Si dans les ordinateurs conventionnels le silicium est utilisé à profusion comme matériau conducteur de base, dans les ordinateurs quantiques, il se pourrait que même des matériaux isolants soient exploités, à condition d’avoir subi quelques modifications. Un groupe de chercheurs international a rendu cela possible en mettant au point un nouveau dispositif permettant de réaliser des changements structurels profonds au sein de tout type de matériau.
La maîtrise de la topologie est devenue une pierre angulaire de la physique quantique, notamment en raison des propriétés exceptionnelles et fiables qu’elle peut attribuer à un matériau. Un matériau topologique bénéficie en effet de propriétés électroniques spécifiques, dont une haute résistance contre les perturbations. Selon des experts, la modification de certaines caractéristiques de ce type de matériau pourrait aboutir à la création de nouveaux dispositifs électroniques plus fiables, qui pourraient fortement servir les ordinateurs quantiques.
Or, un tel travail reste encore difficile à réaliser, faute de méthodes de transformation et d’adaptation efficaces. Cependant, dans une étude récente publiée dans la revue Nature, des chercheurs de l’Université de Californie à Irvine (UCI) et du Laboratoire national de Los Alamos ont mis au point une nouvelle technique de transformation topologique. Par le biais d’un dispositif qu’ils ont conçu de toute pièce, ils ont réussi à améliorer les propriétés d’un matériau neutre en le transformant en un « bon conducteur ».
Une station de «pliage topologique»
Dans le cadre d’expériences, les chercheurs ont utilisé le pentatelluride de hafnium (HfTe5). Ce matériau est classé en tant qu’isolant topologique, c’est-à-dire que sa surface conduit l’électricité tandis que l’intérieur reste isolant. Avant de subir les modifications induites dans le cadre de cette étude, le HfTe5 était considéré comme un matériau « trivial », car il ne possède pas de caractéristiques particulièrement utiles pour l’informatique quantique. Les chercheurs ont ainsi visé à améliorer ses propriétés afin qu’il soit adapté à une telle utilisation.
Pour ce faire, ils ont réalisé des modifications structurelles au niveau des atomes du matériau. Ils se sont servis d’un dispositif nommé « station de pliage » qu’ils ont conçu au sein de l’atelier d’usinage de l’UCI. Concrètement, ils ont appliqué une force externe sur le matériau. En étant bien contrôlé, le processus induit des changements dans l’agencement des atomes (la façon dont ils sont liés).
Les chercheurs ont précisé que ces modifications de la structure atomique du matériau ne sont pas permanentes. Ils expliquent qu’il est effectivement possible « d’activer » ou de « désactiver » ces changements structurels en ajustant la quantité de déformation appliquée (soit la force). Cela ouvre ainsi la possibilité de créer des « interrupteurs » à une échelle atomique !
Un pas de plus vers les ordinateurs quantiques
Cet exploit constitue un pas supplémentaire vers la conception d’ordinateurs quantiques viables. « C’est prometteur pour le développement de dispositifs quantiques », affirme dans un communiqué l’un des chercheurs de l’étude. En modifiant la structure atomique du HfTe5, il est donc possible d’obtenir des qubits plus stables et plus efficaces. De plus, cela permettrait de contourner les limites du silicium, actuellement le conducteur de premier choix pour les ordinateurs conventionnels.
En outre, selon les chercheurs, la même expérience peut être réalisée sur d’autres matériaux. Pour donner un exemple, ils citent le verre, qui est un matériau isolant. Selon eux, ils pourraient le modifier via leur dispositif pour en faire un matériau conducteur. « Imaginez que nous puissions transformer le verre, généralement considéré comme un matériau isolant, et le convertir en conducteur efficace semblable au cuivre. C’est ce que nous avons fait », expliquent-ils.