Nos chromosomes, ces éléments microscopiques en forme de X, portent nos gènes (contenant l’information génétique). Ils sont transmis des cellules mères aux cellules filles lors de la division cellulaire. Pour la première fois, des biophysiciens sont parvenus à mesurer, avec une grande précision, la masse des chromosomes humains : l’ensemble des chromosomes de chacune de nos cellules pèse 242 picogrammes (trillionièmes de gramme), selon l’étude.
Pour cela, ils ont utilisé une puissante source de rayons X de l’installation scientifique nationale synchrotron du Royaume-Uni, la Diamond Light Source. Ils ont ainsi pu déterminer les masses individuelles des 46 chromosomes présents dans les cellules humaines. Cerise sur le gâteau : les résultats indiquent un excès de masse inexpliqué dans les chromosomes humains.
Les masses se sont avérées nettement plus élevées que prévu — environ 20 fois plus élevées que l’ADN qu’ils contiennent — reflétant probablement la masse supplémentaire d’autres éléments inconnus à l’intérieur des chromosomes, que nous devons encore découvrir, suggèrent les chercheurs. Les détails de l’étude sont disponibles dans la revue Chromosome Research.
« Nous connaissons la masse de l’ADN grâce au Human Genome Project, mais c’est la première fois que nous avons pu mesurer précisément les masses des chromosomes qui incluent cet ADN », a déclaré le biophysicien Ian Robinson de l’University College London. « Notre mesure suggère que les 46 chromosomes de chacune de nos cellules pèsent 242 picogrammes (trillionièmes de gramme). C’est plus lourd que ce à quoi nous nous attendions, et, si ces résultats sont reproduits, cela indique un excès de masse inexpliqué dans les chromosomes ».
Chromosomes : ils contribuent à préserver l’ADN contenu
Les chromosomes sont de petits paquets d’ADN en forme de filaments que l’on trouve dans les noyaux cellulaires des organismes vivants. Chaque chromosome contient une molécule d’ADN, qui contient à son tour les instructions génétiques pour le développement et la survie de cet organisme.
Chaque cellule humaine, en métaphase, contient normalement 23 paires de chromosomes — 22 paires de chromosomes numérotés (autosomes) et une paire de chromosomes sexuels. Ceux-ci contiennent quatre copies de 3,5 milliards de paires de bases d’ADN. Et ce sont les chromosomes qui empêchent l’ADN qu’ils contiennent de s’effilocher, contribuant ainsi à maintenir sa structure pendant le processus de réplication cellulaire.
Les chromosomes ont été découverts pour la première fois au XIXe siècle et, depuis, les scientifiques ont beaucoup appris sur leur rôle dans le fonctionnement des organismes vivants. Cependant, il reste encore beaucoup de choses à comprendre. Dans le cas présent, les scientifiques ont utilisé une technique appelée ptychographie par rayons X durs pour sonder leur intérieur.
Cette technique consiste à utiliser un type d’accélérateur de particules, appelé synchrotron, pour produire un puissant faisceau de rayons X. Lorsque ces rayons traversent le synchrotron, ils se transforment en rayons X. Lorsque ces rayons X traversent les chromosomes, leur diffraction crée un motif d’interférence que les scientifiques peuvent utiliser pour créer une reconstruction 3D haute résolution de ces derniers.
Des retombées importantes pour la médecine et la biologie
Les chercheurs ont capturé des images de globules blancs humains en métaphase (une phase du cycle cellulaire au cours de laquelle les chromosomes se condensent) et juste avant la division cellulaire, lorsque les 46 chromosomes de chaque cellule ont étroitement emballé l’ADN.
Grâce à cette technique, ils ont pu déterminer le nombre d’électrons, ou densité électronique, dans les chromosomes. La masse des électrons est bien connue — la masse au repos d’un électron étant l’une des constantes physiques fondamentales (9,109 × 10−31 kg). Ils ont ainsi pu en déduire la masse du chromosome par calcul.
La masse inattendue découverte par les chercheurs est encore un mystère, mais les résultats obtenus pourraient déjà avoir des retombées importantes pour la médecine, en nous aidant notamment à mieux comprendre le fonctionnement du corps humain dans son ensemble. « Une meilleure compréhension des chromosomes pourrait avoir des implications importantes pour la santé humaine », a déclaré la bioscientifique Archana Bhartiya de l’University College London. « Une grande partie de l’étude des chromosomes est entreprise dans les laboratoires médicaux pour diagnostiquer le cancer à partir d’échantillons de patients. Toute amélioration de nos capacités à imager les chromosomes serait donc très précieuse ».