Maladies auto-immunes : une thérapie cellulaire innovante, alternative plus abordable à la CAR-T ?

La thérapie pourrait potentiellement réinitialiser le système immunitaire et le reconstituer entièrement pour le rendre sain et naïf.

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| Pixabay
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Des « cellules tueuses naturelles » génétiquement modifiées pourraient devenir une alternative plus sûre et moins coûteuse que la thérapie CAR-T contre les maladies auto-immunes. Deux essais cliniques sur des cohortes réduites ont montré une inversion des symptômes ainsi qu’un potentiel de réinitialisation du système immunitaire. À terme, la technique pourrait permettre de reconstituer un système immunitaire sain et naïf.

Les maladies auto-immunes regroupent un large éventail de syndromes caractérisés par l’incapacité de l’organisme à distinguer le « soi » du « non soi ». Ce dysfonctionnement immunitaire pousse l’organisme à s’attaquer à ses propres composants, provoquant des symptômes inflammatoires, des lésions et d’autres effets délétères pour l’organisme.

Parmi ces maladies figure par exemple la sclérodermie systémique (SSc), caractérisée par un dysfonctionnement vasculaire et une fibrose cutanée pouvant s’étendre à l’ensemble du corps. Certaines formes, comme la SSc cutanée diffuse (dcSSc), provoquent des symptômes si graves que la mortalité en 10 ans peut dépasser les 40 %.

Malgré les avancées en matière de thérapies immunosuppressives, la prise en charge des formes sévères de maladies auto-immunes reste un défi clinique majeur. De plus, les traitements actuels montrent une efficacité limitée pour inverser les symptômes persistants, tels que la fibrose, ou pour restaurer la fonction des organes endommagés.

Un potentiel thérapeutique inspiré de la lutte anticancer

Récemment, les thérapies cellulaires ont démontré une certaine efficacité dans la prise en charge de certaines maladies auto-immunes réfractaires aux traitements conventionnels. En particulier, la thérapie cellulaire par récepteur d’antigène chimérique T (CAR-T) a montré une efficacité pour des syndromes auto-immuns sévères, tels que le dcSSc et le lupus érythémateux systémique (LES).

Ce type de thérapie repose sur des cellules T génétiquement modifiées pour présenter le récepteur antigénique chimérique (CAR) et cibler leurs objectifs avec précision. Initialement développée pour le traitement du cancer, la thérapie CAR-T a déjà permis des rémissions de plus de 10 ans pour certaines formes de cancer du sang et fait désormais l’objet de recherches pour les maladies auto-immunes.

Cependant, malgré leur potentiel, les thérapies CAR-T actuellement disponibles sont complexes et coûteuses à produire, que ce soit pour le cancer ou pour les maladies auto-immunes. En effet, chaque traitement doit être personnalisé à partir des propres cellules T du patient, ce qui génère des coûts de développement conséquents.

Par ailleurs, ce type de thérapie se heurte à des difficultés de reproductibilité en raison de la variabilité des donneurs. Les cellules CAR-T sont également associées à d’importants effets secondaires, tels que les syndromes de libération de cytokines (CRS) sévères et la neurotoxicité associée aux cellules effectrices immunitaires (ICANS).

En conséquence, seulement un quart des patients américains atteints d’un cancer et ayant besoin d’une thérapie CAR-T y ont accès, rapporte Katy Rezvani du MD Anderson Cancer Center de l’Université du Texas à Houston, à la revue Nature. Or, « il y a cinq fois plus de patients atteints d’auto-immunité que de patients atteints de cancer », souligne-t-elle.

Vers une production « prête à l’emploi » et moins onéreuse

Afin de surmonter ces défis, les chercheurs explorent les cellules tueuses naturelles (ou « natural killers ») CAR (CAR-NK), non seulement nettement moins coûteuses à produire que les CAR-T, mais également plus polyvalentes. Les résultats d’un premier essai clinique ont été présentés ce mois-ci lors du congrès de l’Alliance européenne des associations de rhumatologie (EULAR) à Barcelone, en Espagne, tandis que ceux d’un second essai ont été publiés dans la revue Cell.

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Résumé graphique de l’essai clinique publié dans Cell. © Wang et al.

À l’instar de la thérapie CAR-T, la thérapie CAR-NK a d’abord été envisagée pour le traitement du cancer. Elle s’appuie sur les cellules NK, composantes du système immunitaire inné qui n’ont pas besoin de présentation d’antigène pour exercer leur action cytotoxique. Elles disposent en effet de récepteurs d’activation capables de reconnaître directement les agents pathogènes.

Les chercheurs utilisent des cellules CAR-NK dérivées de cellules souches pluripotentes induites, offrant un potentiel quasi illimité de prolifération et un profil de sécurité amélioré par rapport aux cellules CAR-T. Les cellules NK peuvent aussi être prélevées sur des donneurs de sang et être génétiquement modifiées pour produire des cellules CAR-NK. Contrairement aux CAR-T, ces cellules « allogéniques » ou « prêtes à l’emploi » peuvent ensuite être conservées ou utilisées pour traiter plusieurs patients à la fois.

Des résultats encourageants pour les formes sévères

D’après Rezvani, il est possible de produire des centaines de doses de cellules CAR-NK à partir d’un seul don de sang de cordon ombilical. Dans le cadre des maladies auto-immunes, elles sont modifiées pour cibler et détruire les cellules anormales. Les premiers essais de thérapie CAR-NK contre le cancer ont donné des résultats mitigés, probablement en raison de la courte durée de vie des cellules dans l’organisme. En revanche, pour traiter l’auto-immunité, les chercheurs les ont modifiées afin d’améliorer leur durée de vie in vivo.

Les essais menés chez des patients atteints de dcSSc ont mis en évidence une réduction significative des lymphocytes B anormaux avec une toxicité minimale. Selon les chercheurs, l’efficacité de la thérapie était comparable à celle de CAR-T pour le même syndrome. Les patients ont également présenté une réduction marquée des symptômes au cours des six mois de suivi.

Des analyses ultérieures ont montré que le traitement favorisait l’évolution des lymphocytes B vers des phénotypes naïfs (caractéristique de cellules n’ayant jamais été exposées à un antigène), ce qui suggère une réinitialisation du système immunitaire. Selon les experts, ces données laissent penser qu’un traitement bref par CAR-NK pourrait suffire à freiner la production d’auto-anticorps et que les patients pourraient recevoir plusieurs doses si nécessaire. Cela permettrait de renouveler la population de cellules productrices d’anticorps afin de reconstituer un système immunitaire sain et naïf.

Source : Cell
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