Selon la NASA, 84 000 météorites s’écrasent sur Terre chaque année. Certes, nous savons que la Terre, bombardée dans sa jeunesse par de nombreuses météorites, a connu autrefois des températures infernales. Mais jusqu’ici, on ne savait pas jusqu’à quel point. En 2017, une première étude a révélé qu’une roche s’est formée lors d’un impact météoritique, il y a 36 millions d’années, avec une température de près de 2370 degrés Celsius. Récemment, cette mesure a été affinée, et surtout les chercheurs ont confirmé que cette roche était le témoin de la zone la plus chaude jamais détectée sur Terre. Elle nous en apprend un peu plus sur les conditions qui ont contribué à rendre notre planète habitable.
La découverte de cette roche remonte à 2011, lors d’une étude financée par l’Agence spatiale canadienne concernant la façon de coordonner le travail des astronautes et des Rovers pour explorer une autre planète ou la Lune, au niveau du cratère de Mistastin — qui ressemble beaucoup à un cratère lunaire et est souvent utilisé comme substitut pour de telles recherches. Ce dernier se situe dans le nord-ouest du Canada, dans la région du Labrador. Il a été formé lors de l’impact d’un astéroïde il y a environ 36 millions d’années. Il mesure près de 28 km de diamètre et son centre est aujourd’hui occupé par un lac de 16 km où surnage une petite île — créée par le rebond après l’impact. Michael Zanetti, alors chercheur à l’Université Western Ontario, et ses collègues, y ont trouvé une roche, un verre d’impact, contenant de petits grains de zircon.
Par suite, en 2017, cette roche a été analysée, suggérant qu’elle s’est formée à 2370 degrés Celsius à la suite de l’impact. Des études complémentaires devaient être menées pour confirmer ou réfuter ces premiers résultats. C’est chose faite. La nouvelle étude est publiée dans Earth and Planetary Science Letters.
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La zircone cubique, un enregistreur des températures élevées
Dans l’objectif d’affiner la première mesure, les chercheurs ont dû dater plus d’un zircon. Effectivement, la nouvelle équipe, menée par Nicholas Timms de l’Université de Perth en Australie, s’est intéressée aux minéraux trouvés sur les parois du cratère — leurs présences sont autant d’indices d’un impact —, et notamment à la zircone, plus précisément l’oxyde de zirconium (ZrO2). Selon les auteurs, après avoir étudié quatre autres zircons dans des échantillons du cratère collectés entre 2009 et 2011, ils ont mis en évidence que cette zircone était présente sous une forme cristalline cubique. Ces échantillons provenaient de divers types de roches à différents endroits, donnant une vue plus complète de la façon dont l’impact a chauffé le sol. L’une provenait d’une roche vitreuse formée lors de l’impact, deux autres de roches qui ont fondu et se sont resolidifiées, et la dernière était issue d’une roche sédimentaire contenant des fragments de verre formés lors de l’impact.
Or, la zircone est issue du minéral, le zircon, qui ne devient de la zircone que s’il est soumis à une température d’au moins 2 370 degrés Celsius. Nicholas Timms, avec l’aide de son équipe, a ensuite déterminé l’ancienneté de cette zircone. Elle serait apparue il y a environ 36 millions d’années. Les résultats ont confirmé que les zircons de verre à impact, se sont formés à une chaleur d’au moins 2 370 degrés Celsius , tout comme la recherche de 2017 l’avait suggéré. Étant des minéraux extrêmement durables qui cristallisent à haute température, la structure des zircons peut montrer à quel point il faisait chaud lorsqu’ils se sont formés. Comme l’explique Gavin Tolometti, étudiant postdoctoral à l’Université Western Ontario et auteur principal, dans un communiqué : « Personne auparavant n’avait même envisagé d’utiliser la zircone comme enregistreur des températures des fontes d’impact. C’est la première fois que nous avons une indication que de véritables roches peuvent être aussi chaudes ».
Un minéral inédit dans cette région
De surcroît, les chercheurs ont trouvé un minéral appelé reidite dans les grains de zircon du cratère. C’est la première fois que des reidites sont découvertes sur ce site. Ces minéraux se forment lorsque les zircons subissent des températures et des pressions élevées. C’est pourquoi leur présence permet aux chercheurs de calculer les pressions subies par les roches lors de l’impact. Ils ont constaté que l’impact a introduit des pressions comprises entre 30 et 40 gigapascals.
En effet, Tolometti déclare que : « Compte tenu de la taille de la reidite dans nos échantillons, nous savions que la pression minimale qu’elle enregistrait, probablement, était d’environ 30 gigapascals. Mais comme il y a beaucoup de reidites encore présentes dans certains de ces grains, nous savons qu’elles pourraient même être supérieures à 40 gigapascals ». Cela donne une meilleure idée de la quantité de pression produite à l’extérieur de la zone de fusion lorsque la météorite a frappé la surface. Étant donné qu’il s’agirait de la pression sur les bords de l’impact, les chercheurs estiment qu’à l’endroit où la météorite a frappé la croûte directement, les roches n’auraient pas seulement fondu, mais se seraient vaporisées, tant la pression était énorme.
Des météorites façonnant notre monde actuel
Au-delà du record « de la température la plus élevée enregistrée dans la croûte terrestre », ces recherches montrent combien une région peut devenir un enfer immédiatement après l’impact d’un corps céleste. Mais, comme le soulèvent les auteurs, paradoxalement, la vie sur cette planète doit peut-être beaucoup à ces cataclysmes. Celui de Mistastin, assez récent et modéré, était plutôt isolé.
Mais il y a quatre milliards d’années, lors du Grand bombardement tardif, les impacts étaient incessants — c’était l’enfer sur Terre, une période que l’on appelle l’Hadéen. Ils ont joué un rôle majeur dans la formation et la composition de la croûte terrestre. Ils ont resurfacé la planète et contribué à la rendre habitable. En d’autres termes, les météorites ont « cuit » la croûte terrestre — notre sol — induisant alors un relargage, dans l’atmosphère, d’hydrogène, de carbone et de soufre. Ces derniers éléments sont à l’origine de l’apparition de la vie sur Terre. Néanmoins, s’ils avaient été en abondance, ils auraient pu rendre notre planète inhabitable. Heureux concours de circonstances.
Le groupe de recherche prévoit d’étendre ce travail à d’autres cratères d’impact sur Terre, comme le lac Wiyâshâkimî (cratère Clearwater West) au Québec. Les chercheurs espèrent également utiliser des méthodes similaires pour étudier les roches ramenées des cratères d’impact sur la Lune lors des missions Apollo. Tolometti conclut : « Cela peut être un pas en avant d’essayer de comprendre comment les roches ont été modifiées par la cratérisation d’impact à travers l’ensemble du système solaire ».