Naviguer sur le Web, passer un appel vidéo, envoyer des SMS ou des e-mails, des gestes anodins pour la plupart d’entre nous, qui sont pourtant difficiles dans certaines régions isolées du monde, où il est parfois impossible de se connecter à Internet. Pour pallier le problème, la société Loon propose des ballons de haute atmosphère, à énergie solaire, capables de fournir un réseau 4G offrant une vitesse de téléchargement de près de 19 mégabits par seconde. Ces ballons sont désormais en service au Kenya.
Le projet Loon, de la société X (filiale d’Alphabet), a pour objectif de développer l’accès à l’Internet haut débit dans les régions les plus reculées du monde. Pour ce faire, l’entreprise utilise des flottes de ballons stratosphériques, à une altitude comprise entre 18 et 25 km, qui créent un réseau sans fil aérien capable de fournir l’Internet haut débit au pays qu’ils survolent.
La première offre commerciale basée sur des ballons
Le projet était déjà dans les starting-blocks depuis deux ans, mais le gouvernement kenyan n’avait pas encore donné son feu vert. C’est désormais chose faite depuis la fin mars et les premiers ballons Loon du réseau ont été lancés depuis les États-Unis pour rejoindre le Kenya en suivant les courants aériens. Le lancement s’effectue depuis l’un des deux sites dédiés, au Nevada ou à Porto Rico, via des machines automatisées capables d’envoyer les ballons à une vingtaine de kilomètres de haut, toutes les trente minutes. Arrivés à destination, ils sont en mouvement constant au-dessus de l’Afrique de l’Est. Avant la mise en place de l’offre commerciale, Loon a expérimenté son système auprès de 35’000 utilisateurs. Les tests de qualité de service se sont avérés concluants.
En 2018, Loon s’est associée à Telkom Kenya pour fournir un service commercial aux usagers. Ce projet marque d’ailleurs le premier accord commercial de Loon en Afrique. Il devenait urgent d’améliorer les réseaux de communication sur le territoire, encore plus dans le contexte sanitaire actuel, qui a obligé la population à rester confinée. Alastair Westgarth, PDG de Loon, a assuré que les deux sociétés travaillaient aussi vite que possible pour déployer les services.
Chaque ballon peut couvrir une zone d’environ 80 km de diamètre et desservir environ 1000 usagers via une connexion LTE (l’une des normes de la 4G). Une fois la totalité du réseau déployé, soit 35 ballons, le réseau 4G généré couvrira une zone de 50’000 km². Ses capacités en matière de débit ? 18,9 Mb/s en téléchargement (download), 4,7 Mb/s en téléversement (upload), soit des débits tout à fait honorables et suffisants pour les tâches courantes (navigation Web, messagerie et réseaux sociaux par exemple). Alimentés par des cellules photovoltaïques, les ballons sont complètement autonomes ; cette énergie sert à la fois au fonctionnement des émetteurs et au déplacement des ballons.
Comment sont-ils pilotés ? Pour commencer, l’équipe collecte les données météorologiques du monde entier afin d’estimer le temps nécessaire aux ballons pour atteindre leur objectif. Pendant le vol, le système de navigation analyse les vents autour de chaque ballon, chaque minute, pour calculer la trajectoire la plus efficace tout en s’assurant qu’il se rapproche bien de sa destination. Le système est conçu pour optimiser les temps de déplacements, mais les vents d’altitude étant de nature changeante, deux voyages ne seront bien sûr jamais strictement identiques.
Une fois en place, les ballons sont guidés par des algorithmes de navigation, qui coordonnent tous les mouvements de l’ensemble de la flotte ; l’intelligence artificielle à la base du système vise à maximiser le nombre de personnes qui peuvent être connectées dans la journée.
Un réseau facile à déployer en cas d’urgence
Lancé en 2013, le projet Loon a déjà disséminé ses ballons au-dessus de plusieurs pays pour combler les zones blanches (des zones non couvertes par le réseau). Les premiers essais ont eu lieu au Brésil, puis en Nouvelle-Zélande. Mais la force de Loon réside également dans sa réactivité face à certains états d’urgence. « Les tours de téléphonie cellulaire ne sont pas faciles à déplacer ; les ballons de Loon le sont. C’est pourquoi nous sommes en mesure de réagir rapidement aux catastrophes naturelles », souligne Alastair Westgarth.
Ces ballons ont notamment été d’un grand secours à Porto Rico, en 2017, alors que l’île avait été dévastée par l’ouragan Maria. Alphabet avait alors reçu l’autorisation de la Federal Communications Commission (FCC) pour déployer une trentaine de ballons au-dessus de l’île pendant six mois ; les Portoricains pouvaient ainsi disposer d’un réseau 4G fonctionnel le temps de restaurer le réseau terrestre. Ce fut la première fois qu’une telle connexion, fournie via des ballons, était distribuée à plusieurs dizaines de milliers de personnes.
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La même année, Loon a également apporté une connexion haut débit au Pérou, dont certaines zones avaient subi d’importantes inondations, puis à nouveau en 2019, lorsqu’un tremblement de terre de magnitude 8 a frappé le nord-est du pays ; les services d’urgence étaient accessibles seulement 48 heures après le séisme.
À ce jour, les ballons de Loon sont autorisés à survoler plus de 50 pays et régions dans le monde entier. Via des partenariats avec les opérateurs de téléphonie mobile locaux, l’entreprise comble peu à peu les zones blanches. Selon elle, près de 3,8 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à Internet et beaucoup d’autres disposent d’un accès très limité. Elle prévoit par ailleurs de se positionner dans les Caraïbes, où sévissent régulièrement d’importants ouragans.