La matière noire enfin détectée ? Des chercheurs japonais évoquent une possible première observation directe

Des signaux gamma de particules de matière noire auraient été détectés directement.

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| Pixabay
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En utilisant le télescope spatial Fermi de la NASA dédié à l’étude des rayons gamma, des chercheurs japonais ont peut-être réalisé la première détection directe de la matière noire. Ils auraient notamment détecté des photons gamma dont les caractéristiques pourraient être compatibles avec celles attendues lors de l’annihilation de WIMPs, d’hypothétiques particules de matière noire interagissant très peu avec la matière ordinaire. Si elle est confirmée, cette détection pourrait influencer certains modèles de cosmologie et de physique des particules.

Théorisée en 1933 par l’astronome Fritz Zwicky, la matière noire constitue l’une des plus grandes énigmes en cosmologie. Malgré plus de 100 ans de recherche, elle n’a été observée qu’indirectement, notamment par le biais de ses interactions gravitationnelles avec la matière ordinaire. Pour la détecter, Zwicky avait constaté que l’influence gravitationnelle de la matière visible dans les galaxies de l’amas de Coma n’était pas à elle seule suffisante pour empêcher cet amas de se disperser.

D’autres astronomes, comme Vera C. Rubin, ont ensuite découvert que les bords extérieurs des galaxies spirales tournaient à la même vitesse que leur centre. Or, cela ne serait possible que si la majeure partie de la masse de ces galaxies n’était pas concentrée en leur centre mais dispersée – une répartition que la matière visible seule ne peut refléter. D’autres observations ont permis de déduire que toutes les grandes galaxies sont entourées de vastes halos de matière noire qui s’étendent largement au-delà des limites de la matière visible.

On estime ainsi qu’elle représente environ 85 % de la matière de l’Univers, la matière ordinaire comptant pour environ 15 %. Elle ne peut pas être observée directement car les particules qui la composent n’interagissent pas avec les forces électromagnétiques, ce qui signifie qu’elle n’absorbe ni n’émet la lumière. Cette absence de détection implique également que nous ne savons toujours pas de quoi elle est composée.

Parmi les principaux candidats matière noire proposés figurent les particules massives interagissant faiblement ou WIMPs. Comme leur nom l’indique, ces particules seraient, dans certains modèles, 500 fois plus massives que les protons mais interagissent très peu avec la matière ordinaire. Mais malgré cette faible interaction, elles s’annihileraient entre elles en entrant en collision (comme le feraient les particules et les antiparticules) et libèrent d’autres particules, notamment des photons gamma.

Les physiciens cherchent depuis des années à détecter ces photons gamma spécifiques au niveau de régions à haute densité de matière noire telles que les centres galactiques. En analysant les dernières données du télescope spatial Fermi, des chercheurs de l’Université de Tokyo pensent avoir détecté pour la première fois ces photons dans la Voie lactée.

« Si cela se confirme, à ma connaissance, ce serait la première fois que l’humanité observe la matière noire », explique dans un communiqué, Tomonori Totani, du département d’astronomie de l’université de Tokyo, rappelant toutefois qu’il s’agit de sa propre interprétation. « Or, il s’avère que la matière noire est une nouvelle particule qui n’est pas prise en compte dans le modèle standard actuel de la physique des particules. Cela représente une avancée majeure en astronomie et en physique », ajoute-t-il.

Des indications potentielles de particules de matière noire ?

En analysant les données du télescope Fermi provenant du centre de la Voie lactée, l’équipe de Totani aurait détecté des signaux clairs de rayonnement gamma en provenance du halo de matière noire qui l’entoure. « Nous avons détecté des rayons gamma d’une énergie photonique de 20 gigaélectronvolts (soit 20 milliards d’électronvolts, une quantité d’énergie extrêmement importante) s’étendant sous forme de halo vers le centre de la Voie lactée. La composante d’émission de rayons gamma correspond étroitement à la distribution attendue du halo de matière noire », indique l’expert.

D’après les résultats détaillés dans l’étude publiée le 25 novembre dans Journal of Cosmology and Astroparticle Physics, le spectre énergétique observé correspondrait avec ceux prédits pour l’annihilation des WIMPs. Autrement dit, la fréquence d’annihilation des WIMPs estimée à partir de l’intensité gamma mesurée se situerait dans la gamme des prédictions théoriques.

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Image en rayons gamma du halo de la Voie lactée. Carte d’intensité des rayons gamma excluant les composantes autres que le halo, couvrant environ 100 degrés en direction du centre galactique. La barre grise horizontale dans la région centrale correspond au plan galactique, exclu de l’analyse afin d’éviter les fortes radiations astrophysiques. © 2025 Tomonori Totani, Université de Tokyo

D’autre part, les mesures ne s’expliqueraient pas facilement par d’autres phénomènes émetteurs de rayons gamma. L’équipe de l’étude en a déduit qu’elles pourraient ainsi constituer une indication fiable de collisions et d’anhilations actives de WIMPs. « Le profil radial est en accord avec l’annihilation décrite par le profil de densité lisse de la Voie lactée naturelle (NFW) et pourrait être légèrement moins prononcé, notamment dans la région centrale », indiquent les chercheurs dans leur étude.

Toutefois, bien que l’équipe de l’étude soit convaincue que leurs mesures constituent des indicateurs clairs de matière noire, la reproductibilité de leurs résultats doit encore être vérifiée par d’autres chercheurs. Davantage de travaux sont nécessaires afin de confirmer si les rayons gamma proviennent bien de l’annihilation de WIMPs et non d’autres phénomènes cosmologiques.

« Cela pourrait se réaliser une fois que davantage de données auront été recueillies, et si tel est le cas, cela apporterait une preuve encore plus convaincante que les rayons gamma proviennent de la matière noire », conclut Totani.

Source : Journal of Cosmology and Astroparticle Physics
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