Mars, la plus proche voisine de la Terre, a toujours fasciné et intrigué. De nombreuses missions spatiales ont été engagées dans ce sens, pour tenter de percer ses mystères. Et pourtant, beaucoup de questions, qui peuvent sembler anodines, restent encore non résolues. Voici l’une des plus importantes d’entre elles : pourquoi, contrairement à la Terre, Mars a-t-elle perdu son champ magnétique et presque toute son atmosphère ? Une étude récente a peut-être enfin résolu l’énigme, en démontrant que ce phénomène serait dû à une altération des niveaux d’hydrogène dans son noyau, bouleversant les mouvements de convection nécessaires au maintien du champ magnétique.
Mars, similaire à la Terre à bien des égards, a été bouleversée par des évènements cataclysmiques il y a environ 4 milliards d’années. Ce qui l’a rendue inhospitalière pour toute forme de vie, contrairement à sa voisine qui elle, en regorge.
Loin du désert inhospitalier que l’on connaît aujourd’hui, et qui lui a valu le surnom de « planète rouge », Mars était autrefois recouverte en partie d’océans, préservés par un bouclier magnétique similaire à celui de la Terre. Mais elle a évolué autrement sans que l’on puisse vraiment expliquer pourquoi. Son champ magnétique s’est petit à petit désagrégé pendant des milliers d’années, pour finalement disparaître complètement. Plus rien ne protégeait alors son atmosphère et ses océans des vents solaires. Ils ont fini par s’évaporer dans l’espace, la rendant quasiment stérile.
La nouvelle étude, publiée dans Nature communications et menée par l’Université de Tokyo, a peut-être mis la main sur une piste expliquant la disparition de ce champ magnétique. Dans le cas de la Terre, son noyau dense et métallique, enveloppé par une couche en fusion, régit les mouvements de convection qui permettent de maintenir en place son champ magnétique. « Le champ magnétique terrestre est entraîné par des courants de convection énormes de métaux en fusion dans son noyau. On pense que les champs magnétiques sur d’autres planètes fonctionnent de la même manière », explique dans un communiqué le Dr Kei Hirose, du département des sciences de la Terre et des planètes de l’Université de Tokyo et auteur principal de l’étude.
Les chercheurs ont alors simulé, en laboratoire les conditions qui auraient dû être celles du noyau de Mars il y a des milliards d’années, pour tenter de comprendre pourquoi il n’a pas pu retenir le champ magnétique de sa planète.
Un champ magnétique voué à disparaître
Pour mener leurs expériences, les scientifiques japonais se sont basés sur des données météoritiques ainsi que sur les résultats de l’exploration spatiale de la sonde InSight de la NASA. Ces données ont effet montré que le noyau de Mars pourrait être composé de fer fondu enrichi en soufre. Les lectures sismiques de la sonde ont également révélé que ce cœur serait en fait plus volumineux et moins dense que ce que les scientifiques pensaient auparavant. Ce qui indiquerait la présence d’éléments plus légers, comme l’hydrogène.
Ces éléments réunis, le groupe de chercheurs a synthétisé des échantillons d’un alliage métallique composé de fer, de soufre et d’hydrogène (Fe-S-H), afin de constituer le noyau expérimental. Ils ont ensuite introduit le matériau dans un étau, avec deux petites plaques de diamant, et l’ont comprimé tout en le chauffant avec un laser infrarouge. Ces conditions sont censées récréer les températures et la pression (de plusieurs centaines de gigapascals) qui régnaient dans le noyau de la planète.
Les observations aux rayons X et sous faisceaux d’électrons des échantillons ont alors permis à l’équipe d’imaginer ce qui aurait pu se passer pendant la fusion sous pression du noyau de Mars. Ils ont même pu cartographier comment la composition de l’échantillon a changé pendant cette période.
Aussi fascinants qu’inattendus, les résultats ont montré que le Fe-S-H initialement homogène s’est scindé en deux liquides distincts, avec un niveau de complexité jamais observé auparavant sous ce genre de pression. L’un des métaux liquides était riche en soufre, tandis que l’autre était riche en hydrogène. « C’est la clé pour expliquer la naissance et finalement la disparition du champ magnétique autour de Mars », explique le Dr Hirose.
Le fer liquide riche en hydrogène et pauvre en soufre, étant moins dense, se serait élevé au-dessus du fer liquide plus dense (riche en soufre et pauvre en hydrogène). Ce qui peut provoquer des courants de convection. Ces courants, similaires à ceux de la Terre, auraient créé un champ magnétique capable de maintenir l’hydrogène dans une atmosphère autour de Mars. Il aurait même permis à l’eau d’exister sous forme liquide.
Toutefois, ce champ magnétique était voué à disparaître. Contrairement aux courants de convection internes de la Terre, qui dureront encore des milliards d’années, une fois les deux liquides complètement séparés, il n’y aurait plus eu de courants suffisants pour maintenir un champ magnétique. Ceci expliquerait pourquoi le champ magnétique de la planète rouge a été si bref, et pourquoi tout son hydrogène atmosphérique a été soufflé par les vents solaires. Ce bouleversement aurait eu lieu il y a environ 4 milliards.
Cette découverte pourrait nous éclairer sur l’avenir de la Terre, puisqu’elle et ses voisines sont nées de la même matière cosmique. Si les résultats de cette étude sont concluants, ils aideront à compléter l’histoire de la formation des planètes rocheuses, ainsi qu’à préciser leurs compositions. D’après les estimations, la Terre perdra aussi un jour son champ magnétique, mais pas avant au moins un milliard d’années.