L’éclairage public, notamment dans les villes privées naturellement de lumière, peut entraîner de lourds coûts pour couvrir les dépenses de production et d’alimentation en énergie. En lieu et place d’utiliser l’électricité produite sur Terre pour alimenter les lampadaires et autres éclairages, un entrepreneur chinois se propose de placer en orbite une lune artificielle, qui refléterait la lumière solaire sur une ville de l’ouest de la Chine. Un projet ambitieux sur le papier, mais peu réaliste.
Dans certaines zones du monde, notamment en hiver, de nombreuses villes sont plongées dans l’obscurité pendant plusieurs mois, privées de la lumière solaire et lunaire naturelles. Ces villes ont donc souvent recours à d’importants moyens d’éclairage public, entraînant des coûts élevés pour les habitants et nécessitant une production d’électricité constante. Pour réduire ces coûts, certains entrepreneurs proposent, purement et simplement, de détourner, depuis l’espace, la lumière solaire vers la Terre.
En effet, les rues de Chengdu, dans l’ouest de la Chine, pourraient bientôt être éclairées par un satellite artificiel lunaire plutôt que par les réverbères plus conventionnels, si le plan ambitieux d’une société aérospatiale privée obtient l’autorisation technique et est mené jusqu’à son terme. Selon Wu Chunfeng, président du Cheng de l’Aerospace Science and Technology Microelectronics System Research Institute Co, l’objectif est de réduire considérablement les dépenses d’électricité.
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Refléter la lumière solaire : une lune artificielle pour éclairer les villes
Plutôt que d’utiliser l’énergie produite sur Terre, le satellite refléterait les rayons du soleil de l’autre côté de la planète jusqu’à Chengdu. Les détails techniques du projet sont encore très flous, mais il semble que des extensions semblables à des panneaux solaires avec un revêtement réfléchissant spécial seraient utilisées pour rediriger les rayons du soleil depuis l’espace. Selon Chunfeng, l’éclairage au sol serait environ huit fois supérieur à l’éclairage naturel lunaire.
Lors d’une conférence, Wu a déclaré que le satellite permettra de contrôler soigneusement la lumière et de la focaliser dans une zone de 10 à 80 kilomètres de diamètre. La lumière ne sera pas assez forte pour gêner les activités nocturnes de la faune, ou du moins pas plus que ne le font déjà les lampadaires conventionnels. Et cette lune artificielle serait également une attraction touristique pour la région, selon les auteurs du projet.
Et l’idée n’est, d’une certaine façon, pas sans précédent : dans la ville norvégienne de Rjukan, qui est si profondément encastrée dans la vallée qu’elle ne reçoit pas ou très peu de lumière solaire en hiver, trois miroirs commandés par ordinateur se trouvent au sommet d’une montagne proche pour refléter les rayons du Soleil sur la ville.
D’après les entrepreneurs, la technologie nécessaire a déjà été testée et le satellite lui-même pourrait être prêt à être mis en orbite dès 2020. Selon une enquête menée par le journal chinois People’s Daily, l’inspiration pour ce projet proviendrait d’un artiste français anonyme, qui avait eu l’idée de suspendre un collier de miroirs au-dessus de la Terre afin de refléter la lumière solaire sur Paris durant la nuit.
Un projet ambitieux à la concrétisation peu probable
Toutefois, l’ambitieux projet de Chunfeng est d’une toute autre envergure. Si placer un satellite en orbite est un processus aujourd’hui bien maîtrisé, cela nécessite toutefois une certaine expertise technique et des moyens financiers importants. Au regard des coûts afférents tant à la fabrication qu’au lancement, il est peu probable que ce projet se concrétise, à moins de s’avérer extrêmement avantageux économiquement en termes de réduction des dépenses d’électricité et de rentabilité globale (notamment touristique).
En outre, en dehors des coûts à proprement parler, placer un réflecteur solaire orientable en orbite présente une importante difficulté technique. De précédentes tentatives ont montré que la réalisation d’un tel dispositif comportait de nombreux obstacles. Dans les années 1990, le projet russe Znamia est initié, et vise à étudier la possibilité de rediriger le rayonnement solaire vers le sol terrestre, notamment vers des villes de l’Arctique russe plongées dans l’obscurité, grâce à des réflecteurs placés en orbite.
En 1993, Znamia-2, un réflecteur fixe de 5 mètres de diamètre en aluminium est placé avec succès en orbite et parvient à éclairer une zone du sol dans un rayon large de 4 km. En 1999, les ingénieurs réitèrent leurs essais avec Znamia-2.5, un réflecteur de 25 mètres de diamètre orientable à la demande (contrairement à son prédécesseur). Néanmoins, au moment du déploiement, une avarie technique conduit au déchirement du revêtement en aluminium et, après cet échec, le projet est définitivement annulé.
Enfin, si cette Lune artificielle parvient à obtenir les fonds suffisants, à surpasser les difficultés techniques de développement et à obtenir l’accord des autorités, la mise en orbite devra encore attendre. En effet, de nombreux satellites attendent déjà leur lancement et, souvent, l’ordre est établi selon une liste de priorités technologiques et d’apports commerciaux. Il y a fort à parier que le réflecteur solaire ne soit donc pas classé parmi les premiers candidats.