De nouvelles images capturées par la sonde Mars Express de l’Agence spatiale européenne (ESA) révèlent l’aperçu le plus détaillé à ce jour du canyon martien Aganippe Fossa. Mesurant près de 600 kilomètres de long, la fissure se serait formée suite à l’accumulation d’un gigantesque épanchement de magma il y a des millions d’années, sous le volcan voisin Arsia Mons.
Repéré pour la première fois en 1930 puis nommé en 1976, Aganippe Fossa est un gigantesque canyon irrégulier d’environ 600 kilomètres de long. En comparaison, le Grand Canyon en Arizona (aux États-Unis) ne fait que 446 kilomètres de long. Toutefois, il est nettement moins étendu que Valles Marineris — le plus grand canyon martien et également du système solaire —, qui s’étend sur plus de 4000 kilomètres.
Aganippe Fossa traverse le côté inférieur de l’un des plus grands volcans de Mars, Arsia Mons. Situé dans la région Tharsis, ce dernier fait 435 kilomètres de diamètre et s’élève à plus de 9 kilomètres au-dessus des plaines. À titre de comparaison, Ojos del Salado, le plus haut volcan inactif sur Terre situé à la frontière entre l’Argentine et le Chili, ne culmine qu’à 7 kilomètres.
Le canyon est également avoisiné par deux autres volcans : Pavonis Mons et Ascraeus Mons. Ensemble, les trois sommets forment une ligne droite perpendiculaire à l’équateur de la planète. Olympus Mons, le plus haut volcan du système solaire (environ 25 kilomètres de haut), se situe également non loin d’Aganippe Fossa.
Les images récemment capturées par la sonde spatiale Mars Express révèlent de nouveaux détails sur l’étonnante géologie du canyon. Orbitant autour de la planète rouge depuis 2003, la sonde a notamment mis au jour de nombreux détails de sa surface, allant des cratères d’impact aux anciens lits de rivière, en passant par d’anciens gisements de lave, des crêtes qui se sont formées avec l’érosion du vent et des canyons.
Des motifs zébrés inhabituels
Mars Express s’appuie sur sa caméra stéréo à haute résolution (HRSC) pour capturer des images en haute résolution de la surface martienne et cartographier la répartition des minéraux ainsi que leur composition. L’instrument analyse en outre la dynamique de son atmosphère et aide à étudier de quelle manière elle interagit avec sa surface. La sonde étudie également les deux petits satellites naturels de la planète : Phobos et Deimos.
Aganippe Fossa présente une structure dite en « graben », qui se caractérise par un fossé d’effondrement tectonique entre deux failles normales. En d’autres termes, il s’agit d’un bloc effondré encastré entre deux parois abruptes et surélevées de chaque côté. Selon les chercheurs de l’ESA, la formation est apparue suite à l’épanchement d’une gigantesque couche de magma sous Arsia Mons, ce dernier ayant cessé ses éruptions il y a environ 50 millions d’années. Cette accumulation de magma aurait poussé la croûte vers le haut, qui, en s’étirant, a fini par se déchirer en formant une fissure dans l’un des flancs du volcan.
« Nous ne savons toujours pas comment et quand Aganippe Fossa est apparu, mais il semble probable qu’il se soit formé lorsque le magma s’élevant sous la masse colossale des volcans Tharsis a provoqué l’étirement et la fissuration de la croûte de Mars », expliquent les experts dans un communiqué. Des structures similaires ont précédemment été repérées sur la planète, telles que Noctis Labyrinthus, un relief en forme de canyons entrecroisés situé entre la région Tharsis et Valles Marineris.
Les images de la caméra HRSC de Mars Express révèlent de surprenants détails qui n’avaient jusqu’ici jamais été repérés. En effet, le relief montre une différence nette entre le côté gauche et droit du canyon. Le premier montre un sol très irrégulier ponctué de nombreux monticules, de vallées et de crêtes. En revanche, le second est plus ou moins plat et ne présente que des falaises en pente douce et quelques débris rocheux rassemblés en longues bandes. Ces reliefs forment des motifs inhabituels en forme de zébrure.
Les reliefs comportant les motifs en zébrure s’étendent sur une zone appelée « auréole annulaire », à la base d’Arsia Mons. S’étendant sur environ 100 000 kilomètres carrés, cette auréole se serait formée en raison de vents dominants provenant de la direction opposée. L’érosion éolienne y aurait déplacé le sable et la poussière pour y former le dégradé de couleurs qui caractérise ce côté du fossé.
« Curieusement, cette auréole ne s’est formée que sur le flanc nord-ouest du volcan, probablement en raison des vents dominants venant de la direction opposée », indiquent les experts. Cependant, nous ne savons pas encore pourquoi l’autre côté du canyon ne semble pas affecté par l’érosion. Par ailleurs, les images montrent des traces d’anciennes coulées de lave du côté du canyon qui présente les fameux motifs.
Bien que des questions subsistent quant à la fascinante topographie d’Aganippe Fossa, les chercheurs estiment que ces nouvelles découvertes offrent une compréhension bien plus complète et précise de la géologie de Mars dans son ensemble.