d’intelligence et, selon l’équipe, prouve que les singes possèdent bel et bien la théorie de l’esprit. « Nous sommes ravis de constater que les grands singes ont passé ce test difficile », a déclaré l’auteur de l’étude Fumihiro Kano, du sanctuaire Kumamoto et de l’Institut de recherche sur les primates de l’Université de Kyoto.
Les résultats de l’équipe de recherche suggèrent donc que nous partageons cette capacité avec nos cousins. À présent, les scientifiques souhaitent continuer leurs expériences et perfectionner leurs méthodes dans le but de tester d’autres alternatives non mentalistes quant à la théorie de l’esprit sur des animaux.