Un essai clinique mené auprès de 55 adultes au Royaume-Uni révèle que les personnes suivant un régime nutritionnel sain à base d’aliments peu ou non transformés perdent davantage de poids que celles consommant des produits ultra-transformés. Bien que les deux types d’alimentation présentent des valeurs nutritionnelles équivalentes, leurs effets sur la santé divergent. Cette étude ouvre ainsi une nouvelle perspective sur ce que l’on peut réellement qualifier d’alimentation saine.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde sont en situation de surpoids ou d’obésité. Cette progression s’accompagne d’une hausse des maladies chroniques telles que le diabète de type 2 et les pathologies cardiovasculaires, le surpoids et l’obésité figurant parmi les principaux facteurs de risque. Parmi les causes avancées, les transformations profondes du mode d’alimentation occupent une place centrale.
La consommation d’aliments ultra-transformés a en effet explosé au fil des dernières décennies, facilitée par l’essor de l’industrialisation. En Europe, aux États-Unis et au Royaume-Uni, plus de la moitié des apports alimentaires proviennent de ces produits. On y retrouve, par exemple, les céréales industrielles pour le petit-déjeuner, les plats cuisinés surgelés, le pain industriel ou encore les confiseries.
Des travaux ont mis en lumière que des apports plus élevés en aliments ultra-transformés sont associés à une augmentation du risque d’obésité et de maladies cardiométaboliques. Pour faire face à cette tendance, certains pays comme le Brésil, ainsi que des institutions telles que l’OMS, ont publié des recommandations nutritionnelles encourageant la réduction de la consommation d’aliments transformés.
Toutefois, malgré les nombreuses études établissant un lien entre ces aliments et des effets délétères sur la santé, la nature causale de cette relation reste sujette à débat, en raison notamment de limites dans la qualité des données recueillies. Une équipe de l’University College London (UCL) a entrepris de combler cette lacune en menant une première étude interventionnelle comparant, dans des conditions réelles, un régime riche en aliments ultra-transformés à un régime composé d’aliments peu transformés.
« Des recherches antérieures ont établi un lien entre les aliments ultra-transformés et des effets néfastes sur la santé. Toutefois, tous ne sont pas intrinsèquement mauvais, si l’on considère leur profil nutritionnel », souligne Samuel Dicken, auteur principal de l’étude et chercheur au Centre de recherche sur l’obésité et au Département des sciences du comportement et de la santé de l’UCL, dans un communiqué. « L’objectif de notre essai était de combler les importantes lacunes dans notre compréhension du rôle que joue la transformation des aliments, en lien avec les recommandations diététiques actuelles et ses effets sur la santé », précise-t-il.
Une perte de poids plus marquée avec une alimentation peu transformée
Pour les besoins de l’étude, 55 adultes résidant au Royaume-Uni ont été recrutés, puis divisés en deux groupes pour suivre deux régimes distincts. Le premier consistait en un régime de huit semaines basé sur des aliments peu transformés, tels que les flocons d’avoine ou des spaghettis bolognaises préparés à domicile. Le second suivait, durant la même période, un régime composé d’aliments ultra-transformés comme des barres protéinées ou des lasagnes surgelées.
Les deux régimes, bien que de nature différente, étaient conçus pour respecter les recommandations du Eatwell Guide, le référentiel officiel britannique pour une alimentation équilibrée. Cela impliquait le respect des apports quotidiens en matières grasses, en acides gras saturés, en protéines, en glucides, en sel, en fibres, ainsi qu’en fruits et légumes.
Les repas étaient livrés directement aux participants, à des quantités caloriques suffisantes. Chacun était libre de manger à sa faim, sans restriction imposée. Après cette première phase, une période de sevrage de quatre semaines permettait à chacun de revenir à ses habitudes alimentaires, avant d’inverser les régimes : ceux qui avaient consommé des aliments ultra-transformés passaient à des aliments peu transformés, et inversement.
Fait notable, tous les participants ont perdu du poids – probablement en raison de l’amélioration de l’équilibre nutritionnel par rapport à leurs habitudes – et ce, malgré l’absence de restriction calorique volontaire, selon les résultats publiés dans la revue Nature Medicine. Néanmoins, la perte était deux fois plus importante chez les personnes ayant suivi le régime peu transformé (2,06 % de leur poids corporel), contre 1,05 % pour le régime ultra-transformé. Cela équivaut à une réduction calorique quotidienne moyenne de 290 kilocalories (kcal) pour le premier groupe, contre 120 kcal pour le second. À titre de comparaison, le Eatwell Guide recommande un apport énergétique quotidien de 2 000 kcal pour les femmes et de 2 500 kcal pour les hommes.
Étendue sur une année, cette perte équivaudrait à une diminution de poids de 13 % chez les hommes et de 9 % chez les femmes pour les régimes peu transformés, contre respectivement 4 % et 5 % pour les régimes riches en produits ultra-transformés. Bien qu’une perte de poids de 2 % puisse sembler modeste à court terme, elle est significative à l’échelle d’une année — d’autant qu’elle ne repose sur aucune restriction imposée.
Un meilleur contrôle des envies alimentaires
Les participants ont également été invités à remplir des questionnaires visant à évaluer leur appétence pour le grignotage – notamment en dehors des repas – avant le début des régimes, puis à la quatrième et à la huitième semaine. Le groupe suivant un régime peu transformé a déclaré une amélioration deux fois plus marquée des envies alimentaires globales, quatre fois plus prononcée pour les aliments salés et presque deux fois plus forte pour les aliments les plus désirés – un effet contre-intuitif, étant donné leur perte de poids plus importante.
En revanche, aucune différence significative n’a été observée concernant les marqueurs cliniques tels que la pression artérielle, la fréquence cardiaque ou encore certains biomarqueurs sanguins (fonction hépatique, glycémie, cholestérol, inflammation). Rachel Batterham, coautrice principale de l’étude, avance une hypothèse : « le régime alimentaire habituel des participants à l’essai tendait à s’écarter des recommandations nutritionnelles, avec une proportion d’aliments ultra-transformés supérieure à la moyenne. Cela pourrait expliquer pourquoi le passage à un régime expérimental composé uniquement d’aliments ultra-transformés mais équilibrés sur le plan nutritionnel a entraîné des effets neutres ou légèrement favorables sur certains indicateurs de santé. »
Des recherches de plus longue durée seront toutefois nécessaires pour confirmer ces résultats et évaluer plus finement les effets métaboliques de ces régimes. En attendant, « le meilleur conseil reste de suivre les recommandations nutritionnelles en modérant son apport énergétique global. privilégier des options moins transformées, comme les aliments complets et la cuisine maison, plutôt que les produits ultra-transformés, emballés ou les plats préparés, semble offrir des bénéfices supplémentaires en matière de poids corporel, de composition corporelle et de santé globale », conclut l’experte.