Pour traiter les maladies cardiovasculaires, la plupart des thérapies disponibles n’agissent souvent qu’au niveau d’une seule ou de peu de cibles, selon les symptômes apparents. Cependant, les pathologies cardiaques englobent un très grand ensemble d’affections, dont tous les symptômes sont liés. Pour soulager efficacement les patients, les médecins se voient alors souvent obligés de préconiser plusieurs traitements à la fois. Un groupe de scientifiques a tenté de combiner plusieurs médicaments existants (trois) traitant différents symptômes cardiaques, en un seul. L’essai clinique à grande échelle a montré que le médicament 3 en 1 est nettement plus efficace pour prévenir les événements cardiaques (infarctus, AVC, arrêt cardiaque…) que les comprimés administrés un à un.
Affectant le cœur et l’ensemble du système circulatoire, les maladies cardiovasculaires englobent l’athérosclérose, l’arythmie, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque, etc. Bien que les scientifiques fassent de grandes avancées en matière de stratégies thérapeutiques, certains patients nécessitent encore la combinaison de plusieurs traitements à la fois, et ce à vie, pour soulager leurs symptômes.
Les traitements doivent notamment être combinés, car un patient cardiaque nécessite souvent d’intervenir sur tous les fronts. Prenons par exemple le cas d’un patient souffrant d’hypertension artérielle, avec une obésité sous-jacente. Son hypertension serait dans ce cas présent liée à de l’athérosclérose provoquée par une haute cholestérolémie. Ses vaisseaux sanguins ne peuvent ainsi assurer un débit sanguin normal, ce qui augmente fortement la tension mécanique au niveau des artères. Et comme le cœur s’efforce de s’adapter naturellement pour essayer de normaliser le débit sanguin, le patient peut également présenter de la tachycardie (un rythme cardiaque trop élevé) ou une angine de poitrine (une sensation de douleur au cœur due à la baisse du flux sanguin).
Le patient aurait alors besoin d’un anticoagulant pour fluidifier suffisamment son sang afin d’éviter les risques d’obstruction par caillot sanguin, et assurer un débit sanguin normal. En parallèle, il faut aussi traiter son athérosclérose en abaissant son taux de cholestérol avec un médicament hypocholestérolémiant. Il faut également soulager la tension au niveau de ses artères à l’aide d’une molécule régulant la constriction des vaisseaux sanguins, notamment en inhibant la formation de l’angiotensine II (une hormone vasoconstrictrice). Ce qui fait déjà trois médicaments différents pour un seul patient.
Dans d’autres cas, et surtout les plus graves, les cardiologues peuvent également ajouter des bêtabloquants, en plus de ces trois traitements. Ces thérapies inhibent notamment les neurotransmetteurs adrénergiques et régulent le rythme cardiaque. Cependant, l’organisme a tendance à s’adapter à ce genre de médicaments, en augmentant le nombre de cellules réceptrices d’hormones adrénergiques du cœur. Ce phénomène est surtout observé dans les cas de cardiomyopathies hypertrophiques, où le volume du cœur des patients augmente parfois de façon spectaculaire. Ce genre d’inconvénients oblige alors les médecins à réadapter le dosage et la combinaison des traitements des patients cardiaques, tout au long de leur vie.
Afin de concevoir des stratégies thérapeutiques plus efficaces, les scientifiques ont pensé depuis quelques années à combiner diverses thérapies en une seule. La nouvelle étude, détaillée dans la revue The New England Journal Of Medicine, a proposé de tester cette stratégie à grande échelle, en combinant un anticoagulant, un hypocholestérolémiant et un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II.
« Les résultats de l’étude SECURE montrent, pour la première fois, que la polypilule, qui contient de l’aspirine, du ramipril et de l’atorvastatine, permet d’obtenir des réductions cliniquement pertinentes des événements cardiovasculaires récurrents chez les personnes qui se sont remises d’une précédente crise cardiaque, en raison d’une meilleure adhésion à cette approche, plutôt que de prendre les médicaments séparément de manière conventionnelle », explique Valentin Fuster, chercheur principal de la nouvelle étude.
Un essai clinique à grande échelle
Dans le cadre de son essai clinique, le groupe de recherche a recruté près de 2500 participants répartis à travers sept pays différents. Baptisé Trinomia, le nouveau médicament combine l’aspirine, le ramipril et l’atorvastatine, des molécules souvent prescrites aux patients cardiaques. Les participants ont été classés en deux groupes, l’un prenant la polypilule et l’autre les trois médicaments séparément. L’ensemble a ensuite été suivi sur une moyenne de trois ans.
À la fin de l’essai, les résultats ont révélé que le groupe ayant pris la polypilule était 33% moins susceptible de décéder d’un événement cardiovasculaire majeur tel que l’AVC ou l’infarctus. Comparé au groupe traité de manière conventionnelle, le groupe Trinomia avait également 24% moins de risques de subir ces événements cardiovasculaires majeurs.
D’après les chercheurs, ces résultats prouvent que les patients sont plus susceptibles d’adhérer au traitement à pilule unique, plutôt que de prendre trois médicaments différents par jour. Toutefois, il faut noter que les effets indésirables sont restés les mêmes chez les deux groupes de participants.
« Notre objectif était d’avoir un impact dès le début, et la plupart des patients de l’étude ont commencé à prendre une simple polypilule dans la première semaine après avoir eu une crise cardiaque », indique Fuster. « En simplifiant le traitement et en améliorant l’observance, cette approche a le potentiel de réduire le risque de maladies cardiovasculaires récurrentes et de décès à l’échelle mondiale », conclut-il.