Une nouvelle théorie suggère que la matière noire aurait pu se former avant le Big Bang, par le biais d’interactions de particules au cours d’une très brève période d’expansion chaude et énergétique appelée « inflation chaude ». Les résultats de ce nouveau modèle théorique correspondent à la quantité de matière noire observée dans l’Univers actuel. Les chercheurs affirment qu’il serait bientôt possible d’éprouver au moins une partie de la théorie à l’aide des futures observations du fond diffus cosmologique.
Selon la théorie standard de la cosmologie, l’existence même de l’Univers a débuté avec le Big Bang, qui a donné naissance à la matière ordinaire, la matière noire, ainsi qu’à l’énergie. Cette explosion cosmique a été suivie par une brève et soudaine période d’inflation, durant laquelle la taille de l’Univers a été multipliée par 10 septilliards, environ 10-33 secondes seulement après le Big Bang.
Cependant, un nombre croissant de cosmologistes s’accordent à dire que l’inflation se serait plutôt produite avant le Big Bang. Cette vision repose sur une réinterprétation des modèles traditionnels, considérant l’inflation comme un phénomène indépendant de la singularité du Big Bang. Selon cette hypothèse, au début de l’Univers, la matière et l’énergie présentes étaient si denses qu’il est impossible d’en décrire l’état initial. Cela aurait été suivi par une période extrêmement brève d’expansion rapide.
Les scientifiques ne savent pas exactement ce qui aurait pu amorcer cette inflation, mais il est possible que l’énergie nécessaire au processus ait simplement fait partie de la structure de l’espace-temps. Une théorie suggère que l’énergie ayant alimenté cette inflation pré-Big Bang pourrait provenir de l’effondrement d’un univers antérieur.
Lorsque cette inflation s’est arrêtée, l’énergie qui l’alimentait aurait été transférée à la matière et à la lumière pour produire le Big Bang. Une seconde après, l’Univers aurait été une soupe primordiale de lumière et de particules extrêmement chaudes (à une température d’environ 10 milliards de degrés Celsius). Dans les minutes qui ont suivi, les protons et les neutrons seraient entrés en collision pour produire les premiers éléments (principalement de l’hydrogène, de l’hélium et des traces de lithium et de béryllium) lors d’une période appelée « nucléosynthèse ».
Un groupe d’hypothèses récentes suggère que la matière noire a été produite avant le Big Bang au cours de cette brève période d’inflation. « Dans la plupart des modèles, tout ce qui est créé pendant l’inflation est ensuite ‘gonflé’ par l’expansion exponentielle de l’Univers, jusqu’au point où il ne reste pratiquement plus rien », explique dans un article de blog de l’Université du Texas, à Austin, Katherine Freese, auteure principale de la nouvelle étude. « Ce qui est unique à notre modèle, c’est que la matière noire est produite avec succès pendant l’inflation », affirme-t-elle.
Un rendement en matière noire correspondant aux observations actuelles
Selon la nouvelle théorie — baptisée « inflation chaude par gel » (« Warm Inflation via Freeze-In » ou WIFI) —, un rayonnement chaud et énergétique est produit au cours de l’inflation cosmique avant le Big Bang (d’où l’appellation « inflation chaude »), créant une sorte de bain thermique permettant aux particules d’interagir entre elles. Il a précédemment été proposé que l’inflation soit induite par des particules hypothétiques appelées « inflatons ». Dans le scénario d’inflation chaude, les inflatons perdraient une partie de leur énergie sous forme de rayonnement, qui, à son tour, produirait des particules de matière noire par le biais d’un processus appelé « congélation ultraviolette ». Cela signifierait que les interactions entre les particules présentes dans le bain thermique auraient permis de créer progressivement de la matière noire.
Selon les chercheurs, ce processus permettrait d’obtenir un rendement croissant de matière noire, atteignant la quantité astronomique observée actuellement dans l’Univers. « Dans notre étude, nous nous sommes concentrés sur la production de matière noire, mais le WIFI suggère une applicabilité plus large, comme la production d’autres particules qui pourraient jouer un rôle crucial dans l’évolution de l’Univers primitif », suggère Barmak Shams Es Haghi, co-auteur de l’étude — publiée dans la revue Physical Review Letters. « Cela met en évidence de nouvelles opportunités d’exploration pour les recherches futures », ajoute-t-il.
Bien qu’il n’existe actuellement aucune technique pour éprouver expérimentalement cette théorie, les chercheurs affirment qu’il sera bientôt possible de tester l’inflation chaude dans le cadre de prochaines études sur le fond diffus cosmologique et d’autres structures à grande échelle. « Si les observations futures confirment l’hypothèse de l’inflation chaude, cela soutiendrait l’idée que la matière noire a été produite comme le propose ce modèle », conclut Gabriele Montefalcone, également co-auteur de l’étude.