Pour la toute première fois, un médicament qui fait « taire » les gènes a été approuvé par les autorités américaines. Non seulement il s’agit d’une énorme victoire pour la technologie étonnante impliquée, mais c’est aussi un traitement pour une maladie héréditaire rare qui cause des lésions nerveuses.
Le médicament en question, appelé patisiran, peut à présent être utilisé pour traiter l’amyloïdose héréditaire à transthyrétine (ATTR), où des protéines mutées s’accumulent dans le corps, affectant les fonctions cardiaques et nerveuses cruciales. Il s’agit donc d’une première majeure et d’une grande avancée pour l’interférence par ARN (ARNi) : une technique de silençage des gènes qui permet de bloquer la traduction d’un ARN messager ciblé, diminuant ainsi la quantité de la protéine devant être exprimée par ce dernier.
Dans ce cas précis, le médicament empêche la production d’une version mutée de la protéine appelée transthyrétine (TTR), responsable de la surproduction d’amyloïdes. En raison de leur accumulation, les personnes peuvent souffrir de lésions nerveuses périphériques ou de polyneuropathie. « Cette approbation est essentielle pour le domaine de l’ARNi. C’est transformationnel », a déclaré James Cardia de RXi Pharmaceuticals, au Massachusetts (États-Unis).
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L’histoire de l’ARNi remonte à 20 ans, lorsque la méthode a été découverte pour la première fois. Depuis lors, l’ARNi a connu à la fois des hauts (y compris un prix Nobel) et des bas (y compris des réductions d’investissement). Une partie du problème pour faire fonctionner cette technique a été de délivrer des molécules d’ARN dans les organes cibles sans dégrader ce qui se produit normalement dans la circulation sanguine.
Les scientifiques ont découvert que l’un des moyens de contourner ce problème, consiste à emballer des molécules d’ARN dans des nanoparticules lipidiques (liposomes) qui servent de bouclier : cela permet aux messagers adaptés de s’accumuler dans le foie, où la majorité de la transthyrétine est produite.
Dans un essai clinique effectué sur 225 personnes atteintes d’amyloïdose héréditaire à transthyrétine, la vitesse de marche moyenne (généralement altérée par des lésions nerveuses) a été significativement améliorée chez les patients recevant un traitement par ARNi ciblant la production de transthyrétine.
Les patients traités ont également montré une plus grande force musculaire, des réflexes plus rapides et un meilleur état nutritionnel que les patients sous placebos, même en dépit des effets secondaires observés dans l’étude.
Grâce à l’approbation de ce médicament, les quelques 50’000 personnes vivant avec l’ATTR ont retrouvé l’espoir de peut-être pouvoir se débarrasser de la perte de mobilité, de l’engourdissement ainsi que de la douleur qui accompagne cette maladie. « Je n’ai jamais été aussi optimiste quant à l’avenir de l’ARNi », a déclaré Douglas Fambrough, directeur général de la société RNAi Dicerna, au Massachusetts (États-Unis).
Maintenant que le premier traitement par ARNi a été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA), les scientifiques peuvent se concentrer sur l’utilisation de cette méthode pour d’autres parties du corps, notamment les reins, le cerveau et la moelle épinière.
Et, contrairement à l’outil d’édition génétique CRISPR, l’ARNi ne nécessite aucun changement permanent de l’ADN d’une personne, ce qui l’a rendu approprié pour apporter des modifications subtiles. La technique démontre ainsi un énorme potentiel pour le traitement des maladies.
« Cette approbation fait partie d’une vague plus large d’avancées qui nous permettent de traiter les maladies en ciblant réellement la cause première, ce qui nous permet d’arrêter ou d’inverser une maladie plutôt que d’uniquement ralentir sa progression ou de traiter ses symptômes », explique Scott Gottlieb de la FDA. « Les nouvelles technologies comme les inhibiteurs d’ARN (ARNi), qui modifient les facteurs génétiques d’une maladie, ont le potentiel de transformer la médecine de sorte que nous puissions mieux affronter voire même guérir les maladies débilitantes », ajoute-t-il.