Les tauopathies sont des maladies, généralement neurodégénératives, dues à la prolifération d’une forme pathologique de la protéine tau. Parmi ces maladies, se trouvent la maladie de Parkinson ou encore la maladie d’Alzheimer. Malgré des avancées prometteuses, la mise au point de traitements efficaces demeure encore lente. Cependant, les scientifiques ont franchi une nouvelle étape en montrant qu’un médicament de longue date contre l’asthme inversait les dommages cérébraux de la démence chez la souris.
Découverte en 1975, la protéine tau est une protéine majoritairement présente dans les neurones. Elle interagit avec la tubuline (une protéine structurelle) afin de favoriser l’assemblage et la stabilité des microtubules (éléments du cytosquelette cellulaire) des axones. Dans certains cas, la protéine tau acquiert une forme pathologique, s’accumule et prolifère d’un neurone à l’autre. Pour contrer ce dysfonctionnement, l’organisme produit une lourde réponse inflammatoire, qui conduit à la destruction de nombreux neurones.
De tels dysfonctionnements de la protéine tau sont appelés des « tauopathies » et sont responsables d’une grande diversité de maladies neurodégénératives, parmi lesquels la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, la dégénérescence cortico-basale (DCB), la maladie de Pick, la dégénérescence lobaire fronto-temporale (DFT) ou encore la paralysie supranucléaire progressive (PSP). Bien que d’importantes avancées aient eu lieu au cours de ces dernières années, les mécanismes de ces pathologies ne sont pas intégralement connus. Les pistes thérapeutiques se développent donc relativement lentement.
Toutefois, récemment, une équipe de neurobiologistes de l’Alzheimer’s Center (Université de Temple, USA), a démontré l’inversion de symptômes neurologiques chez la souris, grâce à l’utilisation d’un médicament de longue date contre l’asthme. Cette découverte, dont les résultats ont été publiés dans le journal Molecular Neurobiology, pourrait ouvrir la voie à des nouveaux traitements restaurant la mémoire et corrigeant les troubles spatiaux chez les sujets atteints de maladies neurodégénératives, en ciblant spécifiquement la protéine tau.
Mis au point en 1996 par le laboratoire pharmaceutique Abbott, le zileuton (commercialisé sous le nom de ZYFLO) est une molécule inhibitrice utilisée par voie orale dans le traitement contre l’asthme. Il cible plus particulièrement une classe particulière de lipides : les leucotriènes. Ces derniers interviennent à la fois dans la réponse inflammatoire (en recrutant les cellules immunitaires) et à la fois dans le mécanisme de broncho-constriction (contraction du muscle lisse bronchique). Des études précédentes ont démontré que les tauopathies étaient accompagnées d’une augmentation significative de l’activité des leucotriènes, provoquant une inflammation cérébrale massive.
Le zileuton inhibe la voie cellulaire des leucotriènes, c’est pourquoi les chercheurs ont cherché à en tester l’efficacité sur les maladies neurodégénératives. Pour ce faire, les auteurs ont modifié génétiquement des souris afin de leur faire développer des symptômes de démence identiques à ceux d’un humain de 60 ans atteint de démence. Puis ils les ont séparés en deux groupes, l’un recevant des doses journalières de zileuton et l’autre recevant un placebo.
Au bout de 16 semaines, les souris traitées par zileuton ont montré une amélioration significative de leurs facultés cognitives, se repérant bien plus efficacement dans les labyrinthes que les souris non-traitées. En outre, des analyses ont montré une réduction de 90% du taux de leucotriènes dans leur organisme, ainsi qu’une réduction de 50% des protéines tau. « Ce que nous avons observé est incroyable. Pour la première fois, nous avons montré que nous pouvons agir après que la maladie se soit déclarée » explique Domenico Praticò, auteur principal de l’étude.
Les résultats ont ainsi démontré une inversion complète des symptômes de démence chez les souris traitées au zileuton, la mémoire et les facultés spatiales étant intégralement restaurées. Une étude post-mortem de leurs synapses a également révélé qu’ils avaient retrouvé une structure aussi saine que ceux des souris en bonne santé. Cependant, cette découvert doit être fortement nuancée. Premièrement, les souris malades ne présentaient aucun dépôt de protéines bêta-amyloïdes, alors que ceux-ci apparaissent presque toujours concomitamment aux tauopathies. En outre, un traitement fonctionnant chez la souris n’offre aucune garantie d’efficacité sur l’Homme.
Malgré cela, ces résultats sont extrêmement encourageants et prouvent que des dommages neurodégénératifs peuvent être inversés après l’établissement de la maladie. En outre, le zileuton est déjà une molécule thérapeutique approuvée par les autorités publiques depuis plus de 20 ans, ce qui devrait faciliter la mise en place d’essais cliniques humains. « C’est un vieux médicament pour une nouvelle maladie. Les recherches pourraient prochainement être transformées en essais cliniques, à des patients atteints de la maladie d’Alzheimer » conclut Praticò.