Le lupus est une maladie auto-immune dont aucun traitement spécifique n’est encore disponible. Les médicaments actuels se concentrent surtout sur l’atténuation des symptômes et la limitation des dommages provoqués par la maladie. De nombreuses études cherchent à améliorer les résultats thérapeutiques en développant des molécules à effet immunosuppresseur complexes. Cependant, ces dernières sont encore limitées en matière d’efficacité et surtout d’innocuité, d’autant plus que le lupus est une maladie très hétérogène. Le ciblage de la voie de signalisation des protéines TLR7 et 8 (favorisant l’apparition du lupus érythémateux systémique) est une des pistes les plus prometteuses. La société pharmaceutique américaine Bristol-Myers Squibb (BMS) a récemment développé une nouvelle molécule intervenant dans cette voie, prévenant à la fois les symptômes de la maladie et inversant les lésions organiques qu’elle provoque. Administrable par voie orale, le nouveau composé est désormais en phase 2 des essais cliniques.
Comme toute maladie auto-immune, le lupus se manifeste lorsque le système immunitaire d’un individu commence à attaquer les tissus sains. Les mécanismes de défense naturels se détériorent en rompant la « reconnaissance du soi ». Dans le lupus, le système immunitaire s’attaque aux tissus sains de l’ensemble du corps : les patients souffrent alors d’éruptions cutanées, de fatigue extrême, de douleurs intenses, d’inflammations diffuses et d’une détérioration des organes tels que les reins et le cœur, pouvant entraîner la mort sur le long terme et dans les cas les plus graves.
Il y a quelques années, des chercheurs ont découvert que la non-reconnaissance du soi déclenchée par le lupus implique les récepteurs dits Toll-Like 7 et 8 (TLR 7 et 8). Ce sont des cytokines exprimées notamment à la surface des cellules B et activant le système immunitaire lorsqu’elles se lient à des ARN viraux. Dans le cas du lupus, elles considèrent l’ARN des patients en tant que menace. Le gène codant TLR7 étant porté par le chromosome X, cela expliquerait la plus forte prédisposition des femmes à la maladie, où TLR7 est exprimé doublement.
Les traitements actuels reposent sur le blocage du récepteur d’interféron (protéine activée lors d’une infection virale) ou la réduction de l’activité des lymphocytes B, induits par l’inhibition des voies TLR7 et 8. D’autres thérapies préconisent des stéroïdes et d’autres immunosuppresseurs, des antipaludiques, des anticoagulants et des anti-inflammatoires. Cependant, la plupart de ces médicaments doivent être administrés par injection ou perfusion, et peuvent engendrer d’importants effets secondaires. La prise de stéroïdes peut par exemple provoquer une prise de poids, une perte de densité osseuse, un risque d’infection accru, etc.
« Les données génétiques et les évaluations des traitements injectables ont suggéré que les TLR7 et 8 pourraient être des cibles médicamenteuses pour le lupus », déclare dans un communiqué Alaric Dyckman, auteur de la nouvelle recherche, qui sera présentée à la prochaine conférence de l’American Chemical Society (ACS). « Ce qui manquait, c’était la capacité de bloquer directement ces récepteurs avec de petites molécules pouvant être prises par voie orale », explique-t-il.
Deux actions combinées
Pour concevoir leur nouveau composé, les chercheurs de BMS ont modifié une molécule bloquant la signalisation de TLR7 et 8, afin de réduire les interactions avec d’autres molécules, augmenter l’efficacité et permettre une administration orale. La nouvelle molécule, baptisée Afimetoran, s’est efficacement liée aux TLR et a bloqué les interférons dans le cadre de l’essai de phase 1. De plus, elle inhibe la suractivation des cellules B et limite les lésions typiques de la maladie en atténuant la production de cytokines pro-inflammatoires.
« Avec l’Afimetoran, non seulement nous pouvons prévenir le développement des symptômes de type lupus chez les souris avant l’apparition de la maladie, mais nous pouvions aussi inverser les symptômes et prévenir la mort chez les animaux qui étaient à des jours ou des semaines de succomber à la maladie », déclare Dyckman.
Les effets du nouveau médicament combinent donc ceux constatés avec deux autres composés déjà approuvés par la FDA. Les chercheurs estiment que cette action « 2 en 1 » permettra un meilleur contrôle de l’évolution de la maladie, et ce par voie orale. De plus, l’afimetoran peut être administré avec d’autres médicaments comme les corticostéroïdes. Ces derniers pourront donc être pris à des doses plus faibles, limitant ainsi les effets secondaires.
Bien que les essais préliminaires semblent prometteurs, les chercheurs estiment qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’efficacité chez l’homme de la nouvelle molécule, car la maladie est très hétérogène. Elle pourrait être efficace chez certaines personnes et pas du tout chez d’autres. « Le lupus est une maladie tellement hétérogène qu’il est peu probable qu’une seule approche puisse soulager tous les patients », souligne Dyckman.
Toutefois, les résultats montrent que l’approche pourrait être utilisée pour traiter d’autres maladies auto-immunes.