La menace des virus synthétiques : quand recréer le virus de la grippe espagnole devient possible

Dans une expérience, des chercheurs du MIT ont pu commander et combiner des parties du virus de la grippe de 1918.

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| Kateryna Kon/Science Photo Library/Getty Images
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L’idée qu’on puisse facilement commander l’ADN synthétique nécessaire pour recréer le virus de la grippe espagnole de 1918 peut sembler hors de portée. Pourtant, une expérience menée par un laboratoire du MIT a révélé que cette tâche est réalisable sans trop de difficultés, remettant en question les mesures de sécurité en place. Même avec les vérifications effectuées par les fournisseurs pour détecter des séquences potentiellement dangereuses, les risques d’abus demeurent, ce qui souligne la nécessité d’une vigilance accrue.

Cette expérience montre que les bénéfices considérables de la biotechnologie peuvent en contrepartie présenter des vulnérabilités importantes face aux abus. Une pandémie causée par un virus fabriqué à partir d’ADN synthétique, ou même un incident mineur de bioterrorisme, provoquerait non seulement une crise de santé publique, mais imposerait aussi des restrictions paralysantes à la recherche scientifique.

L’accessibilité des séquences génomiques : une épée à double tranchant

Les séquences génomiques des virus pandémiques et les protocoles détaillés pour fabriquer des échantillons infectieux à partir d’ADN synthétique sont désormais librement accessibles en ligne, rendant essentiel le contrôle systématique de toutes les commandes d’ADN synthétique.

Les leaders de la synthèse de gènes sont conscients des risques de sécurité et des potentielles responsabilités. Depuis 2009, les fournisseurs membres du Consortium International de Synthèse de Gènes (IGSC) dépistent volontairement les commandes, mais ces efforts se révèlent insuffisants si la majorité des non-membres ne dépistent pas les leurs. Le dépistage des séquences peut cependant être facilement contourné.

Pour tester l’efficacité des pratiques actuelles, deux doctorants du MIT ont mené une expérience de red-teaming supervisée par le FBI. Ils ont utilisé des stratégies d’évasion simples pour camoufler des commandes de fragments d’ADN qui pourraient être utilisés pour reproduire le virus de la grippe de 1918.

L’approche de Rey Edison et Shay Toner, auteurs principaux de l’étude, consistait à modifier légèrement les séquences génétiques commandées afin de contourner les algorithmes de dépistage des fournisseurs. En procédant ainsi, ils ont réussi à passer des commandes sans être détectés. « Nos résultats démontrent que presque toutes les pratiques de filtrage de la synthèse d’ADN employées en octobre 2023 n’ont pas réussi à rejeter les commandes légèrement déguisées qui pourraient être assemblées pour produire des agents sélectifs viables, y compris un virus pandémique », écrivent les chercheurs dans leur document.

Leurs résultats ont mis en lumière une réalité troublante : bien que des mécanismes de dépistage existent, ils ne sont pas infaillibles. Les chercheurs ont souligné que le système actuel repose trop sur la bonne foi des fournisseurs et sur des technologies de dépistage qui peuvent être facilement déjouées avec des connaissances relativement basiques en biotechnologie. Edison et Toner appellent ainsi à une refonte des protocoles de sécurité, suggérant l’intégration de méthodes avancées pour renforcer la détection et la prévention des commandes suspectes. Cette expérience souligne l’urgence de développer des solutions plus robustes pour protéger la société contre les menaces posées par la biotechnologie synthétique.

Vers une régulation renforcée ?

Pour protéger la bioéconomie, il est essentiel que les entreprises continuent d’adhérer à des protocoles de sécurité robustes, comme ceux proposés par l’IGSC, qui inclut le dépistage des clients et des séquences. Bien que ces efforts soient déjà en place, ils ne sont pas encore harmonisés à l’échelle mondiale pour s’assurer que tous les acteurs de l’industrie appliquent des normes uniformes de bio-sécurité.

En outre, face à l’essor des technologies de biologie synthétique, nous nous trouvons à un carrefour critique où l’innovation et la sécurité doivent impérativement coexister. La possibilité de recréer des virus mortels comme celui de la grippe espagnole de 1918 donne froid dans le dos. Ce n’est pas seulement une question de science, mais de responsabilité collective. L’avenir de la biotechnologie dépendra donc de notre capacité à naviguer avec prudence entre potentiel et péril.

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