La technologie équipe divers engins de chantier et tout-terrain depuis 2019, mais elle n’était pas encore accessible aux voitures de tourisme. C’est désormais chose faite : Michelin s’est associé à General Motors pour concevoir et commercialiser une nouvelle génération de pneus airless pour les particuliers. Baptisé Uptis (pour Unique Punctureproof Tire System), ce pneu est par nature increvable et s’inscrit directement dans la stratégie de mobilité durable adoptée par Michelin.
Le concept est véritablement révolutionnaire : parce qu’il ne nécessite pas d’air, ce pneu élimine le risque de crevaison et d’éclatement. Pour les usagers, c’est un gage de sécurité supplémentaire et une plus grande tranquillité d’esprit (inutile de se préoccuper de la pression des pneus) ; pour les exploitants de flottes de voitures de tourisme, ce sont du temps d’immobilisation et des coûts de maintenance significativement réduits. Et cerise sur le gâteau : la fabrication du pneu requiert beaucoup moins de caoutchouc qu’un pneu standard.
Il faut savoir que depuis 2019, le secteur automobile fait face à une pénurie de caoutchouc, en partie à cause d’une maladie qui a décimé une bonne partie des plantations d’hévéa et de la disparition de nombreux producteurs. En outre, la surproduction de gants chirurgicaux due à la pandémie a limité encore un peu plus les ressources, entraînant une hausse fulgurante des prix (avec une progression possible jusqu’à 5 dollars/kg d’ici 2026, selon Flottes Automobiles).
Des pneumatiques 100% durables d’ici 2050
L’Uptis, monté sur des jantes spécialisées, est capable de résister à des impacts beaucoup plus importants qu’un pneu classique, sans aucune résistance supplémentaire au roulement. Il est monté sur une roue en aluminium, dotée d’une structure porteuse souple en composite caoutchouc synthétique et verre-résine à haute résistance, sur laquelle est appliquée une bande de roulement — la partie en contact avec la route — en caoutchouc naturel.
Cette bande de roulement peut en outre être adaptée aux différentes saisons ou selon les performances souhaitées. Il est par exemple possible de percer la bande pour une meilleure résistance à l’aquaplaning, ou bien de régler la rigidité du pneu pour une meilleure stabilité dans les virages et dans les phases d’accélération et de freinage ; si nécessaire, les capacités de gestion des terrains accidentés peuvent être ajustées pour éliminer le besoin d’une suspension annexe sur certains types de véhicules. Selon Michelin, l’Uptis peut ainsi durer trois fois plus longtemps qu’un pneu ordinaire.
Selon le constructeur, environ 200 millions de pneus dans le monde sont mis au rebut prématurément chaque année à la suite de crevaisons, de dommages causés par les dangers de la route ou d’une pression d’air inappropriée qui provoque une usure inégale. Déployé à l’échelle mondiale, ce pneu « évidé » permettrait donc de réduire de façon notable ces déchets particulièrement difficiles à valoriser.
Mais la conscience écologique du constructeur ne s’arrête pas là, car le pneu Uptis s’inscrit dans un projet beaucoup plus large, baptisé Vision. Le groupe vise non seulement à réduire sa consommation de caoutchouc naturel, mais aussi celle de tous les composants d’origine fossile qui entrent dans sa fabrication. « La stratégie de Michelin est centrée sur la mobilité durable. C’est pourquoi notre ambition est d’utiliser des matériaux 100% durables dans nos pneus d’ici 2050 », a déclaré Yves Chapot, Directeur général du groupe Michelin lors du salon de l’automobile IAA Mobility de Munich, qui s’est tenu la semaine dernière.
Pour atteindre son objectif, le groupe mise fortement sur l’économie circulaire. « Réduire, Réutiliser, Recycler, Renouveler », c’est la « Stratégie 4R » adoptée par le constructeur pour ne consommer que le strict nécessaire et créer de la valeur à chaque étape de la vie du produit. Michelin souligne par ailleurs qu’il investit davantage dans les matériaux biosourcés et les nouvelles technologies de recyclage.
Une technologie qui n’altère pas l’expérience utilisateur
Pour éliminer les composants d’origine fossile, Michelin a conclu divers partenariats avec des acteurs du secteur de l’énergie. Parmi eux, le projet BioButterfly, mené avec l’IFP Énergies Nouvelles et la société Axens, vise à produire du butadiène à partir d’éthanol extrait de la biomasse (végétaux) en remplacement du butadiène issu de la pétrochimie ; le but étant de fabriquer des caoutchoucs synthétiques innovants et plus respectueux de l’environnement.
De même, le partenariat signé en novembre 2020 avec la société Pyrowave — leader de l’économie circulaire des plastiques et du recyclage chimique par micro-ondes — conduira à la production de styrène (un composant des caoutchoucs synthétiques) à partir de pots de yaourts, barquettes alimentaires et panneaux isolants recyclés. Plus récemment, Michelin s’est associé à la start-up suédoise Enviro pour développer et industrialiser à grande échelle une technologie de pyrolyse innovante permettant de recycler les pneumatiques en fin de vie ; les produits issus de la pyrolyse (noir de carbone, huile, acier et gaz) seront récupérés et réintégrés dans le circuit de production.
L’Uptis a fait sa première démonstration publique lors du salon IAA Mobility de Munich ; quelques visiteurs ont ainsi pu tester ce pneu nouvelle génération en exclusivité, à bord d’une Mini électrique. D’après les retours, les conducteurs n’ont ressenti aucune différence notable avec le fait de conduire une voiture équipée de pneus ordinaires — ce qui était justement le but recherché par Michelin. « Notre plus grande satisfaction est venue à la fin de la démonstration lorsque nos passagers, certes un peu méfiants au début, ont déclaré ne ressentir aucune différence par rapport aux pneus conventionnels », a déclaré Cyrille Roget, Directeur de la communication technique et scientifique du groupe.
General Motors commencera à proposer Uptis en option sur certains modèles dès 2024 ; les deux associés travaillent dès à présent avec les autorités gouvernementales américaines pour obtenir l’autorisation d’utilisation sur la voie publique. Les poids lourds devront attendre quelques années supplémentaires pour disposer de leur propre version de pneus airless.