Une récente étude révèle que, dans le cas de petites marchandises, la livraison par drones pourrait s’avérer bien plus économe en énergie que les modes de transport conventionnels. Ces engins émettent environ 70 g d’équivalent CO2 par colis, leur adoption généralisée pour remplacer les véhicules terrestres sur le premier et le dernier kilomètre pourrait donc contribuer à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, selon les chercheurs.
On observe une demande croissante de livraisons rapides et sans contact de la part des consommateurs. Les entreprises ont par conséquent commencé à tester des systèmes de livraison de colis automatisés, capables d’éviter le trafic urbain et de se rendre au plus vite chez le client. Le service de livraison par drones peine cependant à décoller… Aux États-Unis, le service Prime Air d’Amazon ne dessert pour le moment que deux villes (Lockeford, en Californie et College Station, au Texas). En France, seule La Poste a opté pour ce mode de livraison en 2019, pour atteindre des zones montagneuses difficiles d’accès dans la périphérie de Grenoble.
L’usage de véhicules aériens sans pilote présente pourtant un avantage environnemental certain. Le transport routier est l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES) dans le monde : aux États-Unis, les poids lourds représentent 24% de la consommation d’énergie des transports et sont responsables de 37% des GES liées aux transports ; les véhicules légers représentent quant à eux 57% des émissions de GES et 64% de la consommation d’énergie. C’est sans compter le rejet d’autres polluants atmosphériques, tels que les oxydes d’azote.
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Une étude qui quantifie l’intérêt énergétique des drones
Une enquête menée en 2020 a révélé que plus de 60% des clients seraient prêts à payer un supplément pour que leurs colis soient livrés par des robots de livraison autonomes — un résultat essentiellement dû au contexte pandémique, lors duquel il était essentiel de limiter tout contact. Outre les défis technologiques et politiques à relever, l’augmentation des coûts d’expédition reste un obstacle majeur au déploiement généralisé des drones de livraison.
En attendant, d’autres initiatives sont mises en œuvre dans le secteur pour réduire les émissions, à commencer par l’électrisation des véhicules de livraison, tandis que certains modes de transport alternatifs, tels que des vélos cargo électriques, apparaissent aujourd’hui bien plus rentables sur les courtes distances. « Les robots de livraison autonomes arrivent dans le secteur des transports, mais la façon dont ces véhicules et systèmes pourraient être conçus pour maximiser la productivité énergétique est moins claire », souligne Thiago Rodrigues, chercheur en transports à l’Université Carnegie Mellon de Pittsburgh, et ses collaborateurs.
Pour éclairer la question, l’équipe a donc estimé précisément l’impact environnemental de diverses méthodes de livraison. Ils ont réalisé plusieurs vols d’essai de drones quadricoptères, portant un colis de 500 grammes au maximum, à des vitesses allant de 4 à 12 m/s, dans des conditions de vent variant de 4 à 29 km/h. Ils ont ensuite calculé la quantité d’énergie nécessaire à chaque vol, ainsi que les quantités de gaz à effet de serre émises pour générer l’électricité nécessaire pour charger la batterie du drone.
Le drone utilisé dans l’étude est un DJI Matrice 100 (M100) ; 188 vols ont été réalisés pour cette étude. Bien que le M100 soit de taille et de capacité de transport plus modestes que les drones de livraison traditionnels, les résultats de l’étude fournissent des données importantes sur le bilan énergétique de ce type de transport, y compris l’impact de la vitesse de croisière et de la masse de la charge utile sur l’autonomie du drone.
Une empreinte carbone qui diffère selon les régions
« Notre analyse montre que les variations de la vitesse de croisière ont un impact important sur la consommation totale d’énergie par trajet et, par conséquent, sur l’autonomie du drone », notent les chercheurs. Une vitesse plus rapide permet généralement des distances de livraison plus longues pour la même quantité d’énergie.
L’équipe a ensuite comparé la consommation d’énergie des drones à celle d’autres modes de livraison sur des trajets équivalents. Le véhicule étant petit et léger, sa consommation d’énergie totale par distance est la plus faible. Les données montrent toutefois qu’en matière de consommation d’énergie par colis, le vélo cargo électrique est plus économe.
Les résultats montrent par ailleurs que les émissions de GES de chaque livraison dépendent fortement de l’intensité des émissions du réseau électrique régional. Par exemple, une livraison de colis par drone dans le Midwest central — une région à forte intensité de carbone — émettrait jusqu’à 93% de CO2e en plus par kilomètre parcouru (23,5 g CO2e/km) par rapport aux régions disposant d’un réseau électrique plus propre, comme New York, où les émissions du drone seraient de 12,1 g CO2e/km.
Mais quelle que soit la région, les drones ont un impact environnemental beaucoup plus faible que les camions lorsqu’il s’agit de livrer de petits colis : leurs émissions de GES représentent environ 2% de celles d’un camion de poids moyen (qu’il fonctionne au carburant ou à l’électricité).
L’utilisation de drones pour livrer des colis légers pourrait donc réduire largement les coûts énergétiques et les émissions du secteur. L’équipe souligne toutefois que les réglementations locales sur l’espace aérien, qui pourraient imposer des trajets de livraison plus longs, n’ont pas été prises en compte dans cette étude et pourraient potentiellement augmenter la consommation d’énergie du drone et les émissions de GES par colis livré. En outre, la plupart des drones ne peuvent transporter qu’un colis à la fois, ils pourraient donc s’avérer moins économes en énergie pour livrer de nombreux colis qu’un seul camion.