Son nom parle de lui-même : le HapticPuppet a été mis au point par une équipe de l’Université de la Sarre, à Sarrebruck en Allemagne, en collaboration avec un chercheur de l’Université de Toronto. Ce drone a été conçu pour fournir un retour haptique dans n’importe quelle direction à la partie du corps à laquelle il est relié. Il pourrait ainsi être très utile en physiothérapie, ou encore dans le domaine de la réalité virtuelle et augmentée.
Les dispositifs de retour haptique sont conçus pour fournir aux utilisateurs un certain ressenti tactile et une perception kinesthésique ; ils sont notamment utilisés pour améliorer le réalisme et l’immersion dans les environnements de réalité virtuelle, ou encore pour guider des personnes malvoyantes. Les actionneurs robotiques qui sont généralement utilisés pour fournir un retour haptique dans le cas d’interactions simples offrent néanmoins une flexibilité et une résolution spatiale limitées.
C’est pourquoi des chercheurs ont eu l’idée de concevoir une nouvelle interface kinesthésique à retour de force sous la forme d’un drone : celui-ci est capable d’exercer des forces dans toutes les directions sur le corps humain, à l’aide d’un lien fixé sur l’une ou l’autre partie du corps (doigts, mains, chevilles). Plusieurs drones peuvent même être utilisés simultanément, transformant l’utilisateur en véritable marionnette.
Actionner un corps tout entier
Selon ses concepteurs, ce drone offre trois avantages par rapport aux dispositifs existants : 1) il permet aux utilisateurs de se déplacer librement dans l’espace, avec absence totale de retour de force lorsqu’il est inactif ; 2) il permet un repositionnement tridimensionnel rapide pour éviter les collisions et assurer une adaptation rapide à de nouveaux contextes ; 3) il peut générer des forces directionnelles le long de trajectoires complexes dans l’air.
Il est prévu que l’utilisateur soit équipé d’un ou de plusieurs points d’attache, au niveau des parties du corps qui sont sollicitées dans l’interaction ; le drone peut se connecter à ces points de fixation à l’aide de liens de polyamide ou de nylon (ou tout autre matériau selon les besoins de l’interaction). Ce type d’approche a déjà été utilisé en réalité virtuelle, mais se limitait à la main. Jusqu’à présent, aucun système à base de drones n’a été mis au point pour actionner un corps tout entier.
Le drone mis au point par Martin Feick et ses deux collègues peut être relié aux doigts, aux poignets, aux bras et aux chevilles de l’utilisateur, mais leur approche ne se limite pas à cela. « Nous imaginons également des points d’attache pouvant être fixés sur la poitrine, la tête ou les jambes des utilisateurs », précisent-ils. Chaque point d’attache se compose de trois éléments : une base, un roulement unidirectionnel et un crochet pour attacher le fil.
Le drone, d’une dizaine de centimètres à peine, est doté de 4 petits moteurs de 4500 KV ; son contrôleur de vol repose sur le logiciel Betaflight. Dans le cadre des expériences menées par Feick et ses collaborateurs, le drone a été équipé de marqueurs rétro-réfléchissants permettant de suivre de près sa position et son orientation, au sein d’un espace d’environ 60 m3, surveillé par une douzaine de caméras.
Une personne distante qui devient plus réelle que jamais
Dans un premier cas d’usage simple, le drone a été utilisé pour appuyer sur un bouton en réalité augmentée. L’appareil a également été mis en œuvre dans un environnement de réalité virtuelle, pour une interaction située au niveau des pieds (l’utilisateur donnait virtuellement un coup de pied dans un ballon). « HapticPuppet peut donner aux objets et à l’environnement purement virtuels une forme « physique » tangible. De cette façon, il peut améliorer les interactions et donc offrir une expérience de réalité augmentée plus réaliste, intuitive et convaincante », résume l’équipe.
HapticPuppet permet aux utilisateurs d’effectuer des exercices physiques avec des résistances statiques ou dynamiquement changeantes. L’un des principaux avantages de cette approche par rapport aux bandes de résistance traditionnellement utilisées pour la rééducation est qu’un seul appareil est nécessaire ici pour un large éventail d’exercices. Les concepteurs ajoutent que le flux d’air généré par les hélices du drone pourrait même servir à rafraîchir la personne pendant l’effort.
Enfin, les chercheurs sont également parvenus à connecter physiquement deux personnes éloignées : l’utilisateur local ressent les mouvements de l’autre personne, ce qui leur permet de synchroniser leurs gestes. Ce type d’usage peut être intéressant pour s’entraîner au golf ou au tennis avec un expert distant, suggèrent-ils. À l’aide de la réalité virtuelle et augmentée, il est même possible d’imaginer la présence d’un avatar simulant la présence de la personne distante.
Reste un défi de taille : positionner précisément les drones dans l’espace 3D, ce qui implique d’éliminer tout effet d’oscillation ou de dérive. Les chercheurs soulignent par ailleurs que le bruit et le flux d’air des drones peuvent être très gênants dès lors qu’ils ne correspondent pas à l’interaction simulée. Pour contourner ce problème, ils envisagent entre autres d’utiliser des drones sans pales.